samedi 14 août 2021

Helleniques portraits élogieux # à la plage

Magne - Kotronas


Elle est à moins de trois cents mètres de la maison. Il faut longer le figuier, se coincer dans l’ombre du mur, parcourir les quelques mètres en plein soleil, traverser la grande route avant d’atteindre la pinède. Une vraie pinède avec des pins qui s’évasent en haut comme des parasols, le sol couvert d’aiguilles rousses en tapis, l’odeur sèche des résineux. Elle descend en pente douce jusqu’à un semblant d’escalier qui mène à une étroite plage de sable et cailloux. C’est plus une bande étroite entre une falaise et la mer qu’une plage, dans une anse marquée d’un côté par une chapelle blanche aux bords bleu et de l’autre par un moulin qui aurait perdu une partie de ses ailes. L’eau y est bonne, on y entre sans hésitation, le fond est clair, le port est au loin on voit le défilé des bateaux qui débarquent leurs lots de fumeurs, d’instagrameurs et de canaris.

C’est une plage qui a son quota de pneus. Le plus choquant c’est que ça ne nous choque plus. 

Il y a un dans la pinède, pas loin de la poubelle, juste avant l’escalier et un autre dans un coin de la plage. Il y a aussi son lot de bouteilles de bières, vide ou à moitié. Pas des canettes, les bouteilles en verre, la Lager locale, par litre. Ici, on ne va pas à la plage sans son pneu ou sans sa bière

La proximité du port signifie aussi la proximité d’objets flottants plus ou moins identifiés, en plastique principalement. Entendons-nous bien, c’est une belle plage, tranquille, avec peu de monde et une jolie vue. Quand on y regarde de près, on constate la présence humaine par les résidus laissés derrière. En remontant, je regarde plus attentivement le sol de la pinède, je ne serai pas surprise d’y trouver des seringues. Je n’y vois que des préservatifs usagés. C’est un bon endroit de drague, on y vient avec sa bière, son préservatif et parfois son pneu. On laisse tout sur place ensuite. Tout cela est très romantique.

Celle près de la maison est pratique, on y va comme on va à la douche, juste pour se tremper (entre deux pneus). 

On visite d’autres plages sur cette ile paradisiaque, d’autres plages entre deux villages aux maisons blanches lignes bleues et fleurs rose pétant. 

L’eau y est toujours bonne, toujours claire, le sable plus ou moins fin, les cailloux plus ou moins pointus sous les pieds. Je m’y trempe, fais quelques brasses, me laisse flotter. Le soleil tape derrière mes paupières, les sons sont des clapotis d’eau et de secrets murmurés dans les profondeurs, bercée par les remous je m’abandonne au concept de vacances. Mer, soleil et plage. Je m’ennuie en moins de temps qu’il faut pour cligner des yeux s’ils n’étaient pas déjà fermés. 

Je réfléchis au concept de vacances en faisant l’étoile de mer. 

Et rapidement je pense à autre chose, je pense à La leçon de piano quand elle plonge avec son piano, à ce film avec Shailene Woodley (A la dérive), à La vie aquatique, au film sur le Commandant Cousteau L’odyssée, quand j’arrive à Titanic je frissonne, puis évidemment au Grand Bleu, c’est en général le moment où je commence à stresser à l’idée des profondeurs et de ce qu’elles contiennent. Je lutte un peu contre mon angoisse, me laisse surprendre par une mini vague qui me submerge le nez, bois vaguement la tasse, et je me redresse, légèrement désorientée. Je suis du signe du cancer, pourtant pas une créature d’eau. Je déteste ne pas savoir ce qui se passe sous mes pieds.

La plage est un lieu d’observation. Peu de gens se baignent en fait. Ils passent plus de temps à s’installer, à se crémer, à étaler la serviette, trouver la bonne orientation, en changer, pile puis face. Peu de gens lisent, ni sur leurs écrans. Ils ne font rien, reposant sous le soleil, souvent sans se couvrir la tête. Ce doit être l’équivalent de ce que je fais dans l’eau avec mon étoile de mer. Ils réfléchissent au concept de vacances, et font défiler des images de plage, ou de sable ou de travaux ou de rien, d’aileurs.

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