lundi 30 mai 2016

Je vois la même lune que toi

Siège de la RATP  - Gare de Lyon
Jardin des tarots - Niki de Saint Phalle


C'est troublant.
Elles regardent au même endroit
Voient-elle la même chose?
Si nous regardons au même moment la Lune,
nos regards peuvent-ils se rencontrer?
Les pensées envoyées sur la Lune
s'y croisent, s'y mêlent et s'y emmêlent au delà des mots, 
Elles reviennent sur Terre 
avec le Metropolitain
Le lien lunaire existe
Je ne vois que ça comme explication rationnelle.
A bon entendeur, salune!




dimanche 29 mai 2016

Le cinéma encore, Woody toujours

l'impitoyable cruauté de mes trajets avec la RATP


Je vais toujours voir les films de Woody (Allen).
J'y vais en étant sûre d'aimer.
J'en sors en aimant toujours.
Certains plus que d'autres, ceux avec Diane Keaton en particulier (cela ne me rajeunit pas)
Woody et moi, c'est une longue histoire, ça a commencé avec September, à une fête du cinéma quand j'étais en terminale (ça ressemble à un problème de math pour calculer mon âge)
C'était mon premier Woody et le premier gars un peu sérieux dans ma vie.
Le gars est passé, Woody est resté.
Peut être comme l'incrustation  de cette histoire d'amour-itié, un peu longue et pas si compliquée.

Il reste ma fidélité à Woody, vieux bonhomme compliqué, lui.
Il y en a redire sur Woody : ses femmes, sa fille adoptive/sa compagne, sa névrose (heureusement!), ses films de mois en moins new-yorkais de plus en plus européens, ses histoires de moins en moins  nombrilistes  (mais où veut- il en venir?), et dernièrement le financement par Amazon.
Woody, tu éprouves ma fidélité.
Woody : l'impossible critique.

Et je vais monter un fan club WFC (le Woody fan club : quelle originalité!), j'ai mon premier membre Jean-Baptiste Morain (des Inrocks, oui encore) qui écrit "Un jour peut être, nos descendants (...) se demanderont pourquoi plusieurs générations de spectateurs ont aimé les films de Woody Allen. Et nous leur répondrons peut-être grâce à nos clones bien sûr, que nous comprenions de quoi il parlait, et que nous partagions la sensation d’être comme lui : essayant de resister à l‘impitoyable cruauté du réel, de la famille, du travail, de l’argent, de la mère, de la guerre, de la jalousie, de la haine, de l’amour, de la mère, de l’amitié, du sexe, du crime, de la politque, de la mère, tous ces trucs grâce à l’humour. Que nous nous reconnaissions dans cette voix qui disait que nous n’étions pas tout seul."

Je demanderai d'abord à ce Monsieur, de regarder à nouveau toute la filmographie de Woody et de nous parler de la place la mère dans ses films. 
Je lui demanderai ensuite s'il ne confond pas plutôt avec Pedro (Almodovar). 
Et alors peut être je lui conseillerai d'aller s'allonger sur un divan au moins une fois par semaine et dire ce qu'il a dire sur sa mère au lieu de l'entendre chez Woody.
Et de nous rejoindre ensuite. 
Parce que Woody, quand même....


Il est temps de quitter l'âge de fer pour celui de faire, (messieurs les syndicats)

MEP - Alain Pras - "l'âge de fer"

Après l'engouement des foules pour Bettina Rheims, nous sommes retournés à la MEP.
Bettina Rheims : oscillation entre accès populiste à la culture et alibi des bien-pensants pour s'adonner à leur tendance voyeuriste-de-stars. Comme en son temps, David Hamilton a eu du succès avec son erotico-romantico style...

A la MEP donc. 
Et au sous-sol, une exposition d'un ancien patron, pris sur le tard par la photographie et qui se passionne pour les paysages industriels. D'autres s'y sont essayé avec plus ou moins de succès. Lui s'en sort bien. Et surtout, il a photographié toutes les raffineries de France et de Navarre et plus loin encore. J'ai eu la bonheur (vraiment?) d'en visiter beaucoup pour une mission menée il y a quelques années.
Je dois l'avouer, je suis facilement fascinée (à dire vite, à haute voix...) par les sites industriels,  l'automatisation et le gigantisme.
En arrêt devant ses grands portraits polychromes de lieux plus ou moins en activités, bien avant que la CGT ne décide de les bloquer (de les débloquer aussi rapidement).
Les raffineries (en France) sont des dinosaures. Avec tout ce qui va avec la métaphore : grandes (trop ou pas assez), inadaptées à leur environnement, en voix de disparition, emblèmes de la fin d'un monde.
Comme la CGT, d'ailleurs.

Dès lors qu'on est digne de musée , accroché, présenté, sublimé, il semble que ce soit le début de la fin. La fin d'une période, le début d'un revirement.
Les choses, les thèmes sont célébrés parce qu'un artiste  - peut-êrte plus sensible que la moyenne d'entre nous - sent l'air du temps et le passage vers autre chose. Et se fait alors le témoin pour la postérité de ce qui ne sera plus.
Du coup, les raffineries, mais d'autres choses aussi.
Zut, aucune exposition sur la CGT jusqu'à présent.
En revanche notre modèle sociétal bouge.

Des gens passent la Nuit Debout, partout en France. 
Pour réfléchir, se tenir chaud, discuter, partager et peut-être aboutir à quelque chose pour repenser la discussion dans la société.

Certains se mobilisent contre la loi sur le travail. 
Ne nous y trompons pas : cette loi ne change en rien ce que se fait aujourd'hui ni pour les patrons, ni pour les salariés.  
En revanche, elle questionne le rôle de syndicats, localement dans nos entreprises et nationalement dans les Branches, et surtout le financement de tout ce système. Elle met le doigt sur ce qu'il est censé apporter : un équilibre entre les parties prenantes, l'ingénierie d'une discussion, et l'atteinte de consensus...bref ce qui doit faire démocratie au sein de l'entreprise, ou plutôt dans le monde du travail.
Parce que le monde du travail, demain,  ne sera plus l'entreprise.
On commence à le voir dans la vraie vie : les Uber, les Deliveroo... et tant d'autres que je ne connais pas.

D'autres vont au festival de Cannes. le cinéma qui a toujours un temps de retard est au mieux témoin de ce qui se passe maintenant, quand il ne se contente pas d'une vision historique.
Ken Loach qui reçoit pour la deuxième fois la Palme nous le rappelle "Le cinéma est porteur de nombreuses traditions, l'une d'entre elles est de présenter un cinéma de protestation, un cinéma qui met en avant le peuple contre les puissants, j'espère que cette tradition se maintiendra"
On l'espère aussi Ken. 
On y croit un peu avec des films comme "Merci Patron" ou "Demain" dans un tout autre registre. Je n'ai vu ni l'un ni l'autre, mais j'y compte bien et j'en pense déjà le plus grand bien. 
(ndr : oui, on a le droit d'avoir des a priori positifs sur les films qu'on n'a pas vus)

C'est déjà pas mal et c'est plus réaliste que ce qu'écrit JM Lalanne dans les Inrocks "c’est aussi à l’intérieur des salles qu’on attend le festival de Cannes qu’il fournisse des outils de compréhension, voire d’intervention face au durcissement du monde du travail". 
Outil d'intervention? Nuit debout peut être un jour, mais le cinéma non, Cannes encore moins.
Mais l'intention est louable.
Seriez vous syndiqué Monsieur Lalanne?

Alain Pras - l'âge de fer



dimanche 15 mai 2016

... with a view

Toscane - a drink with a view
" when meeting someone for lunch somebody one's uncomfortable with it's important to have somewhere to look, don't you agree?"
The lost art of gratitude - Alexander McCall Smith

De l'intérêt d'une vue au restaurant,
mais aussi quand on séjourne à Florence pour James Ivory,
quand on prend un verre en fin de journée,

Pour que le regard porte, et ouvre l'humeur à défaut de l'âme qui pourrait alors devenir vagabonde.


Soirées ferroviaires anaérobies

Dans le métro - février 2016

Nous avons eu une semaine de 3 jours, rappelez-vous. C'est le seul vrai week-end long de notre année bissextile.
3 jours, 3 soirées dans le train. 2 anaérobies.

Lundi : Cholet-Paris. Ambiance morose, nous sommes 3, pas très contents de notre prestation chez le client où nous allions présenter notre offre. Trois ruminants, trois mauvais perdants, trois énervés. On a refait l'histoire, envisagé des possibilités, des "ce-qu'-on-pourriat-renvoyer". Bref on a ruminé tous le trajet. Ce que je ne savais pas ce soir-là, c'est que c'était ma seule soirée ferroviaire aérobie.

Mardi : Paris-Vannes. Le dernier train au départ de Paris, celui qui arrive à Vannes un peu avant 23h. 
le train est complet, de voyageurs occasionnels : ils se repèrent facilement ce sont les seuls qui arrivent largement à avance.
Dans mon wagon, tout le monde est là ou presque. Mon voisin aussi, il s'est déja installé, côté couloir. Dans l'ordre inverse, en admettant que je sois arrivée avant lui, je ne lui aurais pas laissé la place côté fenêtre. (Anna = ventana, c'est une private joke, qui date de notre - lointain très lointain - voyage au Pérou, où pour avoir la fenêtre j'arguais du fait que mon prénom rimait avec le mot en espagnol. Tom on l'appelle Tom, et pas Thomas, tant pis pour lui, il est couloir - toujours, tout le temps).
Mon voisin gagne un point dans mon estime rien que pour ça, qu'il perd aussi vite : il a largement investit l'espace vital, c'est à dire la seule prise de courant disponible. Et pour bien montrer qu'il ne la partagera pas, il a sorti son Mac, son iPad, son iPhone, ils seront branchés à tour de rôle. 
Et d'un coup d'un seul, il est en négatif : il pue.
Et pourtant il est jeune. Il sent le renfermé, le pas-lavé, le "je-suis-allergique-à-la-douche". 
Il lit un roman, je suis en général très clémente avec les gens qui lisent dans le train. Je note le titre, je regarde par dessus leur épaule quelques phrases (je sais, ça ne se fait pas, mais je me renseigne), j'essaie de lire la quatrième de couverture quand ils vont aux toilettes. Bref je mène l'enquête.
C'est un peu décevant, il lit "Paris est une fête" d'Hemingway". Trop convenu en ce moment. C'est exactement ce qu'on attend d'un jeune, toute la génération Z a lu/est en train de lire "Paris est une fête". 
Moi je ne l'ai pas lu, ni "le vieil homme et la mer". En revanche, je bois des Mojitos en son hommage.
Mon jeune donc, pue. J'arrête de respirer. J'étouffe, une petite inspiration par la bouche, une grande expiration par le nez, et hop je recommence. Si je continue je fais faire de l'hyperventilation, ce qui fera tache, il risquerait de se pencher sur moi évanouie pour s'assurer que je vais bien. Rien que l"idée de lui au dessus de mon nez, je meure.
Solution préventive de conservation : je lui montre résolument mon dos. Je respire avec précaution et appréhension. Je ne peux pas changer de place, partout, tous les sièges sont pris.  Je crie victoire une peu vite quand je le vois se lever à l'annonce du prochain arrêt. 
Il sort fumer. Ce qu'il fera à chaque arrêt. 
Ce qui me fait un temps de récupération. c'est un peu comme une séance de fractionné en course à pied : des temps aérobie, des temps anaérobies.
A Vannes, grande respiration (comme au yoga) pour traverser la place de la gare avant d'entrer à l'hôtel. A 23h07, je suis dans mon lit, respirant à pleins poumons.

Mercredi soir : Vannes-Paris. Un peu plus tôt puisque le départ de Bretagne se fait à 16h30 (ça fait presque école buissonnière). Le train n'est pas encore plein, je suis seule sur ma banquette pour deux, étalée en toute impunité, ma veste et mon sac sur le siège vide, les deux tablettes baissées... Genre : "j'occupe l'espace" et surtout, surtout, je ne lève jamais les yeux quand les gens montent dans le train, ralentissent devant MON siège. Ne pas être accueillante, ne pas donner un signe de reconnaissance et encore moins de connivence.
Casque, concentration sur écran et siège vaquant encombré sont les conditions pour décourager les impétrants. Ceux qui n'ont pas envie de se mettre à leur place et qui en cherche une autre, ceux qui on envie de discuter, celui/celle dont c'est la place, et à qui il faut donner le signal "pas ici, je suis toxique,,mieux vaut trouver un siège plus accueillant". 
Manque de bol, ou plutôt veille de week-end long, dans je-ne-sais-quel-arrêt-de-province, où il y a plus de 10 maisons (j'adore faire la sécheuse parisienne), un troupeau monte et un mec en costume arrive droit sur moi (je le vos avec mon 3ème oeil, celui qui est au dessus de moi),  il ne peut pas s'assoir ailleurs, c'est plein.
Et horreur, il sent la sueur! 

Mais qu'est_ce que j'ai fait pour mériter ça? 

La sueur forte de l'homme qui a mariné, aigre qui rince le nez et gratte la gorge, incrusté dans les vêtements, envahissante, enivrante (dans le sens premier). 
Je meurs une deuxième fois, en moins de 24 h. 

Avec cet entrainement, je me présente au championnat du monde d'apnée.


dimanche 1 mai 2016

Comment devenir agent secret?

Beaubourg, de dos  - avril 2016

« Pour communiquer la langue, c’est parfait, on ne peut pas faire mieux. Et cependant la langue ne dit pas tout. Le corps parle, les objets parlent, l’Histoire parle, les destins ndividuels ou collectifs parlent, la vie et la mort nous parlent sans arrêt de mille façons différentes.


L’homme est une machine à interpreter et, pour peu qu’il ait un peu d’imagination, il voit des signes partout : dans la couleur du manteau de sa femme, dans la rayure sur la portière de sa voiture, dans les habitudes alimentaires de ses voisins de palier, dans les chiffres mensuels du chômage en France, dans le goût de la banane du beaujolais nouveau (c’est toujours soit banane soit, plus rarement framboise.Poruquoi ? Personne ne le sait, mais il y a forcement une explciation et elle est sémiologique), dans la demarche fière et cambrée de la femme noire qui aprente les couloirs du métro devant lui, dans l’habitude qu’à son collègue de bureau de ne pas boutonner es deux derniers boutons de sa chemise, dans le rituel de ce footballeur pour célébrer un but, dans la façon de crier de sa partenaire pour signaler un orgasme, dans le design de ces meubles scandinaves…"
La 7ème fonction du langage - de Laurent Binet

Je lis peu de romans français, encore moins de prix littéraires, quoi que un peu plus ces derniers temps (je vous ai parlé de Delphine de Vigan il y a quelques temps). Je me suis fait offrir à Noël ce livre. La critique m'avait plu, un client me l'avait recommandé (mais peut-on vraiment se fier à quelqu'un qui lit Marc Dugain et Jo Nesbo?). Le livre est bavard, j'ai lu des chapitres entiers en diagonale. Mais le début est passionnant et la fin pas décevante, même si elle ne surprend pas vraiment.
On y parle de Jacques Chirac quand il était président et de François Mitterand lors de sa campagne avant 81 (la force tranquille). J'avais 10 ans, je m'en rappelle très bien. Je me rappelle de ce dimanche soir de mai, de notre téléviseur en noir et blanc, avec la mire sur laquelle s'affichait tel un revers de  petits carrés le visage du futur Président de la République : François Mitterand. Je me souviens de ma mère qui exultait et mon père qui pleurait ("la France est perdue"). Je me souviens qu'il a aboli la peine de mort  -  ce qui m'a soulagé à l'époque, angoissée par l'idée de me faire décapiter à la suite d'une possible erreur judiciaire. Je me souviens des radios FM (Scoop radio dans la banlieue lyonnaise) et de la pub qu'on essayait de couper quand on enregistrait sur nos cassettes les musiques du hit parade.
Je me souviens de tout ça, mais rien de ce que raconte le livre : ni de Roland Bartes (qu'il y a encore peu de temps je prononçais Bartès), ni qu'il y avait une fac de socio à Vincennes, ni des luttes d'idées de Bourdieu, et des autres, ni que Sollers trainait dans ce milieu avec sa compagne (Kristeva - je savais pas qu'elle était sa compagne). Pour moi Sollers était un vieux, à peine beau, qui écrit des livres insipides dont mêmes les scènes porno sont sans style.
On y parle de tout cela et lire à 45 ans sur le monde de nos 10 ans, c'est toujours éclairant.

Et surtout, je sais que si j'ai une autre vie je serais sémiologue.
Sémiologue : c'est l'agent secret sans les dangers de l'infiltration, sans l'angoisse du double espion, sans le vertige quand tu te retrouves à courir sur le toit d'un train à grand vitesse... C'est l'agent secret sur canapé, ou "de salon" : l'agent secret mondain.
Je verrais, comme aujourd'hui des signes partout, mais j'en ferais autre chose qu'imaginer la vie des gens. Je deviendrais un héros par déduction et décryptage d'informations que moi seule saurait comprendre (inventer?).
Bref, je saurai une affabulatrice officielle.