samedi 28 mars 2020

Les toits du Paradis



"Selon nos mères, si une personne âgée décède juste après notre mariage, cela porte bonheur. Enfin bon, elles disent aussi qu'être un garçon porte bonheur mais qu'une fille n'apporte que des malheurs. Ce qui prouve bien quelles ne connaissent rien à la chance."

Les toits du paradis - Mathangi Subramanian

La paradis est un bidonville de Bangalore. Pas de misérabilisme dans ce livre, dynamique, relevé, drôle et si réel. On y découvre la solidarité, la sororité, le joie de vivre même quand tout est contre nous dès la naissance, on y découvre aussi la lutte, la résilience et l'acceptation.
Un regal, un voyage, même en dehors du confinement.

Ce qui ne peut m'empêcher de penser que l'Inde est confinée, comment font ces gens dans les bidonvilles?

Ce fil WhatsApp va me tuer (ILOVEconfinement)

le long de le Seine - Février 2020

Je vais échapper au covid (que je pense avoir eu, by the way), mais c'est le fil WhatsApp du bureau qui va me tuer.
Une (fausse) bonne idée à l'origine. Nous sommes un collectif de consultants, confinés "jusqu'à nouvel ordre", l'intention est de garder le lien, et hop on fait un fil WhatsApp, en plus des instances rituelles qu'on renforce et mène en ligne (je n'ai jamais eu autant de temps collectif avec mes collègues!). On s'est dit qu'il fallait un lien informel...
Qui s'est ajouté au fil WhatsApp de la famille, des cousins, des copines, ...

Deux jours.
J'ai tenu 2 jours.
Deux jours à voir défiler les notifications toutes les minutes. Je ne parle même pas de lire ce qui s'échange, mais de juste voir les notifications qui s'empilent. De temps en temps, je faisais défiler le contenu. Mais c'est comme un cours de math qu'on loupe, on ne comprend rien à celui d'après, donc on passe à côté aussi, et rapidement on est hors jeu.
Je le suis d'autant plus que je ne regarde jamais les vidéos qu'on envoie, que je n'ai aucune envie d'écouter les "best songs ever" de mes collègues (et encore moins de partager les miennes!), que je déteste par dessus tout les vidéos de chats...
J'ai saturé d'images que j'ai eu plusieurs fois sur plusieurs fils WhatsApp différents.

Au final, très peu de choses utiles sur ce fil de discussion. Ce n'est pas là que j'ai repéré le site de la réserve civique, ni les paniers solidaires pour les SDF, ni des articles qui parlent de inégalités qu'accentuent cette crise, ni de comment ça nous permet de (re)penser la suite. 
Alors pourquoi mes  collègues y vont? Pourquoi ils y s'en donnent à coeur joie? 

Moi je sais exactement pourquoi je n'y vais pas. 
J'ai supprimé les notifications de la discussion du bureau. Si j'ai envie de parler avec l'un ou l'autre de mes collègues je l'appelle. Et ce qui se dira, aura plus de sens, plus de contenu, moins de légèreté que devant 30 autres personnes. Sans spectateur, on n'a rien besoin de prouver.

C'est une scène sociale ce fil. Il faut exister là, puisqu'il n'y a  plus le l'open space au bureau pour faire l'intéressant, plus les temps communs dans la cuisine pour étaler son savoir, y faire sa blagounette grasse ou intello, bref exister dans le regard des autres.
Je me dis que je fais juste comme d'habitude : je ne participe pas à la scène sociale,  je regarde et dis peu. 
Je dis encore moins que d'habitude. 
J'écoute différemment. Pour être juste je n'écoute plus le brouhaha collectif, j'ai complètement désertée cette discussion, même de façon rétroactive, je ne fais plus défiler les échanges même pas par acquis de conscience. Ce fil WhatsApp est désormais silencieux pour moi depuis presque 2 semaines. Comme s'il n'existait pas.

Je viens de découvrir comment supprimer mon numéro de cette discussion. La tentation est grande de la sortie définitive, serait ce un suicide social? 
Le confinement m'offre de nouveau la possibilité de me retirer encore plus du monde (celui du bureau).
Décidement, j'aime le confinement.

jeudi 19 mars 2020

De fil en aiguille (#ILOVEconfinement)

Ciel de confinement
En ces temps où nous pourrions en avoir en trop, en rab, au calme, une petite série de podcasts qui a ravi mes oreilles, accompagné sur mes trajets en métro (quand on pouvait encore le prendre pour se rendre ailleurs que chez soi!).

Le premier est une histoire, la même racontée à deux voix. Les deux protagonistes donnent chacun leur version de la même situation : celle d'un gars et d'une fille, adultes, qui sont sortis une fois ensemble et qui, un soir, se retrouvent pour dîner. Elle veut rentrer chez elle, il veut qu'elle reste. Elle doit le lui dire cinq fois pour qu'il l'entende.
 "Tout de suite les grands mots" (le nom du podcast) parle de consentement, d'une façon simple avec des mots de tous les jours. On ne peut plus explicite sur là où ça se joue. "Ca aurait était tellement classe, si tu m'avais laissée partir la première fois où je te l'ai dit".
"Tout de suite les grands mots" : https://podcast.ausha.co/transmission/tout-de-suite-les-grands-mots

J'ai tellement aimé ce podcast sur mon trajet que, quand je suis arrivée en supervision, j'en ai parlé à mes copines coach. Certaines ont des teenagers, ou des jeunes adultes à la maison, ça me semblait essentiel que nos enfants - filles et garçons - écoutent ce genre d'histoire. Evidemment, on fait des liens, on partage expérience et découvertes.

La suite se cache à France Culture dans son émission "les pieds du terre" qui a produit une série de 6 podcast d'une trentaine de minutes sur "les hommes violents". Pas de leçons, pas d'enseignement, pas de conclusion, jute un chemin à suivre dans les pas d'un jeune journaliste qui s'interroge sur "MeToo" et commence par poser des questions à sa mère, puis à une copine, puis suit un groupe de paroles d'hommes condamnés pour violence conjugales. La participation à ces groupes de parole fait partie de la sanction pénale.
Les pieds sur terre/ des hommes violents/1er épisode : https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/victime-et-coupable

C'est passionnant, glaçant parfois et violent. J'écoutais ces podcasts sur mes trajets en métro, à la tête des autres passagers j'ai compris que je faisais des grimaces ou que je sursautais pendant l'écoute. Il ne me faisait pas le même effet que James Blunt!
Je porte désormais un autre regard sur les violences conjugales (ou autres). 
D'abord, c'est dans toutes les classes sociales, tous niveaux d'éducation et tout âge. MeToo n'est pas réservé aux stars du cinema. Se faire taper dessus ou insulter par son compagnon n'est pas réservé à celles qui vivent avec un alcoolique, sont illettrées, au chômage et vivent dans le Nord de la France (quelle caricature!). 
Il y a des étudiantes en master, des jeunes filles qui pourraient être nos filles ou nos soeurs, élevées par des mères féministes. Il y a des hommes éduqués, des cadres, et des descendants d'immigrés. Il y a des hommes qui s'expriment très bien, et d'autres moins facilement. 1 femme sur 5, forcement une parmi nos copines. 
Ensuite, j'ai y appris (ou ça a confirmé) que l'alcool est un facteur aggravant, comme tout le temps en toute circonstance. 
Enfin, il n'y a pas de portrait de l'homme violent (ou de la femme battue), mais souvent un modèle qu'on a connu enfant de relation homme-femme. Une vision de ce que doit être le rôle de l'homme et son pouvoir dans la relation, ce qui la rend pathogène. 

De fil en aiguille, j'ai poursuivi avec un autre podcast "les couilles sur table" et son épisode "contre la rhétorique masculinité" avec un professeur politologue québécois Francois Dupuy-Deri (il a écrit un livre la dessus en 2018). Il est  très clair "il n'y a pas de crise de la masculinité" et il explique pourquoi.
Les couilles sur la table/la crise de la masculinité : https://www.binge.audio/contre-la-rhetorique-masculiniste/

De fil en aiguille, cette dernière est désormais dans une boite de foin : à explorer les pieds du terre ou les couilles sur la table, je vais y passer tout mon temps!

Décidément, j'adore le confinement.