vendredi 15 novembre 2019

Retourner la certitude

Arromanche - novembre 2019

De tout, il resta trois choses;
La certitude que tout était en train de commencer,
la certitude qu'il fallait continuer;
la certitude que cela serait interrompu
avant que d'être terminé
Faire de l'interruption un nouveau chemin
faire de la chute un pas de danse,
faire de la peur, un escalier,
du rêve, un point,
de la recherche...

une rencontre
***

Fernando Sabino

Le plus vieux métier du monde


"Etre indépendante, totalement, est un sacerdoce de tous les instants, et la fille doit montrer de sérieux talents de secrétaire, comptable, organisatrice te publicitaire. Comme si ce n'était pas suffisant de se préoccuper d'être belle et souriante, épilée, manucurée, coiffée et maquillée". 
La Maison  - Emma Becker

La Maison est un bordel à Berlin. La journaliste et écrivain Emma Becker y a passé 2 ans, de son plein choix pour écrire ce livre. Elle ne raconte pas l'enfer, elle raconte un metier, des conditions de travail, un collectif, ds compétences...digne d'une étude sur le travail comme nous (chez Plein Sens) on le ferait.
A aucun moment, ce livre n'est glauque, ni ne souffre de voyeurisme. Elle raconte son rapport au sexe, avec un recul et une affirmation de soi remarquable d'une jeune femme qui s'assume totalement, sans la fatuité et la vulgarité qu'il peut y avoir chez les hommes quand ils abordent ce même sujet.
Elle évoque l'autonomie, la difficulté du métier, la relation avec le client.... rien que nous, consultants, nous n'évoquerions pas. On n'y parle pas de maquereau ou de traite des blanches ou des filles de l'est. Ce n'est pas un livre à scandale.
C'est une analyse du travail de métier de prostituée, dans un bordel. 

J'étais plutôt favorable à la légalisation de la prostitution en France, jusqu'à ce que je lise Gertrude Stein, qui développe l'idée que la prostitution ne peut pas être un job comme un autre pour la simple raison, que quand tu es au chromage et que tu touches des allocations, ce job pourrait t'être proposé, et que si tu le refuses tu perds tes indemnités.
Je me dis que l'Allemagne a trouvé une voie pour ça et que nous pourrions nous en inspirer, si nous étions pas aussi pétris de moralisme, probablement trop catholique.

Tout ce qui sort les femmes de la contrainte, de l'illégalité, leur permet de s'assumer, d'avoir une couverture sociale et une retraite est bon pour elles, quel que soit le métier qu'elles exercent. Et le leur offrir c'est déjà les émanciper.

dimanche 3 novembre 2019

Un truc qui bouge, quoi!

Paris la Défense Arena, un soir d'Octobre
Un soir d'Octobre, je me suis retrouvée avec 30 000 autres personnes, à la Défense Arena, à aller écouter "un truc qui bouge".
Ce n'était pas un hasard, ni un cadeau qu'on m'avait fait, ni des places qu'on m'a données. 
C'est moi qui les ai achetées, sur la Fnac, en connaissance de cause (enfin presque!).

Ça commence en septembre, quand les gars sont arrivés à l'heure du déjeuner en se tortillant et annonçant qu'ils avaient un truc à dire. Très cérémonieux, ils avaient répétés leur speech, s'étaient organisés tous les deux pour leurs prises de paroles et hop ils se sont lancés.
La demande portait sur un concert, de gars connus sur YouTube, dont ils écoutaient des chansons, gentiment rap et de loin qui me semblait un peu "Z'y vas, ta mère!". 
En fait, j'en connaissais une seule, qui avait  tourné en boucle dans leurs enceintes, tristounette surtout ,plus que racaille.
Leur iDad, vrai musicien, qui voit tout de suite le genre de concert, annonce immédiatement la couleur "Impossible pour moi, ça me casse les oreilles".  Véritable déception des gars, parce qu'en matière de musique c'est iDad la référence, c'est lui qui fréquente Internet, qui connait les jeux, qui suit (de loin) les Youtubeurs que regardent les gars... bref c'est lui qui est i-informé, pas moi. L'espoir était donc là. 
Or contre toute attente, c'est moi qui me suis entendue dire "moi je vous emmène". 
Pas que j'aime le truc non, mais je sais que je vais supporter, je sais que je pourrai trouver un truc pour m'occuper (j'y suis allée avec mon livre au cas où), je sais que le public va m'intéresser... bref je sais que au pire ce sera une expérience de "safari social."
Et là stupeur des iGars : je suis passée de la case "Maman relou" à "Great Mum".

D'où 26 octobre à 20h, RER Nanterre Préfecture, dans un quartier bouclé par les flics, et avec une foule assez jeune je suis allée à la Défense Arena avec mes 2 gars voir BigFlo&Oli. 
Dans la fosse, s'il vous plait, car c'étaient les dernières places disponibles.

Alors là, j'ai appris plein de choses :

  • la salle est immense, impressionnante, c'est la plus grande salle d'Europe (il parait) et c'est chouette. Le son est excellent, la musique résonne aussi au sol, un grand moment de musique immersif
  • le plublic de ces jeunes (BigFlo&Oli) est sympa : enfants, ado, et jeunes adultes (moins de 30 ans) et des parents uniques comme moi qui se sont dévoués (beaucoup les pères, un hommage leur est rendu d'ailleurs)
  • les 2 protagonistes sur scène étaient aussi émus que mes 2 gars dans la fosse. Ils ont versé une larme au début, très impressionnés, et ils ont carrément pleuré à gros sanglots à la fin. Ils n'en revenaient pas d'être là et d'avoir un public qui les suit comme ça. Le concert n'en finissait pas, ils avaient toujours un truc à ajouter pour ne pas quitter
  • ces 2 gars ont un pêche d'enfer sur scène, et des joyeux copains puisqu'ils ont fait venir sur scène les 2 plus grands rappeurs français (pareil: il parait, source non vérifiée) que sont Soprano et Black M (je découvre avec vous?)
  • ils ont fait le conservatoire à fond pour en arriver là et ils sont loin d'être incultes (ils disent beaucoup de gros mots à mon goût, mais pas de fautes de grammaire)
  • leurs chansons sont des histoires qui distillent des messages, subtilement mais sûrement, et qu'ils ne voteront pas Marine aux élections
  • tolérance et endurance sont leur crédo (synthèse de la Maman relou)
  • ce qu'était la beat box
  • ils sont fidèles en amitié : une grande partie de leurs musiciens étaient au conservatoire avec eux. En fin de concert, ils pleuraient tous, dans les bras des un et des autres, comme une bande d'ado de 20 ans (ce qu'ils sont)
  • le violoncelliste barbu, genre hipster a fait ses solos avec un T-shirt blanc à l'inscription "féminist", c'était la seule touche féminine de toute la soirée, car pas une seule femme sur scène, très peu dans les chansons et la seule qu'on voit est leur mère. 
  • et quand Toulousains et Parisiens se rencontrent on peut dire "pain chocolatine" pour ne froisser personne et danser le Mia pour réconcilier tout le monde.
J'ai passé une très bonne soirée, j'ai même dansé et repris quelques refrains. Je peux même envisager de mettre quelques chansons dans ma play list "un truc qui bouge"
Dans la série "concerts trainés par les enfants", c'était mieux que Hugues Aufray et Louanne réunis.
Nos enfants  - comme nos amis proches - nous font faire des choses que jamais ô grand jamais je n'aurai imaginé faire un jour!


Une vie de rêve - BigFlo&Oli



Un come back (dans ma vie)



Si on peut vivre comme Agnès
Se parler à deux dans la pièce
Et ressentir une émotion
Si on peut vivre une vie Varda
Marcher sur le sable comme ça
Faire une vie hors compétition

Vie Varda - Vincent Delerm (album Panorama)

J'ai du m'arrêter à Kensington Square en 2004, avec une exception pour le poulet du dimanche de Léonard (celui qui a une sensibilité de gauche).
15 ans après, le revoilà, dans ma vie Spotify avec ce nouvel album, que j'écoute en boucle comme autrefois.
Il a vieilli avec nous, en mieux peut-être avec sa barbe grise, à chanter ses enfants, ses envies, ses aspirations, ses constats... 
Un peu les nôtres, en plus poétiques sûrement, mieux mis en notes et en scène c'est certain.
Un bonheur pour mes oreilles. Ce n'est pas comme écouter un vieux truc qui me ramène en arrière, c'est écouter ce vieux truc qui a vieilli avec moi, comme moi et qui parle de moi aujourd'hui, en étant fidèle à ce que j'étais hier.
Mes iFils n'aiment pas, en revenant de la piscine dans la voiture ils m'ont demandé "un truc qui bouge, quoi!".