vendredi 28 août 2015

Un été en Suisse #1 : plaidoyer pour le camping

Dans les Grisons - Suisse


Le camping, c’est une vitrine sociale. Même en Suisse.
C’est un safari social*.
La vie des gens grandeur nature.

Pour nous c’est revenir à des basiques de vie, retrouver le sens des réalités. En voici quelques fleurons, vous allez frémir et penser que je suis dingue. Vous aurez raison, une fois de plus.

Le camping c’est
  • Partager sa salle de bain. Pas avec n’importe qui, avec tout le monde. Et que des gens qu’on ne connaît pas. Extraordinaire pour moi qui ai ma propre salle de bains, que je prête juste à mon iMari.
  • Dormir avec les ronflements des autres. Et essayer de trouver des harmoniques, de reconnaître parmi les basses celle de votre Homme, d’en faire une bande son (David Gilmour a bien fait un tube avec le jingle SNCF !)
  • Se mettre en appétit avec les odeurs de cuisine des voisins. C’est plus ou moins appétissant, et plus ou moins créatif. En camping, plus de 80% des repas cuisinés sont des pâtes, seul l’accompagnement varie, et en Suisse : souvent des lardons.
  • Vivre dehors. Tout le temps. Sentir l’air, se faire caresser par la brise, percevoir la  la température, entendre le frémissement des feuilles, se refroidir avec la tombée de la nuit, regarder les étoiles, se réchauffer aux rayons du soleil, s’orienter avec la lumière, être chatouillé par l’herbe… Depuis combien de temps n’avons nous pas vécu tout ça ?
  • Ne pas toujours être confortable. Couché, assis, à table. Instable, aucun endroit où on ne traîne, où on se love, où on ronronne. Rechercher sa position et son maintien. Se souvenir que l’on n’a plus 20 ans.
  • Faire ses courses tous les jours, parce qu’on n’a pas de frigo. C’est se poser la pertinente question de ce qu’on a envie de manger, c’est acheter la juste bonne quantité, c’est ne pas faire de réserve qu’ensuite on mangera pour ne pas jeter ou qu’on finira par jeter parce qu’on ne l’a pas mangé.
  • Croiser des corps (dis)gracieux plus ou moins (dés)habillés, le matin avant d’avoir pris son thé/café. C’est comme pour la salle des bains, que des gens qu’on ne connaît pas, pas toujours très sexy. Ils ont les yeux collés de sommeil, les cheveux en bataille et ce qui leur sert de pyjama ne l’a été que dans une lointaine vie antérieure. Et moi tout pareil parmi ceux-là.
  • Oublier que l’on peut être connecté. Se passer du wifi, laisser son iPhone déchargé plusieurs jours de suite. Et ne pas être en manque. Depuis quand vous n’avez pas consulté votre iPhone ? (vous lisez ça depuis votre smartphone !) C’est un excellent sevrage. On redécouvre le paysage autour de soi, on parle aux personnes autour de nous, même quand on ne les connaît pas, on redécouvre l’usage d’un stylo, le goût d’un timbre et le principe de la carte postale.


* ceci est une expression consacrée, tous droits réservés à un ami dont je ne suis pas sûre qu’il ne me veuille que du bien.


A propos de la psychanalyse,

Dans les Grisons - Suisse

L’excellente série « Master of sex » nous livre sous une forme romancée les (vraies) premières recherches sur la sexualité notamment celles des femmes, au tournant des années 70. Bien que ces gens étaient modernes, ils n’en étaient pas moins coincés dans des stéréotypes et des idées toutes faites. Ainsi on nous livre au détour d’une conversation à la cafétéria de l’hôpital entre les deux principaux caractères féminins une belle remarque sur la sagesse de Sigmund Freud :
« he has a cigar, he obviously knows what he was talking about » 
Le cigare fait l’homme. Et pour la femme ? le talon Louboutin ?

Un autre homme à cigare a un point de vue très pragmatique sur la psychanalyse, version slave :
« En Russie l’art du toast, a permis de s’épargner la psychanalyse. Quand on peut vider son sac en public, on n’a pas besoin de consulter un freudien mutique, allongé sur un divan. »
Bérezina - Sylvain Tesson

« Le principe du toast a été inventé par les Russes pour se passer de la psychanalyse. Au premier verre, on se met en train ; au second on parle sincèrement ; au troisième, on vide son sac et, ensuite, on montre l’envers de son âme, on ouvre la bonde de son cœur, et tout – rancoeurs enfouies, secrets fossilisés et grandeurs contenues –finit par se dissoudre ou se révéler dans le bain éthylique ».
L’éternel retour - Sylvain Tesson


Je ne sais pas si cela marche avec des bières, le processus semble plus lent qu'avec la vodka, et la garantie de sérieux reste tout de même le cigare, à ne pas négliger.

lundi 24 août 2015

Pourquoi se baigner dans un lac de montagne est-ce si différent ?

Lac d'Orta - Italie


De quoi d’ailleurs ? 
De sa baignoire, de la mer, de la piscine, de la flaque d’eau, de la jouvence.

D’abord c’est plus froid. 
Que tout le reste.
L’eau vient de là-haut, des altitudes, de la neige, de plusieurs mois en arrière voire des années, c’est comme un bain dans une eau qui a existé bien avant nous. Elle a suivi tout ce chemin, dans les pierres, les rochers. Elle a fait torrents, cascades, ruisseaux, a vécu milles vies, croisé milles autres avant de s’étaler ici, miroir au repos, lac de mercure scintillant dans la lumière.

Ensuite c’est circonscrit. 
Les montagnes autour délimitent le territoire. Elles se reflètent dedans, y tombent abruptement, mais veillent sur la surface plane. Elles se mirent, vaniteuses à n’en plus finir, sauf les jours d’orages, où tout se passe sans elles.

C’est plus doux aussi. 
L’eau, les reflets, la surface. Le fond quand on le voit, les galets autour.

Enfin c’est plus rassurant. J’ai l’impression d’être « entre soi » ici, que des éléments d’ici, de là-haut, rien d’ailleurs, rien de loin, rien d’inconnu, que des éléments d’altitude de la neige au rocher, jusqu’à la profondeur que j’imagine à portée de nage même quand je ne voiw pas le fond.

Est-ce que ce qui (me) rassure c’est de savoir que c’est à (ma) portée ?
Etre capable, c’est d’abord penser que c’est possible.

Comme dit l’autre* « ils l’ont fait car il ne savaient pas que c’était impossible ».


* Mark Twain

(in)fidélité

les hommes debout
Giacometti au Centre Pompidou Metz
Il y a quelques temps, lors d’une de nos visites à Metz (la dernière probablement, puisque nos amis n’y habitent plus – les gens ne se rendent pas compte de bouleversements qu’ils produisent dans leur entourage amical quand ils déménagent) nous sommes allés à l’exposition sur Michel Leiris au Centre Pompidou provincial.
De Leiris, je ne savais pas grand chose, ce n’est pas que j’en sais beaucoup plus aujourd’hui, si ce n’est qu’il était marié (avec la même femme toute sa vie a priori), a voyagé et s’est intéressé à des sujets en avance sur son temps.
Ce que j’ai retenu en revanche est ceci, une citation tiré d’un de ses livres largement publié, reprise en grand sur un mur de l’exposition, à la vue de toutes et tous, révélation rendue (encore plus) publique pour ceux qui n’aurait pas lu ses livres :
«  Tout se passa comme si depuis le fond des temps, il avait été décidé que cette nuit-là, je partagerai le lit de Kadidja. »
J’ai trouvé osé de mettre l’infidélité sur le compte du fatalisme voire du destin, mais les plus grosses ficelles ne sont-elles pas celles qui marchent le mieux ?

Quelques mois plus tard, trois au plus, au détour de mes lectures estivales, Norbert Alter dans « Donner et prendre, la coopération en entreprise », cite un autre sociologue (G. Simmel) : « Simmel définit la fidélité « comme la force d’inertie de l’âme qui la maintient dans une voie une fois qu’elle s’y est engagée lorsque l’impulsion qui l’y a conduite a disparu » (…) La fidélité repose sur la répétition de la relation et sur une certaine durée des échanges. A défaut, une relation peut fort bien se caractériser par l’infidélité c’est à dire la préférence accordée au contenu et non à la forme de la relation ».

Voilà donc comment Leiris s’en sort. Il lutte contre l’inertie de la relation.
Mais pas contre l’inertie de son destin.


A quel moment est-on maître de nos mouvements ?