dimanche 21 février 2021

Et au troisième jour vint l'élégance

En montant à Libouze

Cette crise sanitaire nous aura poussés à innover. Chacun à sa façon. 
Pour moi, ce fut le ski de fond à Noël. Le skating en février.
Pour quelqu'un comme moi élevée au ski alpin matin midi et soir, mercredis, samedis, dimanches et vacances scolaires, le ski de fond est une sous-catégorie à peine nommée, inenvisageable, indigne, au point que je n'en ai jamais fait ici, chez moi. Et jusqu'alors je ne connaissais d'ailleurs personne qui pratiquait. Mais c'est comme beaucoup de choses (des drôles et des moins drôles) quand tu commences à en parler, tu te rends compte qu'il y a beaucoup qui pratiquent (plus ou moins en secret!).

Quand il a fallu nous y mettre en début de semaine, je ne savais ni où louer le matériel, ni où se rendre pour pratiquer. J'ai fait comme tous les touristes, j'ai pris la brochure Champsaur/Valgaudemar, guide pratique de l'hiver 2020/21. Pas de ski de skating en location chez ma copine (là où on loue le matériel qu'on n'a pas, comme le snowboard pour le dernier iAdo, les chaussures pour le 2ème qui grandit trop vite), forcement c'est ma copine, biberonnée au ski alpin. 
La vallée a été dévalisée en skis de skating. Nous avons pris les derniers à moins de 10 kilomètres à la ronde. L'iMari a du aller plus loin pour trouver les siens, plus grands et deux jours après. 

Skating comme son nom l'indique veut dire patiner. C'est le mouvement de base. 
Avec des longs skis aux pieds, des longs bâtons aux mains, un équilibre à trouver et l'endurance à tenir. Ca a l'air si facile quand on regarde.
Surtout quand on voit des personnes âgées - bien plus que nous - nous doubler sans effort, avec des gestes doux et amples, s'enfiler les côtes en ralentissant à peine le rythme. Un vieux monsieur m'a même donné des conseils. Que j'ai pris, très utiles.
Ca a l'air si facile que c'en est humiliant de se faire dépasser, alors qu'on souffle, qu'on transpire, qu'on y met toute son énergie et qu'on s'écrase dans la neige au milieu du groupe (à l'arrêt) qu'on essaie de dépasser.
Un autre apprentissage encore que le ski de fond à Noël. Comme un jogging glissant, la technique en plus.
A mon âge! Je mesure combien c'est difficile d'apprendre une nouvelle discipline. Mon corps n'a jamais beaucoup obéit à mon cerveau, alors à presque 50 ans, encore moins (ou c'est le cerveau qui donne des consignes moins claires?).
Les premiers jours ont été une longue agonie d'essais loupés, de chutes humiliantes, dans un bain de transpiration. 
Au deuxième jour, je me suis équipée un peu différemment de ma tenue de ski alpin - anorak et pantalon de ski chaud - qui me créait mon propre sauna portatif. Le fuseau des années 80 revisité, une veste de randonnée, les gants légers (marque Décathlon pour je-ne-sais-quel sport) ont fait l'équipement léger adapté à l'effort. 
Le deuxième jour, je n'étais pas plus dégourdie, mais j'étais moins transpirante. Je suis d'ailleurs moins tombée, je ne sais pas s'il y a un lien de cause à effet.
Au troisième jour... ah le troisième jour, j'ai compris un truc, et j'ai commencé à sentir ce fameux mouvement du pas du patineur, et à l'enchaîner... parfois.
Au troisième jour, vint l'élégance, il ne fallait pas la louper, mieux valait ne pas cligner des yeux à ce moment là.
Au troisième jour, j'ai eu très soif. J'ai fait une chose que j'ai du faire trois fois dans ma vie : j'ai mangé de la neige. Je me suis rincé la bouche histoire de me rafraichir, j'ai recraché le reste. 
Le lendemain ne fut pas le 4ème jour. 
Le lendemain, je suis restée au fond de mon lit à me tordre le ventre, toute la nuit et une grande partie de la journée. Je suis sortie de mon lit vers 15h. Pas d'élégance aujourd'hui. 

Le quatrième jour j'ai peaufiné ma technique, et je devenais crédible sur des petites distances, j'ai même grimpé des côtes non ridicules. Je ne suis pas tombée, je me suis même amusée. 
J'ai observé les Elégants qui avançaient à toute allure sans effort, et j'ai taché de faire de même. Je me suis effrayée à aller plus vite que ce que je pouvais maitriser, je me suis surprise à aimer ça.
J'étais moins suante et plus gracieuse.

Au cinquième jour, notre parcours était de seize kilomètres, huit en montée - pas toutes à fond, parfois on escaliers! -  autant en descente. Je sais patiner avec et sans bâtons, quand je papillonne à regarder le paysage je manque de tomber, et si je vais trop vite, je m'affole. Je n'en suis pas à patiner à la descente.
Au cinquième jour, je me dis que peut-être, même sans covid, je referais du skating, parce que c'est un moyen de promener avec élégance, d'être DANS le paysage de neige tout en étant discret. 
Elégance et discrétion. C'est tout.


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