samedi 27 juin 2015

Vagabondage

The Weather Man - Evgenia Aerbugevia

"Les vagabonds romantiques allemands cultivaient à la fin du XIXème siècle une certaine manière de voyager. Ils traversaient l'Europe à pied avec l'insouciance de ceux qui ne savent pas le matin dans quelle grange ils dormiront le soir, mais s'en contrefoutent. Il leur suffisait de se sentir ne mouvement, environnés de la beauté des campagnes, avec l'âme ouverte à tous les vents. J'aimerai réhabiliter cette façon de traverser l'existence, en liberté, avec une plume au chapeau, un brin d'herbe entre les dents et des poèmes aux lèvres."
Petit traité sur l'immensité du monde - Sylvain Tesson

Je suis née trop tard. Presque un siècle trop tard. Quoi que à cette époque là, les femmes n'avaient pas cette liberté et quand elles la prenaient, peu d'entre elles avaient la chance d'avoir des maris compréhensifs comme Alexandra David Neel ou Anita Conti. La plupart d'entre elles finissaient dans un asile comme Adèle Hugo ou Camille Claudel. Trop de liberté nuisait à la leur. Il n'est pas bon d'être trop en avance sur son temps. Surtout pour une femme.
Alors? 
Alors que n'ai je pris mon courage à deux mains, à deux pieds pour être exacte et parcouru le monde à ma façon.
Faute de courage. Manque de sécurité. Défaut de foi. Défaut de jeunesse.
Le besoin d'être autonome rapidement. J'avais peur de tout, y compris de moi, de ce dont j'étais capable, ou pas. Je doutais de ma capacité à me prendre en charge, je ne pensais pas me débrouiller seule dans le vaste monde. La crainte de disparaitre au détour d'un chemin et que personne ne s'en aperçoive.
Que serais je devenue si j'avais rencontré un gars comme lui à 20 ans? L'aurais je suivi? L'aurais je intéressé? M'aurait-il toléré à ces côtés? Aurais je envie de partir marcher avec lui? Etions-nous capable de voyager ensemble ?
Juxtaposer deux solitudes ne fait pas une communauté, même petite.

J'en ai rencontré des gars avec des envies, des désirs et mêmes des certitudes. Peu d'entre eux ont bougé. Ils habitent toujours dans la même ville à quelques pas de leur ancien lycée, tout près de ses marches où ils s'asseyaient pour rêver. Je les remercie d'avoir partager avec moi leurs rêves d'ailleurs. Ils m'ont permis de croire en un possible ailleurs, que le monde ne s'arrêtait pas là.
Finalement, je suis partie loin, revenue, repartie pour m'éloigner encore.
Et quelqu'un m'a dit que "mon regard sur le monde" est une manière de voyager.