dimanche 24 octobre 2021

Désorientée

Quand James Blunt est un symptôme


J'ai été désorientée.
Je viens juste d'en sortir.
J'ai mis quelques temps à m'en rendre compte. Puis j'ai laissé faire. 
Ca fait moins de 10 jours que je suis lucide sur le sujet.

Deux semaines avant de me faire opérer (puis finalement non) à coeur ouvert, j'ai commencé la série "Grey's anatomy". 
Quelle personne saine d'esprit regarde une série qui a plus de 15 ans, qui montre des corps ouverts, des by pass cardio, des situations critiques, des gens qui meurent sur la table d'opération, et d'autres qui ne se réveillent pas de l'anesthésie,  une dizaine de jours avant de passer au bloc?
Mais ça évidemment je ne l'ai pas vu toute de suite. Je me suis dit que peut-être quelque chose clochait quand je regardais les épisodes dans ma chambre d'hôpital et que je craignais que le personnel ne me fasse une remarque. Là, je me suis dit que, peut être ce n'était pas la meilleure série à regarder en ce moment.

J'ai voulu écrire mes directives anticipées avant d'y aller. A part rester plantée devant mon écran, je n'ai pas écrit un mot sur le sujet. Je ferai ce truc, un jour, je pense que c'est important. Ce qui est important surtout est de le faire à un moment où tout va bien, et où on est lucide avec les idées claires.

J'ai écouté James Blunt en continu. Que James Blunt. Et c'est là où je me suis dit que j'étais désorientée. 
Alors que j'étais rentrée de l'hôpital que je n'avais pas été opérée, que tout irait bien puisque le catharisme interventionnel venait à ma rescousse, que les hippocampes feraient leur charge et je ne serai pas obligée de mettre des cols roulés le restant de mes jours pour cacher ma cicatrice au thorax.
Mais j'ai continué à écouter James Blunt et à regarder Grey's Anatomy. 

Je suis aussi allée courir un lundi matin avec James Blunt dans les oreilles, au lieu d'aller au bureau.
Je suis allée voir Dune (le film) à alors que j'étais en arrêt maladie et rien ne m'y obligeait.
J'ai dormi plus de 10 heures par nuit, je n'ai vu personne de la semaine, j'ai fait des copier-coller de SMS pour dire que j'allais bien, que c'était chouette. Je regardais les gens qui meurent dans Grey's anatomy.

J'ai lu des dizaines de messages d'amis et de connaissances qui me disaient que peut-être reprendre le travail dès le lundi suivant la sortie d'hôpital c'était rapide.
Je me suis effondrée en pleurs chez le cardiologue lors de la visite de routine.
Et là au Nième message d'une copine qui m'a dit explicitement : prends une semaine de plus. J'ai compris.
J'ai remis la play list de James Blunt et j'ai attaqué la saison 4 de Grey's anatomy.
J'étais désorientée. 
J'ai eu tellement peur de cette opération qui n'a pas eu lieu. Il m'a fallu du temps pour évacuer la peur.
Et me vivre comme une ressuscitée, qui ne peut pas reprendre la même vie. Pas exactement la même vie. 
Donner un coup de pousse aux changements qui se dessinent, acter ce qui est déja engagé et ne pas regarder derrière.

Et un jour en allant courir, James Blunt était de trop. 


vendredi 15 octobre 2021

C'est pour longtemps et plus encore

Aux rencontres d'Arles 2021

Des années après, la même sensation.

C’est comme un accouchement. Ce n’est pas le moment le plus agréable, mais tout ce qu’on a fait avant était pour en arriver là. Et à ce qui suivra après.

L’accouchement est la première étape de séparation. Tout ce qui suit sert à se séparer, dans de bonnes conditions : qu’ils soient autonomes affectivement, socialement, intellectuellement … et un jour financièrement. 

Bref qu’ils vivent leur vie. La leur, pas celle qu’on a pensée pour eux, ni celle qu’on aurait envie de vivre à travers eux. 

Quitter la maison est la deuxième étape. Très symbolique, très visible et vivace.

Je ne sais rien des étapes suivantes, ni s’il y en d’autres, je sais que celle-là me marque autant que la première.

J’ai su, j’avais senti à la naissance, quand je l’ai tenue dans mes bras, que désormais je serai vulnérable.

Avant, je me sentais invincible. Un enfant m’a ramené à plus de mesure.

C’est par là, c’est par mes enfants que je suis devenu vulnérable, sensible, atteignable, voire corruptible.

Ce dont je me doutais déjà à l’époque que ce serait pour longtemps, ce que j’ai compris l’autre jour en a laissant dans son studio d’étudiante, c’est que ce serait pour toujours.

jeudi 30 septembre 2021

La charge des hippocampes

Carnet de coloriage (inutilisé)

Nous sommes demain et la maladie est toujours là et pourtant je vais quitter l’hôpital. Mon trou dans le cœur ne sera pas bouché aujourd’hui. Ni demain.
Mais fin novembre. 
Par les hippocampes. 
C’est eux qui vont agir, avec leur danse gracieuse ils vont entrer dans mon cœur et aller boucher ce fichu trou. 

Le joueur d’orgue me l’a dit hier soir, tard. Il est venu dans ma chambre encore revêtu de sa tenue de salle, me dire que j’étais « une excellente candidate » pour une opération par cathéter. Que je ne passais pas au bloc demain matin . Que je pouvais sortir le jour suivant et que je reviendrais fin novembre pour la charge des hippocampes, et que je ne resterai que trois jours.

Rebondissement. Bouleversement émotionnel. Désorientation. 

J’ai eu du mal à cacher ma joie. Comme souvent quand je suis désorientée, j’oublie de poser des questions et j’oublie les réponses si par hasard j’arrive à poser quelques questions.
Dans ma chambre, je n’ai pas reconnu le joueur d’orgue, j’ai tout de même fini par comprendre que c’était le même quand il m’a de nouveau posé des questions sur mon boulot. 
Je ne sais pas son nom, il me l’a dit en salle, mais évidemment je ne l’ai pas saisi.
Je ne sais pas si c’est sous anesthésie générale, mais je crois que oui par ce que l’intervention est un peu longue.
Je ne sais pas quels sont les risques de cette intervention, mais il me semble bien moindre qu’une opération à cœur ouvert.
Je sais que ce médecin est LE spécialiste de cette intervention, qu’il en fait neuf cette année que je suis « entre de bonnes mains » m’a dit l’autre médecin, plus âgé qui la tête et la voix d’un Professeur de médecine.
Et je sais qu’il a eu le temps d’arriver au match de foot avec quelques minutes de retard et que « nous avons gagné », mais je ne sais pas qui est le « nous ».

J’ai l’impression d’être ressuscitée. Je suis toujours désorientée : que vais-je faire de toute cette lecture prévue pour mon arrêt ? Que vais-je dire à mes clients que j’ai mis en sommeil pour un mois ? J’ai une liste de documentaires à regarder, un carnet rempli de choses que j’aimerai faire et écrire pendant ma convalescence, une liste d’expositions à voir, un cahier coloriage…
Il est écrit que je ne ferai jamais de coloriage.

mercredi 29 septembre 2021

Hippocampes et momies

La fille du professeur - Sfar, Guibert

Ils ont fait des progrès, du moins j’ai l’impression. Ce n’est pas comme si j’y passais beaucoup de temps non plus, mais dans ma représentation ils étaient moins attentifs. Ils font attention de bien nous appeler par notre nom, de nous parler directement et surtout de nous poser beaucoup de questions, probablement parce que si on parle, on est moins anxieux. 

Il n’empêche, dès qu’on est à l’hôpital, on est plus tout à fait un adulte valide, entier, autonome. 

Déjà notre anxiété nous fait gentiment régresser, on abandonne inconsciemment et pourtant volontairement une partie de notre autonomie au moment où on franchit la porte du service où va rester quelques temps, ce temps pas toujours bien défini d’ailleurs. On lâche prise sur le temps et le déroulé nos journées, il est difficile d’avoir des horaires exacts pour la prise de sang, les différents examens, radios, échographies, cathétérisme…et encore moins sur les horaires des repas, quand on y a droit. Comme les enfants, notre emploi du temps est fixé par une main invisible et une voix plurielle, qui donnent des réponses aussi différentes que le nombre de fois où on pose la question.

Puis le corps, exposé, immobilisé, regardé, ausculté par toutes et tous. Ce corps dont on perd la maitrise et pour lequel il faut demander l’autorisation pour se tourner, s’habiller, se lever. C’est humiliant de ne pas pouvoir aller seule aux toilettes, de galérer pour approcher sa tablette et se servir un verre d’eau, de regarder son portable s’éteindre parce qu’on n’a pu atteindre la prise … C’est le corps abandonné  dont on n’a ni la maitrise ni la jouissance, qui ne nous appartient pas tout à fait.

 

Tout le monde te parle, te pose des questions : le brancardier, l’aide technique dans la salle examen, le médecin…. Ca fait partie du job, de ce qu’on leur enseigne. Ils écoutent et posent plus de questions. Des vrais questions, qui font une conversation, pas la pluie et le beau temps.

Je n’ai jamais aimé qu’on me pose des questions, encore moins personnelles. Fut un temps où je trouvais intrusif quand le lundi au bureau on me demandait ce que j’avais fait le week-end. Quand on me pose des questions sur mes enfants, j’ai toujours un temps d’arrêt pour me rappeler que ce n’est pas une agression, juste une question.

Si j’avais su qu’on me poserait autant de questions sur le livre que je lis et que je trimballe pour ne pas regarder le plafond dans les temps d’attente, j’aurai choisi un autre livre, plus facile à raconter, moins clivant. C’est plus dur pour le métier, mais je me demande si je ne vais pas mentir, donner un métier plus simple, moins exotique.

Je lis « un appartement sur Uranus » de Paul B. Preciado. Le B est l’initiale de Beatriz. Paul B. Preciado est un homme transgenre, bien qu’il n’aimerait probablement pas qu’on dise ça, puisque tout son propos est bien là : le genre, comme beaucoup d’autres barrières est socialement construit et que toutes ces normes sont à déconstruire. Il se vit en transition, sur la frontière, dans une zone non binaire, non encore nommée probablement. C’est bien tout sa reflexion qu’il étend à bien d’autres concepts (les frontières géographiques, les races, …) il navigue (trop) facilement d’un concept à l’autre, ça demande une attention de lecture plus longue qu’un trajet en brancard. Ce livre est le rassemblement de ces chroniques parues dans Libération entre 2014 et XXX, c’est autant la transition de sa pensée, de son identité (ni homme ni femme mais sur la frontière), de son identité administrative…

Ce n’est pas du tout évident de raconter ça à qui que ce soit. Le brancardier a d’ailleurs commencé à me parler planète : « Uranus c’est la plus loin de la Terre c’est ça ? », « les plus proches sont… » il est capable de les citer (moi pas) et de me dire que la dernière découverte s’appelle … là encore je ne sais pas. Je le lui dis. 

« Ce n’est pas un livre sur les planète alors ? » Ben non.

« Alors de quoi ça parle ?» Et c’est là que ça se corse, dans l’ascenseur entre le 3ème et le rez de chaussée.

L’infirmière au cathétérisme a été beaucoup plus loin dans ses questions, j’ai fini par tout expliquer. Elle était très intéressée et m’a parlé de son oncle qui est devenu une femme, et qui a épousé une femme devenu un homme rencontré là où il avait fait sa transition.  Ces histoires de vie sont incroyables, c’est bien ce qui me fascine, c’est bien au delà de mon système de compréhension, je suis totalement en terra incognita.

 

Le cathétérisme est un truc étonnant, une fibre optique est passée dans la veine de l’aine et remonte jusqu’au cœur et poumon. On le voit sur un très grand écran, ce fil qui avance, se cabre, se plie, s’enroule, se déroule, danse comme un hippocampe. C’est le médecin qui manipule l’hippocampe, en pressant sur la jambe à différents endroits, cuisse, genoux, mollets, orteils. Comme un orgue. Je voyais ça plus comme une play station (je sais à peine de quoi je parle), dans les faits c’est un joueur d’orgue qui fait danser un hippocampe.

Le médecin n’était pas intéressé par mon livre, et comme moi, je n’étais pas intéressé par le foot, il m’a interrogé sur mon boulot. J’aurai du contourner certaines questions, donner d’autre réponses. J’ai fini par être brusque et changer de sujet « expliquez-moi ce que vous faites et ce que je vois ».

Moi qui suis si douée d’habitude pour faire parler les gens, là j’ai plus de mal. Il faut dire aussi qu’anxieuse et en pleine régression, je perds une partie de mes capacités relationnelles, et me replie au fond ma grotte, ou comme un hérisson roulé en boule, tout piquant dehors.

 

Après la séance de danse des hippocampes, c’est 6 heures de momie. Un pansement délicat, gracile et peu envahissant (sarcasmes) parcourt la jambe sur deux tiers de la longueur, et une compression appuie sur l’aine. 

Consigne : ne pas plier la jambe, garder l’aine bien étendue. Ce qui veut dire position allongée pour les 6 heures qui viennent, et branchée pour suivre le rythme cardiaque et le pouls avec une prise au doigt. Une momie immobile, connectée. C’est la version du 21ème siècle. 

Puis c’est la nuit.

Pour ne pas céder à la panique ou au désespoir, un peu, beaucoup d’imagination folle est indispensable. Convoquer des souvenirs, ceux qu’on pensait avoir oublié, inventer des histoires avec des personnages fictifs, rêvasser sur des personnages réels : je crois que mon cerveau n’a jamais autant travaillé la nuit. Le médecin m’a dit qu’avec ma maladie mon poumon recevait deux fois plus de sang que mon cerveau. Ce à quoi j’ai répondu que c’était une pathologie pas une maladie, mais qu’il savait mieux que moi les termes à utiliser, mais "pas maladie parce que je n’avais pas de symptômes". Pas de symptômes, pas de maladies. Il a souri, mon ton a du l’amuser, il a fini par me dire qu’un fois réparée je courais plus vite. 

En cherchant sur internet ce matin, je ne suis pas sûre du tout, je suis presque certaine du contraire, c’est bien une maladie - congénitale - que j’ai. Les symptômes sont en devenir, ou déjà là (trop de sang dans les poumons, cœur dilaté d’un côté), même si je n’ai pas envie de les (sa)voir.

Demain, la « maladie » ne sera plus là.

 

dimanche 5 septembre 2021

Helléniques portraits élogieux # à table

La Piquette en version blanc

 « I don’t do reservation, love”, m’a dit la taulière du restau au coin de la rue sur l’île quand en passant je lui ai demandé si on pouvait réserver une table pour le soir, vu qu’à partir de 20h30 se forme une longue queue. Ca fait exactement trente ans qu’on ne m’a appelé « love », depuis que je n’habite plus Leeds (UK). La première qui m’a donné ce nom est la milkwoman qui passait le vendredi soir dans notre shared house prendre les commandes et encaisser les sous. Je ne sais plus si mes flatmates avaient droit aussi au surnom, la première fois j’ai hésité entre loaf, laugh, sans être certaine d’avoir bien compris, mais je ne voyais pas le lien avec le roti ou le rire. Avec l’accent du Yorkshire ça donne quelque chose comme « loaf »  et je l’ai mieux compris quand la dame des sandwich m’a dit « tha, love » pour « merci ma chérie ». Trente après, j'ai eu l'effet d'une madeleine de Proust à l’oreille ! Je me suis sentie petite et très inexpérimentée devant cette tenancière, grande et forte de sa personne, mais nous sommes venus de bonne heure et nous avons eu une table, sans réservation.

Le mot est un concept, dans plusieurs restaurants qui « font les reservations » nous sommes arrivés sans et nous avons eu une table : avant, à côté, ou à la place, mais à chaque fois nous avons mangé. Souvent bien, parfois très bien, jamais mal.

La table ne fait pas le service, et encore moins le menu.
Le kebab ici est une saucisse grecque, un mélange de viande agneau, porc et bœuf ou poulet. Bref ce qu’il doit rester en cuisine. Pour avoir un kebab, il faut demander un gyros, il existe en porc et poulet pas en agneau (ça c’est en Turquie). Le burger ne comprend que le pati de viande, pas le pain. La tête de mes iAdos quand ils ont vu arriver leur assiette de viande avec plein de légumes (et des frites tout de même) mais sans pain ! 
Le souvalki est la brochette et le souvlaki portion regroupe 3 brochettes avec du tzatziki, des tomates, du pain pita et de la salade, souvent des frites.
Le tzatziki peut être « kissing tzatziki» ou la version « no kissing », c’est la quantité d’ail qui fait la différence. Si vous en mangez tous les deux, il est alors possible de prendre la version no kissing et s’embrasser quand même !

Le service est … difficilement qualifiable. Pas au sens où il est mauvais, au sens littéral où je ne trouve pas de qualificatif. Les gens en contact avec les touristes sont vaccinés : le gouvernement grecque n’a pas vacciné ses vieux, il a vaccinés ceux qui travaillent. En France, nous avons salué les petits métiers en contact avec le public lors du premier confinement, mais au delà de notre respect, ils n’ont pas eu notre attention, ni rien de plus que nos intentions. 
Vaccinés et sympas, toujours agréables. 
Etourdis; je dirai. 
Oui, le service est étourdi. Une partie de notre commande a été oubliée de façon quasi systématique : un jus d’orange, un tzatziki, des pancakes, des cafés, le plat principal (c’est plus embêtant). Parfois nous avons reclamé (il faut bien mangé !) parfois non. 
Un matin, avant de prendre un bateau pour changer d’île, nous sommes tombés dans un café tenu par une grande dame, tout en muscle, qui avait l’air de tout (libraire, professeure, marathonienne…) sauf d’une tenancière de café : 
Mon iAdo  : Je voudrais un chocolat froid, 
La Dame : Non, non ne prenez pas ça, il n’est pas bon.
Il commande des pancakes, plus tard arrive une haute pile de pancakes, et la dame nous dit : Je n’ai plus de pate à pancakes. 
Les autres iAdos attendaient tout de même leur petit-déjeuner. « ben des crêpes alors »
La dame : ok je fais de la pâte à crêpe.
Ce qui a pris un certain temps… Entre temps, nous n’avions pas eu nos cafés frappés : vous avez oubliés nos cafés ?
La Dame : oui ! totalement.
Ils ont fini par arriver, comme les crêpes d’ailleurs. Comme un couplet sur les plus jolies îles des Cyclades, comme un commentaire sur les livres que nous lisions…

Qui dit à table, dit que boire. Et là, ce n’est pas la joie. 
Ces vacances ont été mon « dry January version été ». 
La bière présente partout, plusieurs marques présentées comme locales ont toute le même goût, celui de la Heineken. Je crois que je ne connais pas de bière plus mauvaise. C’est pisseux, avec ce petit arrière-goût de plâtre et de rot dans la bouche. 
Je me suis abstenue.
 J’ai essayé plusieurs fois le vin. J’ai eu du vinaigre pétillant, buvable frais, à eviter dès qu’il est à température. J’ai eu de la piquette version blanc, qui donne l’illusion très frais mais reste de l’acide imbuvable au-delà. 
Deux fois, j’ai eu un très bon Chardonnay, dont un verre a été renversé par mon iAdo dans mon assiette, grande perte et grand regret pour une fois que j’avais quelque chose de respectable dans mon verre. 
La Grèce ne fut pas une découverte œnologique en ce qui me concerne. 
Dans les endroits touristiques j’ai essayé les cocktails. Je me suis aventurée dans les créations maisons, parfois à regret, surtout quand le verre s'est présenté tel un ballon de vomi vert, épais et odorant. Le serveur très content est venu me demander si le truc me plaisait ; j’ai dit oui, … il était sympathique.
La fois suivante je suis restée sur un classique Mojito, en me demandant où était le rhum..
Ce voyage ne fut pas une étape alcoolisée, comme certaines auparavant où bières, vins et cocktails étaient des tentations de tous les apéritifs.

 

dimanche 15 août 2021

Helléniques portraits élogieux # sur la route


Figurine votive, époque Mycéene (1500 BC)

A un moment, sur une île nous avons loué une voiture. Nous avons loué la veille de notre arrivée, en recherchant de façon systématique parmi tous les loueurs possibles, même les plus obscurs jusque dans les tréfonds du web, autre chose qu’un scooter ou un quad. Un véhicule susceptible de nous contenir à cinq. On a réduit toutes nos exigences quelles soient de couleur, de motorisation, de marque, de prix, si jamais on en avait eu, on n’en avait plus.

L’iMari a fini par louer un véhicule. Et quel véhicule !

Rien que la tête de nos iAdos quand ils ont vu l’engin valait tout le temps passé sur le web pour le dénicher. Je les avais un peu appâtés en disant que c’était un 4x4. Ce n’était pas un mensonge, c’est juste une vérité très limitée pour décrire le véhicule.

C’était une petite boite à savon, noire, cubique, plus petite que la Fiat Panda 4x4 que j’ai eu dans ma jeunesse. Deux portes, 2 sièges à l’arrière pour trois iAdos, dont un de plus de 1m80, un coffre minuscule contenant 2 valises, soit exactement moins de la moitié de nos bagages. 

En voiture Simone, fut un grand moment ! Où je crois que j’étais la seule à rire.

La boîte à savon nous a mené à bon port partout, fenêtres ouvertes car je ne suis pas certaine du bouton « clim » que nous n’avons d’ailleurs pas enclenché. La boite à savon est passée dans un chemin muletier si étroit que s’il y avait eu trois sièges à l’arrière nous serions restés coincés entre les deux murs de pierres. 

Elle a grimpé des chemins si raides pour aller au site archéologique de Minoa que sans son quatre roues motrices nous aurions du atteindre à pied (en plein soleil sous 40°C). 

La boite à savon nous a promené sur toutes les routes de l’île du Nord au Sud et retour, des crêtes des montagnes au chemin de plages. 

Et elle nous a protégé des chèvres.

 

Le loueur -  business familial Mama derrière le comptoir (pour y faire quoi, Dieu seul le sait), fiston à la relation clientèle, l’oncle à la mécanique (il va chercher le véhicule là où il est garé) nous avait fait la visite guidée de l’ile à partir de la carte en entourant savamment les lieux à visiter, en y ajoutant des noms de restau en grec et des kilomètres indicatifs entre deux destinations. 

Et surtout à un moment il avait dessiné une flèche en nous regardant dans les yeux d’un ton profond et sérieux « on this road, beware of goats ».

 

Mon iMari qui parle un anglais parfait quasi oxfordien n’a évidemment pas compris, alors que moi avec mon anglais de sabir (du moins ma prononciation) j’ai tout de suite saisi le danger. 

J’ai vu les chèvres embusquées sur le bord de la route, cachées derrière des talus, tapies dans les buissons, prêtes à se jeter sur notre capot lors de notre passage. J’ai vu les attaques, les détours à faire pour éviter les embuscades, j’ai vu les zigs-zags comme dans les auto-tamponneuses des foires de mon enfance. Ah ! ici les chèvres sont joueuses. Nous y ferons attention.

D’autres que nous ont été moins attentifs ou n’ont pas compris le « beware of goats », qu’à l’oreille il est aisé de confondre avec ghosts, gods, boats. Au menu de certains restaurants il y avait « goat in lemon sauce ». Nul doute que les chèvres en embuscade avaient gagné sur les boites à savon motorisées.

 

Sur la route, il y aussi des ânes seuls avec leur corde au cou, trainant leur piquet derrière eux. Ils nous font un remake de la Chèvre de Monsieur Seguin. Il y a des motos et des scooters, mais peu de casques. Il y a des touristes à pied, des crottins et des chèvres, peu d’entre elles en embuscade, je dois le reconnaitre. Au mieux campée à l’ombre d’un rocher, au pire au milieu de la route, immobile, ne montrant que peu d’enclin à sauter sur le capot de quelque engin que ce soit. Fut-il aussi attrayant que le nôtre.

samedi 14 août 2021

Helleniques portraits élogieux # à la plage

Magne - Kotronas


Elle est à moins de trois cents mètres de la maison. Il faut longer le figuier, se coincer dans l’ombre du mur, parcourir les quelques mètres en plein soleil, traverser la grande route avant d’atteindre la pinède. Une vraie pinède avec des pins qui s’évasent en haut comme des parasols, le sol couvert d’aiguilles rousses en tapis, l’odeur sèche des résineux. Elle descend en pente douce jusqu’à un semblant d’escalier qui mène à une étroite plage de sable et cailloux. C’est plus une bande étroite entre une falaise et la mer qu’une plage, dans une anse marquée d’un côté par une chapelle blanche aux bords bleu et de l’autre par un moulin qui aurait perdu une partie de ses ailes. L’eau y est bonne, on y entre sans hésitation, le fond est clair, le port est au loin on voit le défilé des bateaux qui débarquent leurs lots de fumeurs, d’instagrameurs et de canaris.

C’est une plage qui a son quota de pneus. Le plus choquant c’est que ça ne nous choque plus. 

Il y a un dans la pinède, pas loin de la poubelle, juste avant l’escalier et un autre dans un coin de la plage. Il y a aussi son lot de bouteilles de bières, vide ou à moitié. Pas des canettes, les bouteilles en verre, la Lager locale, par litre. Ici, on ne va pas à la plage sans son pneu ou sans sa bière

La proximité du port signifie aussi la proximité d’objets flottants plus ou moins identifiés, en plastique principalement. Entendons-nous bien, c’est une belle plage, tranquille, avec peu de monde et une jolie vue. Quand on y regarde de près, on constate la présence humaine par les résidus laissés derrière. En remontant, je regarde plus attentivement le sol de la pinède, je ne serai pas surprise d’y trouver des seringues. Je n’y vois que des préservatifs usagés. C’est un bon endroit de drague, on y vient avec sa bière, son préservatif et parfois son pneu. On laisse tout sur place ensuite. Tout cela est très romantique.

Celle près de la maison est pratique, on y va comme on va à la douche, juste pour se tremper (entre deux pneus). 

On visite d’autres plages sur cette ile paradisiaque, d’autres plages entre deux villages aux maisons blanches lignes bleues et fleurs rose pétant. 

L’eau y est toujours bonne, toujours claire, le sable plus ou moins fin, les cailloux plus ou moins pointus sous les pieds. Je m’y trempe, fais quelques brasses, me laisse flotter. Le soleil tape derrière mes paupières, les sons sont des clapotis d’eau et de secrets murmurés dans les profondeurs, bercée par les remous je m’abandonne au concept de vacances. Mer, soleil et plage. Je m’ennuie en moins de temps qu’il faut pour cligner des yeux s’ils n’étaient pas déjà fermés. 

Je réfléchis au concept de vacances en faisant l’étoile de mer. 

Et rapidement je pense à autre chose, je pense à La leçon de piano quand elle plonge avec son piano, à ce film avec Shailene Woodley (A la dérive), à La vie aquatique, au film sur le Commandant Cousteau L’odyssée, quand j’arrive à Titanic je frissonne, puis évidemment au Grand Bleu, c’est en général le moment où je commence à stresser à l’idée des profondeurs et de ce qu’elles contiennent. Je lutte un peu contre mon angoisse, me laisse surprendre par une mini vague qui me submerge le nez, bois vaguement la tasse, et je me redresse, légèrement désorientée. Je suis du signe du cancer, pourtant pas une créature d’eau. Je déteste ne pas savoir ce qui se passe sous mes pieds.

La plage est un lieu d’observation. Peu de gens se baignent en fait. Ils passent plus de temps à s’installer, à se crémer, à étaler la serviette, trouver la bonne orientation, en changer, pile puis face. Peu de gens lisent, ni sur leurs écrans. Ils ne font rien, reposant sous le soleil, souvent sans se couvrir la tête. Ce doit être l’équivalent de ce que je fais dans l’eau avec mon étoile de mer. Ils réfléchissent au concept de vacances, et font défiler des images de plage, ou de sable ou de travaux ou de rien, d’aileurs.

vendredi 13 août 2021

Helléniques portraits élogieux - #Sur le bateau

Paros - Cyclades

Cyclades riment avec vacances idéales, le soleil, la mer, les maisons blanches et bleues. 
Pas exactement pour moi.
C’est un concept de vacances qui au mieux m’ennuie, au pire m’agace. J’y apprécie la chaleur et son odeur, la sueur qui dégouline le long du dos, les cailloux millénaires, sculptés qui parlent d’autres mondes avant nous, les fesses des statues qui ne demandent qu’à être caressées (et qu’on ne peut pas toucher), la feta partout, l’eau fraiche dans la gorge, le bruit du ventilateur la nuit plafond. 
Et c’est tout.
 




#Sur le bateau

Le départ du Pyrée a quelque chose de très typiquement portuaire et méditerranéen. La gare de train est le témoin d’une gloire industrielle passée : belle hauteur sous plafond, fer riveté, propre et calme. On pourrait s’imaginer à la descente d’un arrêt de l’Orient Express au début du siècle dernier. Dès qu’on est sorti de cet espace protégé, c’est la plongée dans le chaos, la chaleur, la crasse, le bruit, les trottoirs (s’ils existent) défoncés, du monde partout. On s’attend à être bousculé, piétiné, chaque café ressemble un bouge où prendre un verre est un acte d’une incroyable témérité. Traverser la rue pour rejoindre le quai est une revisite du déparquement, les feux tricolores changent de couleur sans incidence, aucune, sur le flot des voitures, ou des passants. 

Il est un peu avant 17h, la chaleur bat son plein, la file d’attente pour embarquer est le long du quai, en plein soleil, pas un brin d’ombre ni d’air. La longue file de gens avec leurs bagages, chapeaux, parasols et canaris en cage contemple les immeubles miteux qui leur font face, vantant des « greats rooms vith AC » des façades grises couvertes de poussières et de fenêtres aux rideaux qui furent un jour certainement blanc immaculé, et qui sont désormais aussi gris que les murs, offrant ainsi de jolies nuances de gris (peut-être cinquante) sur plusieurs étages. J’imagine aisément derrière, des prostituées et des marins tatoués, saouls et romantiques. J’ai du lire trop de romans. 
Mais je n’ai aucune envie de m’éterniser dans ce coin, fut-ce même pour vérifier les clichés sociologiques des ports. Le guide déconseille d’ailleurs de loger là, « quartier mal famé ». 
Cliché vérifié.

Un gars arborant fièrement le T-Shirt de la compagnie maritime (Blue Sky ferries, au cas où on aurait un doute sur la couleur du ciel dans les Cyclades) remonte la file de vacanciers-en-devenir avec leurs parasols et leurs canaris en hurlant un truc en grec, que même les grecs lui demandent de répéter. Une partie de la file se détache et forme une deuxième file. Impossible de comprendre le dénominateur commun des gens qui forment cette deuxième file : ils ont moins de parasols et de canaris, mais je doute que le gars au T-shirt Blue Sky Ferries hurle « ceux qui n’ont ni parasol ni canari, file de gauche ! ». On constate au final que les deux files se rejoignent et montent indifféremment dans le bateau. Un critère aléatoire pour dédoubler la queue, c’est créatif, et puis, essayer de comprendre le critère de sélection nous a occupé le temps de la queue. Sans jamais y arriver. Et sans utilité aucune, au final.
Le voyage sur le pont du bateau – cinq heures en tout -  est un voyage en soi. J’avais vu les canaris dans la file d’attente, pas les chiens. Sur le pont du bateau je les ai entendus.
5h dans les plaintes d’un animal de la taille inversement proportionnelle à sa maitresse. Le panier du chien était de la taille d’une cage de canari, c’est dire la taille de la maitresse. Les jappements stridents du cabot nain qui ont stoppé quand il a été sorti de sa boite, qu’il a pu boire et être caressé. Qu’est-ce qui lui a pris si longtemps pour le faire ?

5h dans les fumées de cigarettes des uns et des autres : des deux vieux à côté de nous, le plus âgé des deux marchait à peine, toussait entre deux cigarettes, et soignait certainement son cancer du poumon en espaçant de 60 secondes chacune de ses cigarettes. Celles de tous les gens qui venaient fumer sur le pont, les jeunes hommes pour se donner des airs viriles, les jeunes femmes pour se montrer branchées, les accros qui venaient toutes les 15 minutes, j’ai eu un panorama complet des fumeurs du pont 3.

5h avec des gens qui offrent leurs chants à qui n’en veut pas. Une petite guitare, des paroles en grec, des refrains pénibles. Comment dire à ces jeunes que chanter sur le pont d’un bateau n’a rien de cool et de romantique ? Que cela n’a pas attiré d’autres jeunes pour se sentir appartenir à une communauté ? Pourquoi croire que ce qu’on offre doit être bien accueilli ?

Je n’ai jamais vu autant de T-shirt à messages. C’est plutôt les hommes d’ailleurs qui arborent fièrement sur plus ou moins d’abdos des messages plus ou moins énigmatiques. Il y a ceux qui s’annoncent « prêt » (born ready) Prêt à quoi ? A une cigarette sur le pont ? Une photo Insta ? Une chanson en grec ?. Il y a ceux qui se déclarent « unique » : limited edition, 1/1. Ces T-shirt existe en français et en anglais. Le point commun entre ces deux porteurs de message est qu’ils étaient primo arrivants en Grèce : encore tout blanc.  Il y a les messages codés (non décodés à ce jour) : a girl is a gun. Je n’arrive pas à savoir si c’est sexiste, féministe, drôle, aucun de tout ça. Déjà on parle de fille, pas de femme, ensuite un pistolet pour moi est un objet (pas un sujet) et une arme : donc dangereuse. La théorie de mon iAdoe est que c’est un appât : les filles lui demandent ce que ça veut dire et hop il rentre en contact. Il y a aussi ce couple à messages, lui : « we can be a heroe just for one day » et elle : « love yourself ». Je leur aurais bien suggéré d’échanger leur T-shirt.
Si les femmes mettent peu de T-shirt  à message c’est surtout parce qu’elles mettent peu de T-shirt. Elles ont des mini crop top, voire juste des hauts de maillots de bains. Je n’ai jamais vu autant de corps dénudés en même temps, ailleurs qu’à la plage. Sur ces hauts-là, pas moyen d’y mettre un message, aussi court soit-il.

A l’heure du coucher de soleil, le défilé des personnes a connu un regain de variété, plus divers que les fumeurs, les chanteurs et les propriétaires de chiens. J’ai vu les Instagrameurs. Si on faisait des statistiques on verrait à l’heure du coucher de soleil un pic de posts sur Insta : le même cliché, la mer en sombre, le ciel en fond, un dégradé d’orange, le cliché des vacances paradisiaques. Je ne crois pas à la beauté photographique des couchers de soleil (encore moins sur Instagram), je crois qu’un coucher de soleil ça se vit. Ca se regarde seconde après seconde, sans rien faire d’autre, sans se rendre compte du temps qui passe et d’un coup on ne le voit plus sans qu’on ait compris comment. 
J’aime en particulier les couchers de soleil proches de l’équateur, quand le soleil ne se couche pas à l’horizon, mais au milieu de ciel. Cette magie-là me plait.
 

dimanche 23 mai 2021

Ca bouge, désormais c'est là-bas


Ici reste les histoires de famille, le récit des vacances, la petite vie de tous les jours, celle qui se vit, sans militantisme, sans crier, sans s'indigner. celle qui raconte les joies et les peines (parfois). Celle qui est moins politique, même si en fait tout est politique.

Aujourd’hui, les choses se passeront aussi ici Saute d’humeur et d’égalité.



L’aventure du blog avait commencé il y a plus de dix ans maintenant, quand nous étions en expatriation.
L’expatriation s’est terminée, pas l’écriture. 
Le blog est resté, il a évolué dans sa forme, dans son rythme, dans ses sujets. Les thèmes sont restés les mêmes, ils se sont juste densifiés, détourés, précisés à en devenir un décodeur au prisme du genre : « un truc féministe quoi ! ». Je décode ce qui m’entoure et ce qui me touche. C’est ma contribution à l’utopie de vivre semblable dans un même monde, de rechercher une parité de participation dans le monde que nous partageons.


samedi 8 mai 2021

Moisson d'avril

Ma balade de midi

Les lectures d'avril étaient comme la météo, variées, diverses, des grands hauts, un bien bas, du très décalé et du plus classique. Toutes parlent de notre monde, celui dans lequel on vit avec toutes ses nuances, et notre façon unique de l'aborder : en se prenant pour un cosmonaute, en étant saoul, sans attache ou en cherchant d'autres, en secret comme une agente ...

Love me tender  -  Constance Debré. Cette femme est une énigme qui me fascine. Elle est issue de la famille du même nom dont on a tous entendu parler parce que personnalités publiques, politiques, avocats journalistes, ou artiste (le musée de Tours Olivier Debré : fabuleux). Elle se métamorphose depuis plusieurs années maintenant ; l'avocate parisienne prometteuse mariée et mère de famille s'est dépossédée de tout : biens matériels, carrière, couple, et dans ce dernier livre y compris du lien avec son fils, le maintien de ce lien qui devenait un combat. Elle s'est réduite à sa vie intellectuelle (et sexuelle), grande maigre, elle n'est pas intéressée par manger, par posséder ni les choses ni les gens, sa vie se résume à penser, écrire (et baiser, voire aimer parfois). L'écriture est aussi ascétique que sa vie.


Les impatientes Djaïli Amadou Amal. C'est le prix Goncourt des Lycéens, mais qu'est-ce que je me suis ennuyée! Ce n'est pas le sujet, qui devrait m'emballer - la liberté des femmes en Afrique, -  mais son traitement, pas la hauteur, ou l'écriture trop linéaire été prévisible? Ce livre et moi, nous nous sommes loupés. 





L'étrange vallée  -  Anna Wiener. C'est ce que les Américains appellent "non fiction", en France rangé parmi les romans, car ce n'est pas une autobiographie. C'est un sujet (la culture tech des entreprises de la Silicone Valley) raconté du point d'une personne. Elle le vit à la première personne dans la dernière décennie, bien avant la pandémie. C'est glaçant de cynisme, non pas ses propos mais la culture de ces entreprises, où on pense faire le bien, on croit faire le bien et qu'on ne se pose pas beaucoup de questions car finalement on est bien payé et on vit confortablement. Un effet un peu dissonant quand elle raconte une époque avant la pandémie, mais qui semble très réel aujourd'hui avec la notion de distance, de télétravail et de lien délité. A lire absolument.


The SCUM Manifesto -Valérie Solanas. SCUM  : society for cutting up men. Et ce n'est pas une blague. On a beaucoup écrit sur ce livre écrit en 1967, par celle connue pour avoir tiré au revolver sur Andy Wahrhol. On a beaucoup parlé de cette femme, plus que de son livre parce qu'elle a été incestée, prostituée, SDF, artiste, mentalement dérangée... autant d'attributs qui visent à décrédibiliser sa pensée ou à la réduire à un de ceux-là. Je crois surtout quel ce qu'on dit sur elle est pour éviter de voir et de reconnaître  que ce manifeste est sérieux et cdonc dérangeant. Une société  sans hommes. Il exprime la rage jusqu'au bout, renverse la table et ne cherche pas à se faire entendre ni à être poli. 




Les cosmonautes ne font que passer -  Elitza Gueorguieva. Ecrit à la deuxième personne du singulier, on est tout à  côté de la narratrice, on voit le monde par  ses yeux d'adolescente.  C'est la chute de l'empire soviétique et la fin de sa grandeur vue par une adolescente qui veut devenir Iouri Gargarine : elle vit si c'était  la conquête de l'espace. Que faire quand l'empire soviétique n'est plus le seul modèle à suivre et que les grands héros soviétiques sont déchus? Frais, léger, drôle, une autre façon (malicieuse) d'aborder la vie.





Sans alcool Claire Touzard. Je suis tombée dessus par hasard. Cette journalise raconte comment elle se rend compte de la place que tient l'alcool dans sa vie fait d'elle une alcoolique. Elle décide d'arrêter. Ce livre ne raconte pas les 12 étapes (ou je ne sais combien) des AA, mais le rapport qu'elle entretient à l'alcool, le rapport de notre société à l'alcool, ce qu'il nous fait oublier, ce à quoi il nous oblige et que devient une vie sans. J'avoue que pendant quelques temps, j'ai pris du jus de tomate à l'apéro!
La "famille" Shilpi Somaya Gowda. J'avais lu "un fils en or" de cette autrice indienne et j'avais adoré. Elle explore dans ce roman les liens à la famille : entre enfants et parents et comment ils se renouent ailleurs avec d'autres pas forcement bien intentionnées quand la famille vole en éclats. L'histoire se passe au Canada, on y parle de spiritualité, de culpabilité et d'allers et retours.







mercredi 5 mai 2021

D'autres s'y mettent et ça fait du bien

 

Sue Y. Nabi, CEO de Coty

Je compte, je l'ai dit. Et j'écoute et je lis d'autres qui comptent aussi, ce qui me fait me sentir moins dingue dans ma "frénésie du comptage" (je cite un ami). 

Et ces dernières semaines, d'autres plus exposés, plus lus, plus médiatiques, plus "main stream" s'y sont mis aussi. Chacun à sa manière. Je parle de M le magazine du Monde et du supplément Week-End des Echos. Pas des journaux qu'on peut soupçonner de féminisme intégriste. Du féminisme washing peut-être, alors considérons que c'est le prix à payer pour toucher avec un message tout simple la majorité des hommes blancs, qu'on imagine être le lectorat de ces deux journaux. Et que si un ré-équilibrage se fait c'est bon à prendre, peu importe si c'est aussi pour être dans l'air du temps.

Qu'ont-ils fait? Ils regardent la place qu'ils laissent aux femmes, ou autres, autres étant différents des hommes (je lis en ce moment  le 2ème sexe de Simone de Beauvoir, l'Autre sexe dans son texte est la femme, aujourd'hui on peut dire qu'Autre est ce qui n'est pas homme).

M le magazine du Monde a fêté ses 500 couvertures il y a quelques semaines. Ça a été l'occasion pour eux de compter (ah vraiment j'adore ce mot) et le compte n'y est pas. Ils l'ont dit : sur leur site, sur leur compte Instagram, ils en ont fait l'analyse dans des articles gentiment auto-justifiants, mais au moins ils se regardent faire, et dans la durée.

500 couvertures : 288 avec des hommes, 196 avec des femmes (et 16 avec des chaises, des tomates, des éponges...). 

58% des unes avec des bobines de gars, et moins de 40% avec des femmes. 

La directrice éditoriale (et oui!) se fend d'un article sur le sujet, s'en excuse et signifie qu'ils vont y porter attention. Ce bilan des portraits sur leur couverture a donné lieu à d'autres articles qui s'interrogent si les 54 mannequins (parmi ls 196 femmes) sont des vraies femmes (peut-on vraiment se poser ces questions?) ; qui s'évertuent à bien expliciter la diversité des femmes en Une :  des vielles, des jeunes, des noires et d'autres encore. C'est presque un modèle du genre cet article, un peu comme à l'Ecole des Fans (qui se rappelle encore de cette émission?). Un article qui veut surtout avoir l'air bien sur tout rapport.

Reconnaissons tout de même que depuis que la directrice éditoriale est une femme  - Marie-Pierre Lannelongue - un effort est fait sur les thèmes, et sur lui fait la Une. En 2020, la moitié des couvertures étaient tenues par des femmes. Il est vrai que depuis #metoo il devient difficile de faire autrement quand on se veut un journal qui traite "des sujets de société de son temps" (sic) : impossible avec une telle ligne éditoriale de faire l'impasse sur  la représentation des femmes dans les médias.  

M le magazine le Monde, dans la case des bons élèves.

L'autre surprise un peu différente nous vient de Les Echos week-end, le numéro du 25 février dernier. 

Sur 4 pages le portrait de la patronne de Coty (Groupe américain de produits de beauté, concurrent de L'Oréal). Son nom Sue Y. Nabi. Une photo d'elle pleine page, cette femme rayonne de simplicité et d'intelligence. Il faut attendre la deuxième colonne de l'article pour comprendre ce que veut dire "son  histoire plurielle". Et de poursuivre ma lecture, d'être perdue, pas sûre de suivre l'article. J'ai relu plusieurs fois les paragraphes pour voir ce que j'avais loupé. Rien, je n'avais rien loupé, et c'était dit sans être écrit. Ce que je ne vais pas savoir faire : le Y dans son nom est pour Youssef. Cette femme est une femme transgenre d'origine musulmane à la tête d'un groupe international de cosmétique.

J'adore. 

Et je salue la journaliste - Corine Scemama - qui a rédigé cet article sans mettre dans le titre ce qui était singulier et pas banal. La prouesse est que le mot transgenre ne figure à aucun moment dans l'article. 

Ce que je trouve remarquable n'est pas qu'elle soit transgenre (quoique, je serai curieuse de savoir comment elle mène tout de front : une  carrière, une transformation, une identité, une vie ...) c'est que finalement elle n'est pas réduite (essentialisée comme on dit aujourd'hui) à sa transidentité. Et en même temps je m'étonne de m'en étonner. Un jour peut-être nous ne nous interrogerons plus sur le sexe ou le genre ou l'identité des gens, mais nous nous intéresserons d'abord à qui ils sont, ce qu'ils pensent et ce qu'ils font. La transidentité sera "juste" une partie de l'histoire individuelle. Et là peut être nous seront semblables.

L'article raconte sa carrière, son enfance, son parcours (plus que son histoire), ses convictions ... et ne fait pas "sensation" d'où elle vient. On nous parle d'elle comme une personne, qu'elle qu'elle soit sans le vocabulaire des dominants utilisé pour le portait des hommes : "il va falloir qu'on lui confie un jour les commandes" ou encore "il a l'étoffe d'un président", ni le registre utilisé pour les portatifs de femmes avec des détails sur sa vie personnelle "son chat d'enfance s'appelait Kitty" et "elle est bien entourée, son mari fait la cuisine". Cet article n'est certainement pas parfait, mais il montre que c'est possible de faire le portait d'une personne en parlant de cette personne, en évitant les pièges du genre. Le magazine Forbes n'y était pas arrivé l'année dernière à l'annonce de sa nomination, dans son titre il avait coché toutes les cases.

Mais c'est possible, et ça fait bien de le lire.

Merci mesdames les journalistes.

samedi 1 mai 2021

Nos destins féminins en agentes secrètes

 

Dans la moisson d'avril, une petite, renouvellement du genre (roman d'espionnage), qui en change aussi les codes et ça fait du bien! Glané chez mon libraire, un peu au hasard,  "nos secrets trop bien gardés" de Lara Prescott ne doit pas resté un secret (trop facile!). 
C'est un roman inspiré de l'Histoire (que je lis rarement) mais qui raconte des histoires (que j'adore) de femmes (forcement) et de littérature (ca en fait une recette magique), et cerise sur le gâteau des agents secrets femmes : des agentes secrètes (les dictionnaires ne sont pas tous d'accord avec cette féminisation de la fonction). 

Des histoires de femmes qui se croisent (les histoires plus que les femmes) sur fond de guerre froide, et de la parution du grand roman de Boris Pasternak "le docteur Jivaho". Je dis grand roman parce qu'il a eu le Prix Nobel de Littérature, je n'ai vu que le film il y a de cela des années, je n'en ai gardé aucun souvenir. Et après avoir lu "nos secrets trop bien gardés" j'ai une telle image de Pasternak, que j'en viens à le détester. 

L'histoire sous jacente est celle de la CIA qui a tenté d'introduire le roman de Pasternak en URSS alors qu'il n'y avait pas été édité et était interdit. Sa première édition est d'ailleurs traduit de l'italien, le manuscrit avait été sorti clandestinement. La CIA avait une branche "littérature et soviétisme"qui pensait que les mots avaient un pouvoir et pouvaient changer le monde. Cela en ferait presque une entreprise philanthropique, dit comme ça. 

On y croise des anciennes espionnes (qui ont perdu leur job après la guerre, pas comme les hommes qui en ont été récompensés par des postes haut placés) et sont devenues dactylo, en attendant ; la maitresse de Boris Pastrenak (qui ne quitta jamais sa femme et qui a dormi tous les soirs chez lui après avoir diné et fait l'amour avec sa maîtresse) qui a passé des années au goulag à cause (et pour) lui ; des femmes qui s'aiment et qui perdent leur job à cause de leur homosexualité ; des vrais agentes secrètes, qui ne courent pas de toit en tois ou sautent des trains en marche, mais qui récupèrent des vrais secrets et deviennent des agents doubles. Elles sont plusieurs héroïnes, personnages plutôt, attachantes, et avec des préoccupations universelles de liberté, de responsabilité, d'épanouissement et toutes cherchent leur voie. 

L'autrice a une sacré plume, et un fil narratif articulé avec les chapitres, où chaque personnage, chaque lieu a son propre style, ton et interpellation. Je suis de tout coeur avec les dactylos qui parlent un "nous" pluriel, je suis fascinée par Irina qui n'aime pas Tedd alors qu'il est adorable, et je voudrais d'être Sally l'agente double, j'ai envie de secouer Lara qui se meure d'amour pour son vieil écrivain... Je me reconnais dans chacune et dans toutes. 

Ce livre tisse les liens de nos destins féminins.
Et ça résonne fort dans l'invisibilité faite aux femmes, dans l'Histoire, dans la création, dans la liberté qui est laissée, et de ce qui se passe quand elles ne s'y cantonnent pas. Encore aujourd'hui.

Nous tapions cent mots à la minute et ne rations jamais une syllabe. Nos bureaux, tous identiques, étaient équipés d'une machine à écrire Royal Quiet Deluxe  à  la coque vert menthe, d'un téléphone noir  à cadran de la marque Western Electric et nous disposions toutes de blocs sténo jaunes. Nos  doigts voletaient au-dessus du clavier. Le cliquetis des touches ne cessaient jamais. Nous ne nous arrêtions que pour répondre au  téléphone ou tirer une taffe sur notre cigarette ; certaines parvenaient même à faire les deux sans perdre le rythme.
Les hommes arrivaient vers dix  heures.

Lara Prescott - Nos secrets trop bien gardés

samedi 24 avril 2021

Ces hommes qui se disent féministes

 

Collage - femme penchée (avril 2021)

On parle de nouveau de Mathieu Menegaux, avec la sortie de son nouveau roman "femmes en colère" que l'on dit haletant, et sur lequel on ne tarit pas d'éloges. Inspiré par #metoo, il raconte l'histoire d'une femme violée qui se venge et se fait rattraper par la justice.
Je ne l'ai pas lu, je ne le lirai pas - c'est une année sans (lire des hommes) - mais pourtant ce livre me met en colère, lire sur ce monsieur me met en colère, toutes ces louanges me mettent en colère, surtout quand on vante cet auteur pour sa capacité à prendre la défense des femmes, à comprendre leur vécu, à combattre les violences... 
C'est un héros. Parce qu'il parle de femmes, des violences à leur encontre, de leurs luttes. Ca en fait un héros. En plus, il travaille dans un grand cabinet de conseil (le BCG). En plus de quoi? De travailler dans un cabinet de conseil à la réputation de faire plus de cash que de social. Et si ses livres étaient de la même engeance ? Plus une usine à vendre qu'un roman qui parle du vécu ?

J'ai lu "le fils parfait" sorti en 2017. Ecriture parfaite (sans fioriture, sans attachement "no punch line" dans ses lignes), intrigue au poil, sujet d'actualité (une femme qui découvre que son mari viole ses filles, il la fait passer pour folle, pour s'en sortir elle disparait, aidée par un policier). Il a bien compris le filon : la femme est une héroïne, elle ne reste pas victime, elle se bat et s'en sort (avec l'aide d'autres). Une usine à histoires, donc.

Ca me met en colère parce qu'il y a un exploitation de ces histoires de femmes, de violences faites au femmes et aux enfants. En plus de profiter du système, il réussit aussi à profiter de la critique de ce sytème. 
Ca me met en colère parce que ces histoires sont magnifiées, parce qu'elles sont écrites dans une épure qui les met à distance (comme sur des slides powerpoint). 
Parce qu'au final je ne suis pas certaine qu'elles aident qui que soit, ni même qu'elles se rapprochent d'une quelconque réalité (sans parler de vérité). Ces histoires font croire qu'en se battant on s'en sort, ces histoires font croire que se battre aide et que la vengeance est une issue. Elles font encore porter sur la victime la responsabilité de s'en sortir, elles nient le mal qui s'installe, les dégâts irréparables, le bagage que ça laisse. Elles parlent de faits et d'actions, pas de sentiments ni de vécu. 
Je ne nie pas qu'il a du se documenter avant d'écrire. Comme quand on présente un dossier à un client, on fait sa recherche et son analyse documentaire, pour "l'état des connaissances de l'art". C'est le ba-à-ba du consultant. Ca ne présume en rien de la qualité de l'analyse, ni de la proposition qui en est faite. Je lui reproche de faire ses livres comme ses missions de consultant. Je lui reproche le manque d'affect, je lui reproche la marchandisation.

Loin de moi l'idée de dire qu'un homme ne peut pas écrire sur une histoire de femme, ça signifierait qu'il n'est possible d'écrie que sur ce qu'on a vécu ou connait, et alors c'est la fin de la littérature. 
Loin de moi aussi l'idée de dire qu'il faut avoir vécu ces histoires traumatiques pour en parler, mais on a vu le coup manqué de Lola Lafon avec Chavirer, une collection de faits divers. Pour toucher, ces histoires doivent raconter plus que les faits. Mais c'est aussi ce qui fait un bon roman d'un autre qui devient banal. Et que peut être ce qui me met en colère est de faire un mauvais roman de ces histoires dont je n'accepte pas qu'elles soient banales. Je refuse tout simplement que ces histoires de violences, sur des femmes sur des enfants soient des histoires banales qui servent d'intrigues à des romans qui finiront dans l'oubli. 
Je refuse tout simplement qu'on oublie ces histoires, je leur refuse la médiocrité du romancier qui s'en empare et qui passe à côté.

J'ai du mal à me dire qu'il faut peut-être en passer par le fait divers pour "banaliser" ces histoires, au sens d'en parler partout, qu'elles occupent notre quotidien à l'image des chiffres qui leur sont rapportés. 
J'ai du mal à accepter qu'elles fassent des bonnes histoires (à défaut de bons romans) écrites par des hommes dans une visée mercantile.

Je ne sais si Mathieu Menégaux se dit féministe, je ne doute pas que d'autres le diront pour lui. Je préfère certainement la démarche de Yvan Jablonka dans "un garçon comme vous et moi" - que je n'ai pas lu, mais pour lequel j'ai lu critiques et interview - où il cherche sa masculinité dans les modèles dominants parmi "fort en drague, fort en transgression ou fort en classe", quand on n'est rien de tout ça. Il parle d'abord de lui, et s'interroge lui. Pas de leçon sur que faire et comment, de récit de résilience ou de vengeance d'un système oppressif qu'on ne voit que de l'extérieur.

Quelle place pour les hommes dans cette lutte féministe? En discutant hier avec une amie (qui élève des garçons), je me disais que peut-être la place des hommes est de se taire. 
Se taire sur les luttes des femmes, mais prendre la parole et agir sur les modèles masculins.

C'est aussi la position de Martin Page, qui écrit dans La Déférlante :

Quand les hommes osent se prétendre féministes, ils s'approprient des siècles de lutte sans que ça ne leur coûte rien. Ils en tirent un bénéfice tout en conservant leurs privilèges et en continuant à avoir des comportements sexistes sans doute plus discrets. soyons clairs : les hommes ne sont et ne peuvent pas être féministes. Pire encore nous avons du mal à être des simples alliés.
Il poursuit en disant que les hommes peuvent être complices en parlant à d'autres hommes pour casser les logique de complicité masculine, d'éduquer autrement les enfants, d'écouter les femmes et de reconnaitre quand ils se trompent et quand il sont oppressifs. 

En gros, il dit que rester à sa place d'homme, parler d'où il est et pas pour les femmes, c'est ce qui peut etre fait. 
Parler juste de son point de vue, et juste le temps qu'il faut.
On avait raison hier ma copette et moi : ils vont devoir apprendre à se taire.