En mars, je suis allée à une soirée par le
Club IAE au féminin. Une écrivain franco-canadienne était invitée pour y parler
de son livre « les 50 lois des femmes qui réussissent ».
Tout un programme.
Nous y étions une trentaine intéressées par le
sujet. En tout cas attirées par « la réussite des femmes ».
Plus largement, en ce qui me concerne sans parler
de réussite, je m’interroge sur la place de la femme en entreprise.
Je n’ose pas le dire trop fort.
Dès qu’on introduit le débat, on se fait taxer de
féministe. On se sent immédiatement à la place d’une mégère aigrie, et à la
moindre revendication l’insulte suprême semble être « mal baisée ».
Etre féministe c’est quoi ?
C’est ne plus compter sur le Prince Charmant. Y
croire et l’attendre pourquoi pas, mais ne pas compter dessus pour devenir ce
qu’on est.
Cela s’appelle l’autonomie.
Ce n’est pas de moi, mais comme je le trouve
juste, je le reprends à mon compte. J’en ferais presque l’apologie.
Si on ne doit plus compter sur le Prince Charmant,
il nous faut donc une Bonne Fée, une qui se penche sur notre berceau et nous
dicte les « 50 lois pour réussir ».
Que nous a donc dit Emilie Devienne ?
Elle parle bien, est agréable à écouter, déroule
son exposé, le ponctue d’anecdotes et donne des exemples concrets de son vécu.
Elle a raison sur tout et rien ne semble insurmontable.
Son premier lot de lois pourrait se résumer ainsi « connais-toi toi même ».
Savoir qui on est, ce qu’on veut faire, connaître
nos forces et nos faiblesses. Une analyse d’opportunité sur soi-même.
Le deuxième paquet est « assume ». A l’américaine.
Si on a du mal : une petite dose de
développement personnel, une thérapie brève comportementale pour se mettre le
mors aux dents. Tels sont les conseils d’Emilie, rappelons ici ses origines
canadiennes, ceci expliquant cela.
Et dans son 3ème et dernier lot de loi,
des choses concrètes pour « on y
va ».
C’est bien écrit, bien construit, pragmatique. Optimiste.
Toute femme qui lit ce livre en tire quelque chose.
Une femme sur deux en le reposant se dit qu’elle a
réussi. Et les autres qu’elles vont réussir.
En quoi ses lois là sont-elles particulières aux
femmes ?
Pourquoi Emilie Devienne nous explique-t-elle
qu’une femme qui réussit est une femme qui est bien dans sa vie ?
Que réussir n’est pas nécessairement être à la
tête d’une entreprise du CAC 40 ?
La question de fond est : qui explique aux
hommes que réussir n’est pas nécessairement être un grand patron ? ou un
homme de pouvoir ?
Les critères de qualification de la réussite pour
les hommes et les femmes sont différents. Déjà là, il n’y a plus d’égalité.
Un homme qui réussit a un bon poste dans une
entreprise, genre cadre dirigeant au moins, un (très) bon salaire, et quelques
signes ostentatoires de réussite : une voiture très chère, un appartement
dans un beau quartier, une femme (plus) jeune et belle. Qui se pose la question
de savoir s’il a des enfants et combien de temps il passe avec eux ? Si le
mercredi il les emmène à la musique et au sport, le jeudi à leur rendez-vous
d’orthodontie et le week-end aux anniversaires des copains ? Qui lui
demande les notes de ses enfants, s’il est déjà allé aux réunions parents-profs
et s’il est élu parent d’élèves ?
Une femme qui atteint le niveau de cadre dirigeant
se verra systématiquement interrogée sur la conciliation entre sa vie familiale
et sa vie professionnelle. Anne Lauvergeon est très connue pour sa repartie à
un journaliste qui l’interrogeait sur ce sujet, auquel elle avait répondu
« parlez moi d’énergie, et je vous répondrai ».
On se posera des questions sur comment elle a fait
pour en arriver là, c’est un peu comme l’ascension de l’Everest, avec ou sans
oxygène.
Sans enfants : « elle a sacrifié sa vie
personnelle, pas mariée, sans enfants, la pôvre ! » et en chuchotant
(« elle est lesbienne ? »).
Avec : « faire des enfants pour ne
jamais les voir et les faire élever par une nounou, c’est pas un
choix ! ».
C’est la quadrature du cercle. L’injonction
paradoxale.
Quoi qu’il arrive une femme ne peut pas réussir.
Réussite pour une femme rime obligatoirement avec
bon job, bonne mère, bonne épouse (et excellente amante). Plus de 3 critères
pour une femme alors qu’un homme ne sera jugé que sur le premier.
Je sais messieurs que nous sommes nous savons
faire plusieurs choses en même temps et être performantes sur tous les fronts.
N’empêche, il y a des jours c’est fatigant.
Et c’est injuste.
Sous couvert d’égalité, on nous en demande
toujours plus, et nous fournissons toujours plus.
Je crois que c’est Françoise Giroud qui a dit que
« les femmes seront vraiment l’égale de l’homme le jour où à un poste
important on nommera une femme incompétente ».
Depuis la nomination de Nadine Morano je me
demande si ce jour n’est pas arrivé . Ou bien le poste de ministre délégué
à l’emploi et la formation n’est pas un poste important ? C’est aussi
possible.
La prochaine conférence de l’IAE au féminin porte
sur « pourquoi les femmes gagnent-elles moins que les hommes ? les mécanismes
psycho-sociaux du plafond de verre ».
Je peux apporter mon propre témoignage sur le
sujet. Dans mon conte de fée (celui de la Princesse au petit pois), mon salaire
a été calé sur celui de mon collègue homme polytechnicien arrivé quelques mois
avant moi et du même âge. Egalité donc.
Sauf que mon contrat stipule que je travaille à
70%, je gagne donc 30% de moins que lui.
Parce que j’ai des enfants, parce que je veux les
mercredis et la moitié des vacances scolaires et que je fais une formation pour
devenir coach et …
Je l’ai décidé, il est vrai.
Combien de femmes font les mêmes choix que
moi ? Dans combien de famille décide-t-on de la mère pour les mercredis et
la moitié des vacances scolaires?
Parfois, c’est le père, mais alors « il a
moins bon job qu’elle », que ce soit vrai ou faux. CQFD : il n’a pas
réussi.
Mon homme (sans en discuter avec son iPhone)
n’envisage même pas de prendre un jour un temps partiel.
C’est la parentalité qu’il faut revoir, pas la
place des femmes en entreprise. Ce n’est qu’une partie de la question.
On pourra envisager tous les dispositifs possibles
pour briser le plafond de verre, ne pas faire du présentéisme le seul mode
d’avancement, tant qu’on n’aura pas changer le regard qu’on porte sur la
réussite des hommes et leur rôle dans la famille ou dans la vie sociale,
l’égalité au travail sera en faveur des femmes.