mercredi 23 septembre 2020

On part de loin

 "Naître fille, c'est devoir surmonter beaucoup d'obstacles" une video de IFHG (dispo sur YouTube

L'inévitable bouquin sur Gisèle Halimi (une farouche liberté) est sorti immédiatement après son décès, sorte de discussion intime entre elle et son amie grand reporter au Monde (Annick Cojean). Casting parfait pour assurer le succès d'un livre en librairie. C'est comme ça que je l'ai acheté et lu, en quelques heures à peine.
Pas de la grande littérature, la journaliste vieillit ou n'a pas eu le temps de rédiger à son aise. Les questions sont basiques et le texte juste une reprise de ce que raconte Gisele Halimi. Bref, un entretien mis sous la couverture jaune de Grasset.
Et pourtant.

J'en ai encore appris sur la cause de femmes. Il y a aura toujours à apprendre, ça me désole un peu je crois.
Gisèle Halimi, pfff. On la connaît comme l'enfant qui a fait grève de la faim enfant refusant de faire le lit de son frère tous les matins et pour le procès de Bobigny où elle défend une jeune femme qui fait face à la justice (des hommes) pour avoir avorté suite à un viol.

Il y a plus dans cet entretien. 

Il y a l'engagement pour la cause des droits, de tous les droits de tous et pas seulement ceux des femmes. C'était l'engagement inclusif avant l'heure. Si les droits des Hommes ne sont pas respecté, alors ceux des femmes ne pourront pas l'être. Comme aujourd'hui "Black lives Matter", on ne peut pas séparer les causes.
Il y a l'engagement en politique pour faire avancer les causes, pas pour faire de la politique. Ne pas gagner importe peu, l'important c'est la bataille, c'est se faire entendre, c'est une voix dans la foule qui dit autre chose. 

Il y a le décryptage de la (dé)colonisation, de la torture en Algérie par l'Etat français. Héritage qu'on commence à peine à regarder.

Il y a l'acharnement contre la peine de mort. On oublie vite qu'avant 1981, la peine de mort existait encore en France. En tant qu'avocate elle a lutté un à un pour éloigner des gens de la guillotine. 

Il y a des portraits croquignolesques des Présidents de la République auprès de qui elle allait plaider la cause des condamnés à mort : 
Le Président Réné Coty - que j'imagine comme un vieillard pas tout à fait présent - "(...) venait tout juste d'accéder à la présidence de la République. "Comment allez vous?" m'a-t-il demandé en guise d'accueil. Cela m'a paru saugrenu. J'ai répondu un peu froidement "Bien monsieur le Président". Et il a continué "je voudrais vous voir sourire." C'était très déplacé. j'ai dit "je pourrai sourire si vous accéder à ma demande". Ndr : on se rappelle qu'elle venait demander la grâce d'un condamné à mort. 
Et il y a la fois où il a mélangé les condamnés et contre-disait l'avocate sur les faits :  "Un homme pouvait être guillotiné à la place d'un autre à cause de la distraction ou de la fatigue d'un vieux président. J'ai dit "nous ne parlons pas de la même affaire. C'est le dossier de ce matin que vous évoquez". Il a ri."
Je n'aime pas ce que ça dit de ce président sur sa vision du monde, des Autres, des hommes et des femmes en général. Et de la légèreté avec laquelle il prend sa fonction. 

Elle a plus de considération sur De Gaulle, même s'il reste le patriarche qu'on connait, le Sauveur de la nation : "il m'a tendu la main en me toisant. Et de sa voix rocailleuse, il a lancé "Bonjour madame". il a marqué un temps "Madame ou Mademoiselle?".  Je n'ai pas aimé. Mais alors pas du tout. Ma vie personnelle ne le regardait pas. J'ai répondu en le regardant bien droit "Appelez-moi maître, monsieur le Président".
De Gaulle prend ces demandes de grâce au sérieux, étudie les cas des condamnés et cherche à comprendre, sans faire autre chose (prendre ses cachets comme Coty pendant l'entretien, ou chercher à charmer comme Mitterand). Il est dans son rôle de Président, que dans son rôle, même si patriarcal et condescendant, reflet de son temps (?).

Mitterand - qui est (était) tout de même mon idole en matière de Président de la République  - est tombé de son piédestal (celui que moi j'avais érigé) "J'ai toujours pensé que Giscard était le plus féministe de nos présidents. en tout cas plus que Mitterand qui ne pensait aux femmes que pour des calculs purement électoralistes et chez qui j'ai toujours senti du Sacha Guitry." On connait un peu sa vie, son côté Guitry peut être plaisant mais son cynisme moins : 
"François Mitterand  quand à lui, me recevait et m'écoutait poliment, mais il ne m'a été d'aucun soutien. Et je ne me faisais aucune illusion sur son féminisme. Il appartenait à la vieille garde des politiciens et entretenait avec les femmes des rapports de séduction et de galanterie empreintes de paternalisme vieux jeu. (...) il était profondément contre l'avortement et, malgré ses promesses a même retardé comme il l'a pu la loi autorisant son remboursement". 

Il y a tout ce qui reste à faire en matière d'égalité, de toutes les égalités. Et son invite à la révolution. Avec  ces règles très simples (trop?) mais qui restent tellement valables ;
  • soyez indépendantes financièrement
  • soyez égoïstes, devenez prioritaires
  • refusez l'injonction millénaire à faire à tout prix des enfants : la materniét n'est ni un droit ni un accomplissement
  • n'ayez pas peur d'être féministe 
ça manque juste un peu d'universalité. 
L'égalité n'est pas le problème des femmes, mais la question de Tous, y compris pour les hommes. Le féminisme ne peut pas être l'apanage des femmes, c'est une question de société. Quand la moitié de l'humanité n'est pas considérée, représentée, entendue ... par l'autre c'est un sujet.
Nous devons aussi éduquer nos garçons et ne pas se contenter de donner des conseils à nos filles, et en parler avec nos hommes, pas qu'entre femmes.



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