dimanche 23 octobre 2016

Coincidence et destin

destin ?

"The way world worked was somewhere in between coincidence and fate. There were mysteries, Juan Diego knew, not everything came with a scientist explanation."

Avenue of mysteries – John Irving

Ni une explication divine.
Savons-nous prendre les choses comme elles sont, sans chercher à y trouver une explication quelconque?
Prendre les choses ou accepter? 
Que faisons nous chaque jour pour défendre ce en quoi nous croyons?






samedi 22 octobre 2016

Nous Deux, dans son temps

le magazine "Nous Deux" - octobre 2016

"Women readers kept fiction alive"
Avenue of mysteries – John Irving

Dans le TER qui me ramène de Clermont Ferrand ce mercredi je suis assise à côté d'une femme âgée.
Elle a gardé sa valise devant elle, entre ses genoux et le siège avant. Elle ne peut pas étendre ses jambes, elle ne veut pas que je mette sa valise dans le rack au dessus, ni dans les espaces prévus pour les valises au début du wagon.
Elle ne quitte pas son manteau de tout le trajet. Elle fait des SMS sur un vieux téléphone pliable, qui n'est pas un smartphone. Il n'est pas en mode silencieux, je profite de tous les "bip", ses mains tremblent, ses messages lui prenent une bonne partie du trajet.
Puis elle lit "Nous Deux". 
D'abord j'y apprends que Marion Cotilliard n'est pour rien dans le divorce de Brad Pitt. 
C'est une info de taille.

Puis je profite discrètement du roman photo.

Ce qui me ramène des années en arrière. je dois avoir 10 ans, je suis chez ma tante, et je lis tout ce qui me tombe sous la main : les Pif Gadget et les "Nous Deux". 
Dans mon vécu, le roman photo est lié à Pif Gadget. Les Vannessa tombaient amoureuses de Rahan le Viking, Placid et Muso débarquaient au moment où les héroïnes pleuraient et les super gadgets sauvaient toutes les situations, même les plus compliquées sentimentalement parlant.

Le TER a ça de bien, c'est que pendant 3h30 on est ramené à de la réalité sociale, celle qu'on oublie dans le TGV, celle qu'on évite dans le métro, celle qui n'existe pas dans les rues de Paris. La réalité des vieilles dames qui prennent le train, qui sont un peu stressées. Elle pourrait être ma grand-mère, qui lisait "Femme d'aujourd'hui" à 60 ans et était abonnée à "Bonne Soirée" jusqu'à ce que ce magazine cesse d'être publié. 
Ma grand-mère n'a pas connu les téléphones portables ni Brad Pitt. Je ne sais pas ce qu'elle en aurait pensé d'ailleurs.
Mais cette grand-mère-là, dans le TER avait quelque chose de "dans son temps".


dimanche 9 octobre 2016

Bien vieillir...

A la maison Doisneau - octobre 2016

Mon iMari, jamais à court d'idées, m'a dit "A nos âges, l'important n'est pas de séduire, mais de bien vieillir".
Je ne sais pas exactement ce que ça veut dire mais je pense qu'il a raison.

Et pourtant certains se fourvoient. Surtout des hommes. 
J'en ai un en particulier dans mon entourage que j'observe et qui me semble se tromper. Il séduit plutôt que de bien vieillir. Même si in fine séduire le fait bien vieillir.
J'explique.
Quand un homme de 50 se met à perdre du poids, à courir, à s'inscrire pour un marathon (de new York, excusez du peu) à s'habiller branchouille (mais cher et chic tout de même), c'est louche. 
Il a tous les symptômes du mec qui est en train de se maquer avec une femme plus jeune. 
Il en a les symptômes et il m'a confirmé qu'il habitait chez un copain parce que sa femme l'avait foutu dehors. Mais qu'il passait encore du bon temps avec sa femme, quand il la voyait en cachette de sa maitresse.
Ca semble compliqué raconté comme ça. 

Et c'est ambivalent. 
Je trouve courageux et volontaire de mener sa vie, même à 50 ans, même à 60 ans, même à tout âge.
Et je suis déçue si c'est pour une femme plus jeune, beaucoup plus jeune je soupçonne. J'espère me tromper. Il ya quelque chose de pathétique, il y a du déni, il y a refus de l'obstacle, il y a régression ... dans le  fait de recommencer avec une personne plus jeune. Comme si on faisait un "reset", et hop on perd 15 ans.
Ca ne me regarde pas, et dans le fond je m'en moque. Et pourtant, je suis triste de le voir comme ça, comme si son bonheur n'était qu'une duperie, un instant éphémère, un leurre de la dernière heure. Comme si 50 ans, ne lui avait pas appris ça.

Je crois que j'ai compris aujourd'hui pourquoi.

"Je vais te dire un grand secret. le temps c'est toi
Le temps est femme Il a
Besoin qu'on le courtise et qu'on s'asseye
A ses pieds comme une robe à défaire "
Louis Aragon - Elsa



Louise toujours, Attaque encore

Zenith - 8 octobre 2016

Qui parmi nous écoutait "C'est Lenoir" sur France Inter dans les années 90'? C'était le soir de 22h à 23h je crois (tard je me rappelle)?
J'ai fait ma culture musicale avec Bernard (Lenoir). Je lui dois des chanteurs que j'écoute encore aujourd'hui : Radiohead, Dominique A, Blur (Damon Albarn aujourd'hui), the Sundays (qui ont disparu des radars) et.... Louise Attaque.

Je me rappelle, j'ai découvert Bernard Lenoir l'hiver 1992-93, j'étais en dernier année d'école d'ingé.  C'était une version française d'une émission que j'avais écouté l'année d'avant quand j'étais en Angleterre : les "black sessions de John Peel" sur BBC 1. Super ésotérique à l'époque, gentiment punk voire avant-gardiste, j'avais surtout écouté la BBC One par amour de la langue anglaise et de la musique plus que par goût de ce que j'y entendais

Hiver 1993, je revois ma chambre, la 201, au bout du couloir, je me revis sur ma chaise, assise un peu tordue : un pied sous une fesse et l'autre repliée le menton posé sur le genou. Je revois mes chaussettes en grosse laine, penchée sur mon bureau, je ne sais plus ce que je révisais, mais je me rappelle très bien mon poste de musique avec la radio et les cassettes. Mon poste n'avait pas de lecture CD à l'époque. Il a fallu que je rencontre mon iMec (qui n'était pas encore mon mari mais qui était déjà iTech pour avoir un lecteur CD).
J'écoutais religieusement son émission tous les soirs, sauf peut être le jeudi car il y avait des soirées à la Kfet avec des vrais concerts de groupes qui faisaient du bruit (beaucoup même) et je crois qu'à l'époque on avait eu droit à the Pixies avant qu'ils ne soient connus (et même avant qu'ils ne passent au Transbordeur, LA scène musicale régionale lyonnaise).

Je suis restée longtemps fidèle à Bernard Lenoir. C'est comme ça que j'ai connu dès leur début Louise Attaque. Une semaine entière pour découvrir morceau après morceau leur premier disque. C'était le principe  :  tous les soirs, Bernard passait dans son émission "c'est Lenoir" un titre de l'album de Louise Attaque. Leur premier, celui avec le dessin sur la pochette. 
Je me suis précipitée à la Fnac, où on trouvait à l'époque toutes ces pépites, qu'on pouvait écouter longtemps avec les casques (vous vous souvenez?). C'était une époque où on ne pensait pas que la Fnac deviendrait Darty (d'ailleurs je n'avais jais mis les pieds dans un Darty!).
J'ai acheté leur CD, puis les suivants, tous. Même quand il n'y a eu que Tarmac, même quand il n'y a eu que Gaëtan (Roussel). J'ai acheté, pas trouvé sur internet. C'est ma contribution à la création culturelle française.
On est allé les voir, à leur premier concert (en 97 ou 98 je pense), dans une petite salle. Leur première partie était Cornu (qui se souvient de Julie Bonnie?).
Nous étions jeunes, la salle était pleine  : est-ce le Bataclan? le Café de la Danse? ou la Boule noire? Je ne peux pas me rappeler. En revanche, on fumait pendant le concert, et il n'y avait pas de bière en vente. On avait tous une vingtaine d'années, comme le chanteur, avec sa drôle de voix, comme ceux de ce groupe qui introduisait des solos de violons à mourir de plaisir, qui évoquait des "soirées parisiennes" quand nous étions en plein de dedans, de "Lea" qui était si particulière , "d'invitation" quand nous avions toujours raison, mais pas toute notre raison, de la Brune...
Bref, il chantait notre jeunesse parisienne.

Hier nous sommes allés les voir au Zenith. 
Ce n'est plus la même salle, mais c'est le même public. Nous étions tous des quadras, certains avec leurs enfants (c'était notre cas!). Ambiance de retrouvailles, comme une bande de vieux potes qui se retrouve après plusieurs d'années. 
A la question de Gaêtan "qui était là en 97?" Les deux tiers de la salle lève le doigt. 
A la question "qui n'était pas né en 97?" c'est le tiers restant qui se sent concerné. 
Une bande de vieux potes, vous dis-je.
Et moi fidèle entre toutes, je suis encore là, émue qu'une salle entière chante à plein poumons "l'invitation" en ouverture.
Vous nous aviez manqués. Vieillissez avec nous, on se sent mieux.



Se prendre pour Marc Riboud, en être loin, et lui rendre hommage

Pembrokeshire - Wales 2016
A la fin de l'été, est mort Marc Riboud. Grand monsieur de la photo.
Je ne sais comment lui rendre hommage, et d'ailleurs il s'en fout là où il est, ou n'est pas justement.
Mais ma vie a croisé son chemin, récemment, comme s'il me faisait un clin d'oeil entre deux continents.
En décembre 2010, nous quittions la Chine, après trois ans passé à Wuhan. Et juste en septembre de la même année nous nous étions régalé avec une superbe expo au tout récent musée de Wuhan "the instinctive moment" de Marc Riboud, narrant ses années chinoises.
Un pur bonheur, encore plus dans un pays comme la Chine, où le beau n'est pas courant. Le manque d'Art, de Beau, de Calme, de choses pour reposer les yeux et nourrir l'esprit se fait cruellement sentir. Je me jetais sur la moindre exposition qui promettait un peu de Beau. Marc Ribaud à Wuhan, je n'aurai jamais osé le rêver.
J'ai bu chaque photo avidement, goulûment, en prenant mon temps et en en reprenant. Je me souviens de nombreuses et d'une en particulier. Je ne la retrouve pas dans les portfolio, ni sur internet. 
Elle est en noir et blanc : dans une salle de classe dans la Chine des années 60, un occidental est derrière le bureau du maître, les bras écartés et les mains posés sur le bureau. Un tableau noir derrière lui, des idéogrammes au dessus du tableau, qui doivent dire tout le bien de Mao, et des élèves.
En septembre 2011, je rencontre les gars de ma boite actuelle, les deux associés principaux. L'un deux vient de perdre son père, et il envoie un faire-part, ou un remerciement pour les gens qui lui ont témoigné du soutien. Il y a adjoint une photo: c'est celle-là, de Marc Riboud. 
L'homme occidental qui enseigne en Chine dans ces années là est son père.
Un fil de coïncidence, des liens à un an d'intervalle.
J'adore ces liens, qui ne disent rien du destin, mais en disent long sur les signes que nous avons envie de voir.