vendredi 31 octobre 2014

A quoi servent les vacances?

Ma to-do-list en version brocanteur chinois
Les vacances de Toussaint se terminent et je me hâte d'avancer dans ma to-do list – celle que je m’étais faite en imaginant ces vacances comme une longue plage de temps infinie où je pourrai à la fois glander et épuiser ma to do list justement.
Force est de constater que je n’y suis pas arrivée.
Je ne suis pas arrivée à « faire des choses » et à « ne rien faire » (c’est la définition de glander).
Où sont mes supers pouvoirs ? Ces derniers temps, ils me font cruellement défaut. Ils sont aux abonnés absents dès que j’ai besoin d’eux. Je vais finir par être obligée, bien malgré moi, de commencer à envisager que peut-être je ne serai pas un super héros ? Enfin, pas tous les jours.

Ma to-do-liste donc. Celles des vacances.
Elle est longue.
Improbable.
Hétéroclite (un peu comme chez un Brocanteur).
Elle ramasse, rassemble, agglomère tout ce que je n’ai pas fait depuis des mois (voire des années) et les petites choses de la journée.

Dans l’ordre alphabétique il y avait entre autres
  • appeler les copines  - c’est le fantasme absolu. Je ne téléphone jamais. Sauf quand j’ai quelque chose à dire.
  • me bouger : tous les jours une activité sportive. Aussi de l’ordre du fantasme, genre 10 km tous les matins comme ces américaines en super forme, et yoga le osir avant de se coucher.
  • cuisiner avec les enfants. L’idée est de les rendre autonome pour que les prochaines vacances je n’ai même plus à faire les repas. ça c’est de l’anticipation.
  • se cultiver en allant voir expos hype (Hokusai a minima, Niki Saint Phalle parce que ca me plait, les Maya au Quai Branly, Capitaine Futur à La Gaité Lyrique parce que c’est branché et Street Art parce que c’est sur la route)
  • donner des nouvelles à ceux, celles qui sont loin. Je suis trop maline : ce billet sert à ça !
  • envoyer à la sécurité sociale les feuilles de soins (qui se sont accumulées le temps que me carte vitale soit (re)produite). Vraiment le truc pénible, mais indispensable.
  •  épuiser la liste des livres que je me suis noté. ça tombe bien j’ai commencé par prendre à la bibliothèque des livres « hors liste » et à commencer un livre que j’avais déjà lu.
  • mettre à jour la liste des livres que je dois lire en rassemblant post it, bout de papier, enveloppes, … Genre le N°5 des travaux d’Hercule : « nettoyer les écuries d’Augias », la tâche improbable, comme si j’avais besoin d’une liste d’ailleurs…
  • me mettre à niveau en lisant la pile de documents, essais, et autres douceurs que j’ai accumulés pour le boulot depuis quelques mois. Ca c’est plutôt le mythe de Sysiphe
  •  ordonner ma bibliothèque iTunes, le mythe de Sysiphe version 2.0
  •  ranger le placard du sous-sol (celui où j’ai entassé tout ce que j’ai ramené de Chine « au cas où », finalement je vais garder ça pour les vieux jours. Je le ferais quand je serai à la retraite avant d’être percluse d’arthrite
  •  régler l’assurance du scooter (par chèque, ces c*** là ne proposent pas un règlement par internet). Comme la sécurité sociale, ça fait partie des choses à THVA (très haute valeur ajoutée) qu’on ne sous-traite pas
  •   trier les affaires d’été et d’hiver. Mmmh, il va falloir le faire avant le printemps,(ou pas)…
  •   …


C’était sans compter :
  •  que nous n’avons pas mis de réveil de la semaine, et que petit à petit l’heure du lever de tous s’est décalée de 7h30 à 9h
  • que le petit déjeuner a duré le temps que je finisse ma théière, puis mon chapitre, puis mon livre
  • que je regarde plusieurs films à la suite le soir quand les enfants sont couchés,
  • que je lise toute la nuit pour terminer mon livre – après les films (ce qui explique aussi le décalage du lever le matin)
  • qu’à part le rendez vous chez le coiffeur pour les enfants, nous n’avions aucune contrainte horaire
  • que nous avons dîné d’un plateau repas devant Harry Potter (le 6) après avoir failli nous endormir devant le 5 la veille
  •  que les enfants ont voulu rester en pyjama toute la semaine, et manger des pâtes, de la mousse au chocolat, des crêpes et de la raclette (et je fais quoi de mon panier de légumes ?)
  • que personne n’a voulu faire la queue pour l’expo Street Art, alors nous sommes allés à la librairie en face, ensuite il faut bien lire ce qu’on a acheté non ?
  • que pour soutenir la production cinématographique nous sommes allés au ciné au coin de la rue (une seule fois)
  • que les journées (y inclus les nuits) ne font que 24h
  • que glander est un Art (entre l'artiste et l'artisan), et que ça prend du temps. Tout simplement.


Alors, ma to-do-list : almost untouched.
Par touche de ci, de là. En mode pointilliste, on va dire.
Elle rempile pour les prochaines vacances.


lundi 27 octobre 2014

nOranne, journal de bord #1


Bienvenue ici.
Il y a des endroits, il faut y être né pour aimer et pour s'y attacher.
Il y a des endroits que tout le monde connait, mais où personne n'a envie d'aller.
Il y a des endroits où on n'arrive pas par hasard et où on ne s'y attarde pas.
Les endroits dont on dit que "les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère".
Il n'y a pas d'entrée dans le Routard, mais dans le guide Michelin oui.

C'est là. J'y suis.
Les voyages forment la jeunesse, celui-là me fera vieillir plus vite. Le TGV n'est pas arrivé jusque là-bas, c'est TER ou car. C'est un peu l'expédition pour s'y rendre, et il n'y a plus de e-billet pour ce genre de destination. Juste les bons vieux tickets SNCF qu'il faut composter aux bornes jaunes, et que je retourne 3 fois avant de mettre dans le sens afin que "ça schlonque".

Dans la lumière d'automne à 7h26 du matin, la gare est jolie. Ce qui l'est moins c'est la file de taxi: pas de file, pas de taxi. Juste des numéros de téléphone. Et d'ailleurs le premier n'est pas réveillée et le 2ème s'habille pour arriver, il sera là dans "10 bonnes minutes".

L'expérience est unique. je commence avant 8h, je sors il fait nuit.
Toute la journée je suis dans l'Usine.
Le bruit.
L'odeur.
Le rythme.
Je n'ai ni le temps de boire, ni le temps de pisser.
J'ai mal aux pieds dans les chaussures de sécurité.
J'ai mal au dos de passer mon temps debout.
Je me demande à quoi servent les bouchons d'oreilles. Et le gilet jaune.
Le 1er jour, je suis assommée.
Le 2ème jour, je comprends ce qui se passe.
Le 3ème jour, je n'en peux plus. Je veux partir et ne plus revenir.



Il n'y a pas de cantine à l'Usine. Juste une salle de repas, ceux qui veulent apportent leur gamelle. D'autres rentrent manger chez eux. Et sinon il y a un restaurant inter-entreprises à 5 mn en voiture. On y trouve des oeufs mayonnaise, de la macédoine  en salade, du pâté de tête, des frites tous les jours, des oeufs en neige en dessert (il doit y avoir des poules dans le coin), du vin en pichet et des grands pots de moutarde et de mayonnaise à la sortie après les caisses. C'est pour ceux qui ont besoin de "rab'  de mayo" avec leurs frites.
Au bout de deux jours de cet environnement, je n'ai plus envie de déjeuner.
Heureusement le 3ème jour ça change : on va déjeuner ailleurs.
Au Courtepaille.
J'aurai du m'en douter, avec l'Ibis toute gamme (Styles, Budget...) il y avait forcement un Courtepaille.
Je suis très contente, je n'ai jamais mangé dans un Courtepaille. On y mange tous en rond, c'est tout ce que je sais. Et j'échappe à la mayo et aux oeufs (en gélée, en mayo en neige). Poulet, purée de potiron et compote, j'en pleurerai presque de joie.

Côté hébergement c'est standardisé. L'hotel est psychédélique. Un hôtel de chaîne,  les hôtels familiaux, ce qui pourrait faire le charme de la province, ont fermé, en même temps que l'activité et les commerces.
La chambre est spacieuse et pique les yeux de ses couleurs audacieuses (et c'est moi qui dit ça). Il faut laisser couler la douche 10mn pour avoir de l'eau chaude, et le gel douche-shampoing-tout-en-un m'irrite la peau, je sors je suis toute rouge avec des plaques. J'ai "Nouvel Observateur" sur la table de nuit (depuis quand les hôtels Accor sont de gauche?).


En face de la gare, l'hôtel et en face de l'hotel un grand bâtiment rouge qui représente à la fois la modernité, la culture et la dette de la municipalité. Là se cachent un cinéma avec plusieurs salle genre multiplex, un Buffalo grill ouvert tard, un "chinois" buffet à volonté.
On teste "le chinois à volonté" le soir. Ils ont de la Tsingtao, c'est pas si mal. J'en oublie mon écharpe.
C'est une façon de me dire "Dis, quand reviendras-tu? Dis au moins le sais tu?"
Je crois que oui, et c'est bien ce qui m'ennuie.






samedi 25 octobre 2014

Le livre qui console








Dans la semaine qui a suivi, je suis tombée par hasard (si ça existe ou alors c’est de la sérendipité) sur Le Livre qui console, presque une BD, pas tout à fait un livre – une promenade graphique dit la 4ème de couverture
Illustré par Joann Sfar, il raconte des larmes sous toutes ses formes :





Petit texte-poème de l’écrivain
LE SOIR
JE PROFITE
DE LA TRISTE LUMIERE
DE LA LUNE
POUR
ME METTRE
A PLEURER

Il suffit qu’une seule larme coule
Pour qu’elle entraine à sa suite
Ses petites copines humides.

Je suis submergée
Par l’impression de m’être fait plaquer
Les larmes inondent mes draps

Une vague
de honte m’emplit,
je ne fais pas honneur
au cyprès.

Les larmes célèbres, celles d’Obama entre autres 

Les citations de John Lennon à Shakespeare (ou dans l’autre sens), et de la Bible (« Jesus pleura » Jean XI, 35)

Les interviews lacrymales, gentiment surréalistes, c’est ça qui est bien

L’ABCdaire des larmes, où on apprend que chez les Maoris il est traditionnel de pleurer quand on retrouve un ami (et quand on le perd, on rigole ?).
Décidément j’ai toujours aimé les Maoris, même avant d’en rencontrer.

Les articles pseudo scientifiques, qui précisent que les larmes d’une femme réduisent la libido de l’homme,


La playlist qui fait pleurer à coup sûr, la liste des films pour lesquels il est difficile de ne pas verser une larme et la playlist qui console 

1.    Gonna be alright, BOB MARLEY
2.    I can see clearly now, JIMMY CLIFF
3.    All you need is love, THE BEATLES
4.    Sèche vite tes larmes, DALIDA
5.    Les copains d’abord, GEORGES BRASSENS
6.    Everyday, BUDDY HOLLY
7.    We are family, SISTER SLEDGE
8.    Girls just want to have fun, CINDI LAUPER
9.    Whata a wonderful world, LOUIS ARMONSTRONG
10.I’ll be there for you, THE REMBRANDTS










Je n’étais pas consolée après, mais j’acceptais mieux mes larmes. Ce qui est une façon d’aller mieux.
En fait, je pense qu’on ne se console jamais. La mort d’un ravive celle de tous les autres. En vieillissant, on porte avec nous tous ceux qui ne sont plus.
J’aurais aimé être immortelle et tous les autres avec, comme j’aurais aimé être un super héros parfait.

Mais déjà ne pas être parfaite est le travail de toute une vie, pour l’immortalité il m’en faudrait une deuxième.        

mardi 7 octobre 2014

A l'enterrement d'une feuille morte,








A l'enterrement d'une feuille morte
Deux escargots s'en vont
Ils ont la coquille noire 

Du crêpe autour des cornes 

Ils s'en vont dans le soir 

Un très beau soir d'automne
Hélas quand ils arrivent 

C'est déjà le printemps.
Jacques Prevert




Quand moi je suis arrivée, ce bel après midi d’automne, hélas ce n’était pas le printemps. C’était bien un enterrement.
Je n’y suis pas allée en noir non plus, j’y suis allée habillée comme j’étais, colorée, une écharpe de soie orange en signe de ralliement comme il avait été suggéré.
J’y suis allée, alors que j’aurai bien voulu l’éviter.
J’aurai voulu éviter la peine, les larmes, l’au revoir.
J’aurai voulu éviter l’évocation de ce qui ne sera plus, ceux qui pleurent et ceux qui se souviennent
J’aurai voulu éviter les mouchoirs, les petits cœurs à l’entrée, les « reminders», les fleurs que je n’ai pas apportées
J’aurai voulu éviter mon manque de courage de ne pas être passée la voir quand il était encore temps,
J’aurai voulu éviter de croiser le regard de son homme et la vision de sa fille en robe blanche,
J’aurai voulu éviter les souvenirs, les moments que j’ai partagés,
J’aurai voulu éviter mon chagrin.
En vérité, ce que j’aurai voulu éviter ce n’est pas l’enterrement. C’est qu’elle soit morte.

Mais c’est la vie. Et dans la vie je n’ai pas de super pouvoirs.
J’ai beau courir toutes les courses de France ou de Navarre pour la recherche contre le cancer, je ne fais que courir, je n’empêche rien.
Dans la vie,
on est seul quand on court,
on est seul dans son corps
on est seul avec sa peine.
Son homme est seul avec la sienne, sa fille aussi et elle grandira avec.
Quelle que soit la mienne, je ne porte que la mienne, je ne peux pas prendre une partie de la leur, ni de personne d’ailleurs.
Je peux juste pleurer avec eux et avec d’autres.

Et si mes yeux ne pleurent plus, mon coeur chouine encore.

« Mais là haut dans le ciel
La lune veille sur eux»

J’aime à croire que le « eux », c’est nous.