dimanche 16 février 2014

Conditions de travail



Il y a deux ans j’ai dit Oui.

On m’a dit à l'époque « je suis content que tu sois là, avec toi je l’ai mon collectif bizarroïde ». Je ne sais pas toujours pas comment je dois le prendre.
Et j’y suis depuis tout ce temps. 
J’ai changé la bouilloire, et je ne me suis pas arrêtée là. J’ai aussi acheté une théière, rouge, et des vraies tasses. Et je songe à une deuxième (théière), mais je n’ai pas encore décidé de la couleur.

Comme dans toutes les entreprises, il y a des règles implicites et je me suis pliée à chacune d’elle, certaines plus facilement que d’autres, je vous laisse deviner lesquelles
  1.  tutoyer tout le monde, tout le temps même les gens qu'on n’a jamais vus, même nos client
  2. faire la bise, certains y sont très attachés, il en va de leur santé mentale et donc de leur capital RPS (risque psycho social)
  3.  conclure les conversations téléphoniques par "je t'embrasse" ou "ciao bises" selon l’interlocuteur, et ne pas se tromper dans le protocole,
  4.  ne pas être à cheval sur les horaires de début de réunion, sinon on se fait traiter de facho
  5. aller de temps en temps à la réunion de service pour faire plaisir à celui qui l’anime, il est un petit peu psycho rigide, ça l’assouplit
  6. boire, sinon on est exclu : c'est un vecteur d'intégration essentielle dans cette boire
  7. faire la bringue quand on est en séminaire, se coucher au petit matin et faire son malin (sa maline)
  8. râler sur les bobos, ne jamais reconnaitre qu'on en est un
  9. en sortant de réunion se dire qu'on a été bon, demander l'avis de son collègue
  10.  supporter avec bienveillance les discussions essentielles qui se déroulent dans l'openspace à 18h30 - même quand il n'est pas 18h30, sinon on se fait aussi traiter de fachos, même quand on a un truc urgent à finir, sinon on est psychorigide
  11. avoir un avis sur le trouple* - même si en fait on s'en fout
  12.  en fait, en vrai et pour de vrai, ne pas (trop) faire remarquer les tics langagiers que les uns et les autres ont développés - ou alors, y aller carrément
  13. admettre qu'un espace de travail qui ne compte pas au moins 3 masques et 2 perruques ne peut pas être créatif (c'est une vérité générale), sans compter les legos et les figurines de Captain America
  14. venir aux soirées hyper corporate : c'est un vecteur d'intégration, et boire, surtout boire et chanter aux soirées Karaoké,
  15. ne pas faire de remarques sur le nombre de bouteilles descendues durant les susmentionnées soirées. De même, ne pas ramener ce nombre au nombre de participants….
  16. et penser à les descendre à la poubelle surtout quand on a des clients qui viennent en rendez vous le lendemain matin (ou ne pas leur offrir de café, ils évitent ainsi la cuisine)
  17. faire semblant de comprendre le mot au dessus de la broyeuse qui parle de la 3ème loi et demi de la thermodynamique, qui à l’aide d’une métaphore tente de faire passer un message (mais lequel ?)
  18. ramener des figatellis quand on passé le week en Corse, des spéculoos quand on rentre de Bruxelles, une pogne d’un bled à côté de Montelimar,…
  19. et d’autres qui sont tellement implicites, que je n’arrive pas à les expliciter

…et tout le temps se prendre pour un super héros.

Mais même les supers héros ne peuvent pas faire des miracles tout le temps. Certains jours on a le wifi et d’autres on a le chauffage. Mais pas les deux en même temps. C’est surement lié, mais nul ne le sait.

Notre openspace est dans un ancien atelier industriel, les poteaux métalliques qui traversent la salle ont des rivets comme ceux la tour Eiffel et le sol est un bon vieux plancher avec des nœuds dans le bois, très discret avec des talons. Au dessus de ma tête, j’ai un pendule, digne de Calder et s’il n’est pas signé du grand Maitre, il n’’en arrive pas moins de Scandinavie.
D’autres choses sont accrochées aux murs : des photos d’anciens sites industriels prises par une amie de l’un, des tableaux qui viennent de la Fiac et que personne ne comprend, et d’autres qui nous filent des frissons, toutes droites sorties d’une émission de Pierre Belmarre  genre « Pièces à conviction ». Dans le couloir, on croise des gamins au bord de la piscine municipale, une dame de la cantine, et un monsieur dans son atelier, tous issus du reportage d’une étude à Bondy.
Bref, on n’est pas seuls dans l’openspace, même quand il n’y a personne.

Nous avons un super ampli qui diffuse sans fil de la musique envoyée par nos Mac seulement les jours où nous n’avons pas de chauffage. On essaie de la mettre à fond quand on fait les soirées organisées par le comité des fêtes, mais la dernière fois c’était karaoké, on n’a pas dansé.
Il ne nous manque plus que la boule à facettes, ce sera pour l’année prochaine.

L’hiver, il fait trop chaud quand le chauffage fonctionne, et l’été il fait trop chaud. Le fondateur est corse, il a toujours froid, et il nous achète des couvertures les jours où le chauffage ne marche pas. Il est préférable qu’il se limite aux couvertures, le jour où il nous achète des Marcels et des Damarts comme ceux qu’on aperçoit sous ses chemises, je démissionne.

Au bout de deux ans, je peux dire « chez nous, au bureau ». Et même si au moment de la sélection des candidats à l’embauche on dit « fais lui rencontrer quelqu’un de bizarre, organise un entretien avec Anna », je m’y sens chez moi.





Some night



















Un soir, il y avait un colis suspect à Cité U
Nous sommes rentrés à pied, depuis Denfert Rochereau
Il nous a fallu un peu plus d'une heure pour arriver
En passant le long de la promenade des aqueducs

Dans la nuit bleutée,
Nous avons longé
les silhouettes des grues,
dépassé les tubes de lumières
Papoté tout le long du chemin

Les enfants étaient contents
D'avoir marché aussi longtemps
Finalement d'un incident
Nous avons fait un bon moment.

mercredi 5 février 2014

Comment je me suis disputée...(ma vie sans Facebook)



Facebook a 10 ans,
 et moi toujours pas de page Facebook.

Ce n’est pas vraiment étonnant j’ai toujours été un peu « has been », réfractaire au progrès. J’ai eu un téléphone portable bien après tout le monde alors que je travaillais chez SFR, j’ai découvert les séries américaines en 2010 alors que Sexe and the City, Six Feet Under et One Tree Hill étaient déjà terminées.

Les utilisateurs de Facebook vieillissent : les jeunes s’en vont sur d’autres réseaux dont j’ai déjà oublié le nom, au profit d’utilisateurs de 55 ans et plus. Je vais donc attendre encore 10 ans pour commencer à réfléchir à la potentialité d’un compte personnel. Je serai alors dans la cible.

Moi, j’ai un blog. Et je ne réseaute avec personne.
C’est mon côté autoritaire qui prend le dessus. Je ne dialogue pas, je dis ce que je pense. 
Qui m’aime (ou pas d’ailleurs) me lise, les autres changent de page.
Il y a une forme d’arbitraire, j’assume. La contradiction se fera ailleurs, en dehors de l’espace virtuel, dans le réel pour le coup, et c’est d’ailleurs bien plus agréable.

Quelle est la différence avec Facebook ?
On y parle de soi pareillement. Mais on ne fait pas croire qu’on s’intéresse aux autres, tout en assumant mal une forme curiosité pas toujours bien intentionnée.

Avec mon blog, je n’ai pas retrouvé mes copains d’avant, je ne parle pas avec des stars comme si c’était des potes, et je ne discute pas de faits de société sur des murs bien pensants (pour ou contre le bijoutier de Nice ?)

Je parle de moi, de mes humeurs, egocentrique, égocentrée. Je prends position sur mes positions, et c’est déjà pas mal.
Je préfère parfois un bon mot à la justesse du propos et je déforme la vérité pour que la phrase sonne mieux. Je n’hésite pas à grossir le trait même si j’en prends pour mon grade (ou celui de mon iMari). Je n’en sors pas toujours grandi, mais j’y prends plaisir et vous aussi apparemment.
Pas de selfie, ni de felfie, ni de like, mais nos photos pris sur le vif (ou pas).

« 10 ans, ce réseau qui a changé nos vies » titre les Inrocks.
Il y a 10 ans, nous avons eu notre fille, et ça, ça a changé notre vie. Vraiment. Bien plus que Facebook dont à l’époque je n’avais même jamais entendu parlé. Et comme il y a eu après Facebook, les Instagram et les tumblr, chez nous aussi il y a eu une suite (et même deux) qui ont marqué nos vies, chacun à leur manière.

Aussi j’ai du mal à croire au phénomène révolutionnaire du réseau social.

Et pourtant, je me dois d’être honnête : Facebook a réellement eu un impact sur ma vie. Ceux qui me lisent depuis longtemps se rappellent sans doute de cet épisode de ma vie d’expatriée.
Ceux qui y étaient s’en souviennent. Mon hôtesse me dit qu’elle pense à moi chaque fois que tous ses invités restent jusqu’à la fin du repas, et son mari ne veut plus m’avoir à table. Quant à l’autre couple invité ce soir-là, ils ne font plus partie de nos amis (ni même de notre réseau social).

Le repas était excellent (ce détail est important) mais la conversation était pourrie, lancinante, bien pensante,… bref chiante. Et en même tant que l’hôtesse a demandé « qui veut du fromage ? » et que l’autre a dit « moi sur ma page Facebook… » . Je me suis levée et je suis partie.

J’ai bien réfléchi, j’ai fait toute l’introspection nécessaire depuis, et je sais que ce n’est pas le mot "fromage" qui m’a fait réagir.
En psy, on appelle ça un ancrage : il s’agit d’une réaction incontrôlée à un stimuli bien précis.

Et bien moi, Facebook me fait rater le dessert.


Des petits carrés, des petits carreaux




Au bord du canal de l'Ourcq
la promenade peut être romantique
surtout quand on s'approche de l'Hôtel du Nord
Et qu'on se rappelle de sa gueule à lui
Ou quand on flâne au printemps
Sur les passerelles au dessus des écluses

Mais un samedi d'hiver
En revenant du 18ème arrondissement
D'un quartier où on se demande où on est
Où on croise des gens à mille lieux de nos vies
En se demandant comment ça peut exister
Juste à côté de nous,

On longe des façades
des paysages, au bord de l'eau
des petits carrés, des petits carreaux
de la vie en petits morceaux

Du rouge, du vert
une drôle d'atmosphère
en face du café Ephémère

C'est aussi ça, un samedi soir sur la terre.