Quand James Blunt est un symptôme |
dimanche 24 octobre 2021
Désorientée
vendredi 15 octobre 2021
C'est pour longtemps et plus encore
Aux rencontres d'Arles 2021 |
Des années après, la même sensation.
C’est comme un accouchement. Ce n’est pas le moment le plus agréable, mais tout ce qu’on a fait avant était pour en arriver là. Et à ce qui suivra après.
L’accouchement est la première étape de séparation. Tout ce qui suit sert à se séparer, dans de bonnes conditions : qu’ils soient autonomes affectivement, socialement, intellectuellement … et un jour financièrement.
Bref qu’ils vivent leur vie. La leur, pas celle qu’on a pensée pour eux, ni celle qu’on aurait envie de vivre à travers eux.
Quitter la maison est la deuxième étape. Très symbolique, très visible et vivace.
Je ne sais rien des étapes suivantes, ni s’il y en d’autres, je sais que celle-là me marque autant que la première.
J’ai su, j’avais senti à la naissance, quand je l’ai tenue dans mes bras, que désormais je serai vulnérable.
Avant, je me sentais invincible. Un enfant m’a ramené à plus de mesure.
C’est par là, c’est par mes enfants que je suis devenu vulnérable, sensible, atteignable, voire corruptible.
Ce dont je me doutais déjà à l’époque que ce serait pour longtemps, ce que j’ai compris l’autre jour en a laissant dans son studio d’étudiante, c’est que ce serait pour toujours.
jeudi 30 septembre 2021
La charge des hippocampes
Carnet de coloriage (inutilisé) |
mercredi 29 septembre 2021
Hippocampes et momies
La fille du professeur - Sfar, Guibert |
Ils ont fait des progrès, du moins j’ai l’impression. Ce n’est pas comme si j’y passais beaucoup de temps non plus, mais dans ma représentation ils étaient moins attentifs. Ils font attention de bien nous appeler par notre nom, de nous parler directement et surtout de nous poser beaucoup de questions, probablement parce que si on parle, on est moins anxieux.
Il n’empêche, dès qu’on est à l’hôpital, on est plus tout à fait un adulte valide, entier, autonome.
Déjà notre anxiété nous fait gentiment régresser, on abandonne inconsciemment et pourtant volontairement une partie de notre autonomie au moment où on franchit la porte du service où va rester quelques temps, ce temps pas toujours bien défini d’ailleurs. On lâche prise sur le temps et le déroulé nos journées, il est difficile d’avoir des horaires exacts pour la prise de sang, les différents examens, radios, échographies, cathétérisme…et encore moins sur les horaires des repas, quand on y a droit. Comme les enfants, notre emploi du temps est fixé par une main invisible et une voix plurielle, qui donnent des réponses aussi différentes que le nombre de fois où on pose la question.
Puis le corps, exposé, immobilisé, regardé, ausculté par toutes et tous. Ce corps dont on perd la maitrise et pour lequel il faut demander l’autorisation pour se tourner, s’habiller, se lever. C’est humiliant de ne pas pouvoir aller seule aux toilettes, de galérer pour approcher sa tablette et se servir un verre d’eau, de regarder son portable s’éteindre parce qu’on n’a pu atteindre la prise … C’est le corps abandonné dont on n’a ni la maitrise ni la jouissance, qui ne nous appartient pas tout à fait.
Tout le monde te parle, te pose des questions : le brancardier, l’aide technique dans la salle examen, le médecin…. Ca fait partie du job, de ce qu’on leur enseigne. Ils écoutent et posent plus de questions. Des vrais questions, qui font une conversation, pas la pluie et le beau temps.
Je n’ai jamais aimé qu’on me pose des questions, encore moins personnelles. Fut un temps où je trouvais intrusif quand le lundi au bureau on me demandait ce que j’avais fait le week-end. Quand on me pose des questions sur mes enfants, j’ai toujours un temps d’arrêt pour me rappeler que ce n’est pas une agression, juste une question.
Si j’avais su qu’on me poserait autant de questions sur le livre que je lis et que je trimballe pour ne pas regarder le plafond dans les temps d’attente, j’aurai choisi un autre livre, plus facile à raconter, moins clivant. C’est plus dur pour le métier, mais je me demande si je ne vais pas mentir, donner un métier plus simple, moins exotique.
Je lis « un appartement sur Uranus » de Paul B. Preciado. Le B est l’initiale de Beatriz. Paul B. Preciado est un homme transgenre, bien qu’il n’aimerait probablement pas qu’on dise ça, puisque tout son propos est bien là : le genre, comme beaucoup d’autres barrières est socialement construit et que toutes ces normes sont à déconstruire. Il se vit en transition, sur la frontière, dans une zone non binaire, non encore nommée probablement. C’est bien tout sa reflexion qu’il étend à bien d’autres concepts (les frontières géographiques, les races, …) il navigue (trop) facilement d’un concept à l’autre, ça demande une attention de lecture plus longue qu’un trajet en brancard. Ce livre est le rassemblement de ces chroniques parues dans Libération entre 2014 et XXX, c’est autant la transition de sa pensée, de son identité (ni homme ni femme mais sur la frontière), de son identité administrative…
Ce n’est pas du tout évident de raconter ça à qui que ce soit. Le brancardier a d’ailleurs commencé à me parler planète : « Uranus c’est la plus loin de la Terre c’est ça ? », « les plus proches sont… » il est capable de les citer (moi pas) et de me dire que la dernière découverte s’appelle … là encore je ne sais pas. Je le lui dis.
« Ce n’est pas un livre sur les planète alors ? » Ben non.
« Alors de quoi ça parle ?» Et c’est là que ça se corse, dans l’ascenseur entre le 3ème et le rez de chaussée.
L’infirmière au cathétérisme a été beaucoup plus loin dans ses questions, j’ai fini par tout expliquer. Elle était très intéressée et m’a parlé de son oncle qui est devenu une femme, et qui a épousé une femme devenu un homme rencontré là où il avait fait sa transition. Ces histoires de vie sont incroyables, c’est bien ce qui me fascine, c’est bien au delà de mon système de compréhension, je suis totalement en terra incognita.
Le cathétérisme est un truc étonnant, une fibre optique est passée dans la veine de l’aine et remonte jusqu’au cœur et poumon. On le voit sur un très grand écran, ce fil qui avance, se cabre, se plie, s’enroule, se déroule, danse comme un hippocampe. C’est le médecin qui manipule l’hippocampe, en pressant sur la jambe à différents endroits, cuisse, genoux, mollets, orteils. Comme un orgue. Je voyais ça plus comme une play station (je sais à peine de quoi je parle), dans les faits c’est un joueur d’orgue qui fait danser un hippocampe.
Le médecin n’était pas intéressé par mon livre, et comme moi, je n’étais pas intéressé par le foot, il m’a interrogé sur mon boulot. J’aurai du contourner certaines questions, donner d’autre réponses. J’ai fini par être brusque et changer de sujet « expliquez-moi ce que vous faites et ce que je vois ».
Moi qui suis si douée d’habitude pour faire parler les gens, là j’ai plus de mal. Il faut dire aussi qu’anxieuse et en pleine régression, je perds une partie de mes capacités relationnelles, et me replie au fond ma grotte, ou comme un hérisson roulé en boule, tout piquant dehors.
Après la séance de danse des hippocampes, c’est 6 heures de momie. Un pansement délicat, gracile et peu envahissant (sarcasmes) parcourt la jambe sur deux tiers de la longueur, et une compression appuie sur l’aine.
Consigne : ne pas plier la jambe, garder l’aine bien étendue. Ce qui veut dire position allongée pour les 6 heures qui viennent, et branchée pour suivre le rythme cardiaque et le pouls avec une prise au doigt. Une momie immobile, connectée. C’est la version du 21ème siècle.
Puis c’est la nuit.
Pour ne pas céder à la panique ou au désespoir, un peu, beaucoup d’imagination folle est indispensable. Convoquer des souvenirs, ceux qu’on pensait avoir oublié, inventer des histoires avec des personnages fictifs, rêvasser sur des personnages réels : je crois que mon cerveau n’a jamais autant travaillé la nuit. Le médecin m’a dit qu’avec ma maladie mon poumon recevait deux fois plus de sang que mon cerveau. Ce à quoi j’ai répondu que c’était une pathologie pas une maladie, mais qu’il savait mieux que moi les termes à utiliser, mais "pas maladie parce que je n’avais pas de symptômes". Pas de symptômes, pas de maladies. Il a souri, mon ton a du l’amuser, il a fini par me dire qu’un fois réparée je courais plus vite.
En cherchant sur internet ce matin, je ne suis pas sûre du tout, je suis presque certaine du contraire, c’est bien une maladie - congénitale - que j’ai. Les symptômes sont en devenir, ou déjà là (trop de sang dans les poumons, cœur dilaté d’un côté), même si je n’ai pas envie de les (sa)voir.
Demain, la « maladie » ne sera plus là.
dimanche 5 septembre 2021
Helléniques portraits élogieux # à table
La Piquette en version blanc |
Vaccinés et sympas, toujours agréables.
Un matin, avant de prendre un bateau pour changer d’île, nous sommes tombés dans un café tenu par une grande dame, tout en muscle, qui avait l’air de tout (libraire, professeure, marathonienne…) sauf d’une tenancière de café :
Mon iAdo : Je voudrais un chocolat froid,
La Dame : Non, non ne prenez pas ça, il n’est pas bon.
Il commande des pancakes, plus tard arrive une haute pile de pancakes, et la dame nous dit : Je n’ai plus de pate à pancakes.
Les autres iAdos attendaient tout de même leur petit-déjeuner. « ben des crêpes alors »
La dame : ok je fais de la pâte à crêpe.
Ce qui a pris un certain temps… Entre temps, nous n’avions pas eu nos cafés frappés : vous avez oubliés nos cafés ?
La Dame : oui ! totalement.
Ils ont fini par arriver, comme les crêpes d’ailleurs. Comme un couplet sur les plus jolies îles des Cyclades, comme un commentaire sur les livres que nous lisions…
Je me suis abstenue.
Deux fois, j’ai eu un très bon Chardonnay, dont un verre a été renversé par mon iAdo dans mon assiette, grande perte et grand regret pour une fois que j’avais quelque chose de respectable dans mon verre.
Dans les endroits touristiques j’ai essayé les cocktails. Je me suis aventurée dans les créations maisons, parfois à regret, surtout quand le verre s'est présenté tel un ballon de vomi vert, épais et odorant. Le serveur très content est venu me demander si le truc me plaisait ; j’ai dit oui, … il était sympathique.
Ce voyage ne fut pas une étape alcoolisée, comme certaines auparavant où bières, vins et cocktails étaient des tentations de tous les apéritifs.
dimanche 15 août 2021
Helléniques portraits élogieux # sur la route
Figurine votive, époque Mycéene (1500 BC) |
A un moment, sur une île nous avons loué une voiture. Nous avons loué la veille de notre arrivée, en recherchant de façon systématique parmi tous les loueurs possibles, même les plus obscurs jusque dans les tréfonds du web, autre chose qu’un scooter ou un quad. Un véhicule susceptible de nous contenir à cinq. On a réduit toutes nos exigences quelles soient de couleur, de motorisation, de marque, de prix, si jamais on en avait eu, on n’en avait plus.
L’iMari a fini par louer un véhicule. Et quel véhicule !
Rien que la tête de nos iAdos quand ils ont vu l’engin valait tout le temps passé sur le web pour le dénicher. Je les avais un peu appâtés en disant que c’était un 4x4. Ce n’était pas un mensonge, c’est juste une vérité très limitée pour décrire le véhicule.
C’était une petite boite à savon, noire, cubique, plus petite que la Fiat Panda 4x4 que j’ai eu dans ma jeunesse. Deux portes, 2 sièges à l’arrière pour trois iAdos, dont un de plus de 1m80, un coffre minuscule contenant 2 valises, soit exactement moins de la moitié de nos bagages.
En voiture Simone, fut un grand moment ! Où je crois que j’étais la seule à rire.
La boîte à savon nous a mené à bon port partout, fenêtres ouvertes car je ne suis pas certaine du bouton « clim » que nous n’avons d’ailleurs pas enclenché. La boite à savon est passée dans un chemin muletier si étroit que s’il y avait eu trois sièges à l’arrière nous serions restés coincés entre les deux murs de pierres.
Elle a grimpé des chemins si raides pour aller au site archéologique de Minoa que sans son quatre roues motrices nous aurions du atteindre à pied (en plein soleil sous 40°C).
La boite à savon nous a promené sur toutes les routes de l’île du Nord au Sud et retour, des crêtes des montagnes au chemin de plages.
Et elle nous a protégé des chèvres.
Le loueur - business familial Mama derrière le comptoir (pour y faire quoi, Dieu seul le sait), fiston à la relation clientèle, l’oncle à la mécanique (il va chercher le véhicule là où il est garé) nous avait fait la visite guidée de l’ile à partir de la carte en entourant savamment les lieux à visiter, en y ajoutant des noms de restau en grec et des kilomètres indicatifs entre deux destinations.
Et surtout à un moment il avait dessiné une flèche en nous regardant dans les yeux d’un ton profond et sérieux « on this road, beware of goats ».
Mon iMari qui parle un anglais parfait quasi oxfordien n’a évidemment pas compris, alors que moi avec mon anglais de sabir (du moins ma prononciation) j’ai tout de suite saisi le danger.
J’ai vu les chèvres embusquées sur le bord de la route, cachées derrière des talus, tapies dans les buissons, prêtes à se jeter sur notre capot lors de notre passage. J’ai vu les attaques, les détours à faire pour éviter les embuscades, j’ai vu les zigs-zags comme dans les auto-tamponneuses des foires de mon enfance. Ah ! ici les chèvres sont joueuses. Nous y ferons attention.
D’autres que nous ont été moins attentifs ou n’ont pas compris le « beware of goats », qu’à l’oreille il est aisé de confondre avec ghosts, gods, boats. Au menu de certains restaurants il y avait « goat in lemon sauce ». Nul doute que les chèvres en embuscade avaient gagné sur les boites à savon motorisées.
Sur la route, il y aussi des ânes seuls avec leur corde au cou, trainant leur piquet derrière eux. Ils nous font un remake de la Chèvre de Monsieur Seguin. Il y a des motos et des scooters, mais peu de casques. Il y a des touristes à pied, des crottins et des chèvres, peu d’entre elles en embuscade, je dois le reconnaitre. Au mieux campée à l’ombre d’un rocher, au pire au milieu de la route, immobile, ne montrant que peu d’enclin à sauter sur le capot de quelque engin que ce soit. Fut-il aussi attrayant que le nôtre.
samedi 14 août 2021
Helleniques portraits élogieux # à la plage
Magne - Kotronas |
Elle est à moins de trois cents mètres de la maison. Il faut longer le figuier, se coincer dans l’ombre du mur, parcourir les quelques mètres en plein soleil, traverser la grande route avant d’atteindre la pinède. Une vraie pinède avec des pins qui s’évasent en haut comme des parasols, le sol couvert d’aiguilles rousses en tapis, l’odeur sèche des résineux. Elle descend en pente douce jusqu’à un semblant d’escalier qui mène à une étroite plage de sable et cailloux. C’est plus une bande étroite entre une falaise et la mer qu’une plage, dans une anse marquée d’un côté par une chapelle blanche aux bords bleu et de l’autre par un moulin qui aurait perdu une partie de ses ailes. L’eau y est bonne, on y entre sans hésitation, le fond est clair, le port est au loin on voit le défilé des bateaux qui débarquent leurs lots de fumeurs, d’instagrameurs et de canaris.
C’est une plage qui a son quota de pneus. Le plus choquant c’est que ça ne nous choque plus.
Il y a un dans la pinède, pas loin de la poubelle, juste avant l’escalier et un autre dans un coin de la plage. Il y a aussi son lot de bouteilles de bières, vide ou à moitié. Pas des canettes, les bouteilles en verre, la Lager locale, par litre. Ici, on ne va pas à la plage sans son pneu ou sans sa bière
La proximité du port signifie aussi la proximité d’objets flottants plus ou moins identifiés, en plastique principalement. Entendons-nous bien, c’est une belle plage, tranquille, avec peu de monde et une jolie vue. Quand on y regarde de près, on constate la présence humaine par les résidus laissés derrière. En remontant, je regarde plus attentivement le sol de la pinède, je ne serai pas surprise d’y trouver des seringues. Je n’y vois que des préservatifs usagés. C’est un bon endroit de drague, on y vient avec sa bière, son préservatif et parfois son pneu. On laisse tout sur place ensuite. Tout cela est très romantique.
Celle près de la maison est pratique, on y va comme on va à la douche, juste pour se tremper (entre deux pneus).
On visite d’autres plages sur cette ile paradisiaque, d’autres plages entre deux villages aux maisons blanches lignes bleues et fleurs rose pétant.
L’eau y est toujours bonne, toujours claire, le sable plus ou moins fin, les cailloux plus ou moins pointus sous les pieds. Je m’y trempe, fais quelques brasses, me laisse flotter. Le soleil tape derrière mes paupières, les sons sont des clapotis d’eau et de secrets murmurés dans les profondeurs, bercée par les remous je m’abandonne au concept de vacances. Mer, soleil et plage. Je m’ennuie en moins de temps qu’il faut pour cligner des yeux s’ils n’étaient pas déjà fermés.
Je réfléchis au concept de vacances en faisant l’étoile de mer.
Et rapidement je pense à autre chose, je pense à La leçon de piano quand elle plonge avec son piano, à ce film avec Shailene Woodley (A la dérive), à La vie aquatique, au film sur le Commandant Cousteau L’odyssée, quand j’arrive à Titanic je frissonne, puis évidemment au Grand Bleu, c’est en général le moment où je commence à stresser à l’idée des profondeurs et de ce qu’elles contiennent. Je lutte un peu contre mon angoisse, me laisse surprendre par une mini vague qui me submerge le nez, bois vaguement la tasse, et je me redresse, légèrement désorientée. Je suis du signe du cancer, pourtant pas une créature d’eau. Je déteste ne pas savoir ce qui se passe sous mes pieds.
La plage est un lieu d’observation. Peu de gens se baignent en fait. Ils passent plus de temps à s’installer, à se crémer, à étaler la serviette, trouver la bonne orientation, en changer, pile puis face. Peu de gens lisent, ni sur leurs écrans. Ils ne font rien, reposant sous le soleil, souvent sans se couvrir la tête. Ce doit être l’équivalent de ce que je fais dans l’eau avec mon étoile de mer. Ils réfléchissent au concept de vacances, et font défiler des images de plage, ou de sable ou de travaux ou de rien, d’aileurs.
vendredi 13 août 2021
Helléniques portraits élogieux - #Sur le bateau
Paros - Cyclades |
Cliché vérifié.
dimanche 23 mai 2021
Ca bouge, désormais c'est là-bas
samedi 8 mai 2021
Moisson d'avril
Ma balade de midi |
Les lectures d'avril étaient comme la météo, variées, diverses, des grands hauts, un bien bas, du très décalé et du plus classique. Toutes parlent de notre monde, celui dans lequel on vit avec toutes ses nuances, et notre façon unique de l'aborder : en se prenant pour un cosmonaute, en étant saoul, sans attache ou en cherchant d'autres, en secret comme une agente ...
Love me tender - Constance Debré. Cette femme est une énigme qui me fascine. Elle est issue de la famille du même nom dont on a tous entendu parler parce que personnalités publiques, politiques, avocats journalistes, ou artiste (le musée de Tours Olivier Debré : fabuleux). Elle se métamorphose depuis plusieurs années maintenant ; l'avocate parisienne prometteuse mariée et mère de famille s'est dépossédée de tout : biens matériels, carrière, couple, et dans ce dernier livre y compris du lien avec son fils, le maintien de ce lien qui devenait un combat. Elle s'est réduite à sa vie intellectuelle (et sexuelle), grande maigre, elle n'est pas intéressée par manger, par posséder ni les choses ni les gens, sa vie se résume à penser, écrire (et baiser, voire aimer parfois). L'écriture est aussi ascétique que sa vie.
Les impatientes - Djaïli Amadou Amal. C'est le prix Goncourt des Lycéens, mais qu'est-ce que je me suis ennuyée! Ce n'est pas le sujet, qui devrait m'emballer - la liberté des femmes en Afrique, - mais son traitement, pas la hauteur, ou l'écriture trop linéaire été prévisible? Ce livre et moi, nous nous sommes loupés.
The SCUM Manifesto -Valérie Solanas. SCUM : society for cutting up men. Et ce n'est pas une blague. On a beaucoup écrit sur ce livre écrit en 1967, par celle connue pour avoir tiré au revolver sur Andy Wahrhol. On a beaucoup parlé de cette femme, plus que de son livre parce qu'elle a été incestée, prostituée, SDF, artiste, mentalement dérangée... autant d'attributs qui visent à décrédibiliser sa pensée ou à la réduire à un de ceux-là. Je crois surtout quel ce qu'on dit sur elle est pour éviter de voir et de reconnaître que ce manifeste est sérieux et cdonc dérangeant. Une société sans hommes. Il exprime la rage jusqu'au bout, renverse la table et ne cherche pas à se faire entendre ni à être poli.
Les cosmonautes ne font que passer - Elitza Gueorguieva. Ecrit à la deuxième personne du singulier, on est tout à côté de la narratrice, on voit le monde par ses yeux d'adolescente. C'est la chute de l'empire soviétique et la fin de sa grandeur vue par une adolescente qui veut devenir Iouri Gargarine : elle vit si c'était la conquête de l'espace. Que faire quand l'empire soviétique n'est plus le seul modèle à suivre et que les grands héros soviétiques sont déchus? Frais, léger, drôle, une autre façon (malicieuse) d'aborder la vie.
mercredi 5 mai 2021
D'autres s'y mettent et ça fait du bien
Sue Y. Nabi, CEO de Coty |
Et ces dernières semaines, d'autres plus exposés, plus lus, plus médiatiques, plus "main stream" s'y sont mis aussi. Chacun à sa manière. Je parle de M le magazine du Monde et du supplément Week-End des Echos. Pas des journaux qu'on peut soupçonner de féminisme intégriste. Du féminisme washing peut-être, alors considérons que c'est le prix à payer pour toucher avec un message tout simple la majorité des hommes blancs, qu'on imagine être le lectorat de ces deux journaux. Et que si un ré-équilibrage se fait c'est bon à prendre, peu importe si c'est aussi pour être dans l'air du temps.
Qu'ont-ils fait? Ils regardent la place qu'ils laissent aux femmes, ou autres, autres étant différents des hommes (je lis en ce moment le 2ème sexe de Simone de Beauvoir, l'Autre sexe dans son texte est la femme, aujourd'hui on peut dire qu'Autre est ce qui n'est pas homme).
M le magazine du Monde a fêté ses 500 couvertures il y a quelques semaines. Ça a été l'occasion pour eux de compter (ah vraiment j'adore ce mot) et le compte n'y est pas. Ils l'ont dit : sur leur site, sur leur compte Instagram, ils en ont fait l'analyse dans des articles gentiment auto-justifiants, mais au moins ils se regardent faire, et dans la durée.
500 couvertures : 288 avec des hommes, 196 avec des femmes (et 16 avec des chaises, des tomates, des éponges...).
58% des unes avec des bobines de gars, et moins de 40% avec des femmes.
La directrice éditoriale (et oui!) se fend d'un article sur le sujet, s'en excuse et signifie qu'ils vont y porter attention. Ce bilan des portraits sur leur couverture a donné lieu à d'autres articles qui s'interrogent si les 54 mannequins (parmi ls 196 femmes) sont des vraies femmes (peut-on vraiment se poser ces questions?) ; qui s'évertuent à bien expliciter la diversité des femmes en Une : des vielles, des jeunes, des noires et d'autres encore. C'est presque un modèle du genre cet article, un peu comme à l'Ecole des Fans (qui se rappelle encore de cette émission?). Un article qui veut surtout avoir l'air bien sur tout rapport.
Reconnaissons tout de même que depuis que la directrice éditoriale est une femme - Marie-Pierre Lannelongue - un effort est fait sur les thèmes, et sur lui fait la Une. En 2020, la moitié des couvertures étaient tenues par des femmes. Il est vrai que depuis #metoo il devient difficile de faire autrement quand on se veut un journal qui traite "des sujets de société de son temps" (sic) : impossible avec une telle ligne éditoriale de faire l'impasse sur la représentation des femmes dans les médias.
M le magazine le Monde, dans la case des bons élèves.
L'autre surprise un peu différente nous vient de Les Echos week-end, le numéro du 25 février dernier.
Sur 4 pages le portrait de la patronne de Coty (Groupe américain de produits de beauté, concurrent de L'Oréal). Son nom Sue Y. Nabi. Une photo d'elle pleine page, cette femme rayonne de simplicité et d'intelligence. Il faut attendre la deuxième colonne de l'article pour comprendre ce que veut dire "son histoire plurielle". Et de poursuivre ma lecture, d'être perdue, pas sûre de suivre l'article. J'ai relu plusieurs fois les paragraphes pour voir ce que j'avais loupé. Rien, je n'avais rien loupé, et c'était dit sans être écrit. Ce que je ne vais pas savoir faire : le Y dans son nom est pour Youssef. Cette femme est une femme transgenre d'origine musulmane à la tête d'un groupe international de cosmétique.
J'adore.
Et je salue la journaliste - Corine Scemama - qui a rédigé cet article sans mettre dans le titre ce qui était singulier et pas banal. La prouesse est que le mot transgenre ne figure à aucun moment dans l'article.
Ce que je trouve remarquable n'est pas qu'elle soit transgenre (quoique, je serai curieuse de savoir comment elle mène tout de front : une carrière, une transformation, une identité, une vie ...) c'est que finalement elle n'est pas réduite (essentialisée comme on dit aujourd'hui) à sa transidentité. Et en même temps je m'étonne de m'en étonner. Un jour peut-être nous ne nous interrogerons plus sur le sexe ou le genre ou l'identité des gens, mais nous nous intéresserons d'abord à qui ils sont, ce qu'ils pensent et ce qu'ils font. La transidentité sera "juste" une partie de l'histoire individuelle. Et là peut être nous seront semblables.
L'article raconte sa carrière, son enfance, son parcours (plus que son histoire), ses convictions ... et ne fait pas "sensation" d'où elle vient. On nous parle d'elle comme une personne, qu'elle qu'elle soit sans le vocabulaire des dominants utilisé pour le portait des hommes : "il va falloir qu'on lui confie un jour les commandes" ou encore "il a l'étoffe d'un président", ni le registre utilisé pour les portatifs de femmes avec des détails sur sa vie personnelle "son chat d'enfance s'appelait Kitty" et "elle est bien entourée, son mari fait la cuisine". Cet article n'est certainement pas parfait, mais il montre que c'est possible de faire le portait d'une personne en parlant de cette personne, en évitant les pièges du genre. Le magazine Forbes n'y était pas arrivé l'année dernière à l'annonce de sa nomination, dans son titre il avait coché toutes les cases.
Mais c'est possible, et ça fait bien de le lire.
Merci mesdames les journalistes.
samedi 1 mai 2021
Nos destins féminins en agentes secrètes
Nous tapions cent mots à la minute et ne rations jamais une syllabe. Nos bureaux, tous identiques, étaient équipés d'une machine à écrire Royal Quiet Deluxe à la coque vert menthe, d'un téléphone noir à cadran de la marque Western Electric et nous disposions toutes de blocs sténo jaunes. Nos doigts voletaient au-dessus du clavier. Le cliquetis des touches ne cessaient jamais. Nous ne nous arrêtions que pour répondre au téléphone ou tirer une taffe sur notre cigarette ; certaines parvenaient même à faire les deux sans perdre le rythme.Les hommes arrivaient vers dix heures.
samedi 24 avril 2021
Ces hommes qui se disent féministes
Collage - femme penchée (avril 2021) |
Quand les hommes osent se prétendre féministes, ils s'approprient des siècles de lutte sans que ça ne leur coûte rien. Ils en tirent un bénéfice tout en conservant leurs privilèges et en continuant à avoir des comportements sexistes sans doute plus discrets. soyons clairs : les hommes ne sont et ne peuvent pas être féministes. Pire encore nous avons du mal à être des simples alliés.