dimanche 26 novembre 2017

Sagesse du jour

Native Art - UBC, Canada


"La fatigue, crise de l'énergie à échelle personnelle"


"La vie sert à trouver les raisons de se suicider"


Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit - Sylvain Tesson



Demain je vais à une conférence de Sylvain Tesson (oui oui!) :  l'héroisme peut il sauver le monde?
Et là toute suite, en héroïne ordinaire du dimanche après midi, je vais au cinéma avec une copine.

dimanche 19 novembre 2017

Bien choisir sa compagnie


Vercors - octobre 2017

"Il faut toujours se promener en montagne avec un géologue, dans la forêt avec une philosophe mutique, en ville avec un conservateur de musée.
Pour la nuit, préférer les artistes."
Une très légère oscillation - Sylvain Tesson

Je n'ai rien de tout cela dans mon entourage, et dans la vie je ne suis pas mal accompagnée.
Et pourtant, j'ai parfois la tentation de me retirer du monde. Je me souviendrai de cet adage, le jour où j'aurais besoin d'une excuse.

L'Homme au fond?

Primo Levi (photo issue des archives des inrocks)

"Enfermez des milliers d'individus entre des barbelés, sans distinction d'âge, de condition sociale, d'origine, de langue, de culture et de moeurs et soumettez-les à un mode vie uniforme, contrôlable, identique pour tous et inférieur à tous les besoins : vous aurez ce qu'il peut y avoir de plus rigoureux comme champ d'expérimentation, pour déterminer ce qu'il y a d'inné et ce qu'il y a d'acquis dans le comportement de l'homme confronté à la lutte pour la vie.
Non que nous nous rendions à la conclusion un peu simpliste selon laquelle l'homme serait foncièrement brutal, égoïste et obtus dès lors que son comportement est affranchi des superstructures du monde civilisé (...). Nous pensons plutôt q'on ne peut rien conclure à ce sujet, sinon que sous la pression harcelante des besoins et des souffrances physiques, bien des habitudes et bien des instincts sociaux disparaissent."
Si c'est un homme - Primo Levi

Je pensais l'avoir lu il y a longtemps. En le relisant, en même temps que mon iFille pour pouvoir en discuter avec elle, je me suis rendue compte que je ne l'avais jamais lu.
A des détails que je ne connaissais pas : les numéros des déportés ne sont pas dus au hasard, ils racontent d'où ils viennent, qui ils sont et quand ils sont arrivés. Leur histoire est dans ce numéro.
A la conlcusion de Primo Levi sur la théorie de la survie  : il a survécu parce qu'il a eu de la chance, ni la jeunesse, ni la santé, ni la solidarité, ni un talent particulier, ni la force, ni la roublardise... juste la chance : être ou ne pas être là au bon moment. 
Je me serai souvenu de l'absence d'émotions dans ce livre, de l'absence de haine, de l'absence de désir de vengeance... Juste la narration. Une froide distance, une juste distanciation, une absence de parti pris et pourtant une absence de pardon. Je ne suis pas très portée sur la notion de pardon, mais plutôt dans l'idée de comprendre l'autre point de vue et ses intentions. Mon raisonnement trouve vite ses limites ici :
"Peut-être que ce qui s'est passé ne peut pas être compris, et même ne doit pas être compris dans la mesure où comprendre c'est presque justifier" dit-il encore.

vendredi 3 novembre 2017

Solitaire

Evgneia Aburgaeva - Weather man

Pauvre de vous, Sylvain (Tesson) est prolixe  et voila qu'il publie des recueils d'aphorismes...

" Pour le solitaire, tout rencontre est une blessure " 
Aphorisme dans les herbes et autres propos de la nuit

Pour moi dont la capacité relationnelle est limitée, je ne peux qu'être sensible à celui là!

Revenir à l'essentiel

Borne (2011)

Il nous arrive de ne pas avoir envie de parcourir le monde.
Il nous arrive de ne pas prendre l'avion à chaque vacance.
Il nous arrive d'avoir envie de calme mais pas trop, de se retirer sans s'isoler, de voir des gens sans que ce ne soit compliqué, ou qu'on soit obligé de parler (je parle essentiellement pour moi).

Nous avons fait du cabotage à la Toussaint. Une semaine ici et là. On arrive, on prend l'apéro, on papote, on dort et on poursuit.

C'est ainsi qu'on s'est retrouvé dans un refuge un peu équipé, à 45 mn de marche d'un village au bout du monde (le Vercors).
Il y a l'électricité, avec des panneaux solaires.
Il y a de l'eau chaude au gaz.
Il y a du réseau : pour Orange en bas des 3 marches, en faisant quelques mètres sur le chemin, pour SFR il faut monter au Col (1h de marche) pour Bouygues... c'est plus compliqué.
Il y a du chauffage : un poêle dans la salle commune, un autre dans la chambre commune en bas. Il faut les charger le soir, pour qu'il reste des braises au petit matin.
Il y a de quoi dormir : des chambres collectives à 6 ou 12 personnes (certains parmi vous adorent, je le sais...), celle du bas on agence son matelas avec ou sans cadre, à même le sol, orienté soleil couchant ou levant. A chacun son feng chui.
Il y a des toilettes, dehors dans une cabane en bois.

Y séjourner c'est revenir à l'essentiel : manger, boire, dormir, ne pas avoir froid, socialiser avec qui est là.
Je suis montée avec des bonbons au miel, du vin (blanc et rouge), 2 paires de chaussettes en laine, un pull, une polaire et un anorak, et 3 livres (pour socialiser, parce que c'est exactement mon fort).
Au final, j'ai à peine fini le livre en cours, j'ai (même pas) fait semblant de cueillir des champignons, j'ai beaucoup marché, bu raisonnablement du vin, excessivement de la tisane, j'ai joué à un jeu que je ne connaissais pas et qui ressemble vaguement au Cluedo mais où tu ne sais pas qui tu es (alors de la à savoir qui tu tues, où et avec quelle arme, il faudrait une autre vie toute entière...), j'ai discuté avec des gens que j'ai vu naître (oui au pluriel, ce ne sont plus des enfants), j'ai petit-déjeuné dehors au soleil, j'ai pris un bain de soleil dans une chaise longue en bois qui épousait la pente, j'ai attendu que les nuages se dispersent pour voir Grenoble depuis le Col, j'ai eu froid dans le vent et chaud en montant, j'ai transporté un champignon dans ma poche (non, ce n'est pas moi qui l'ai trouvé), j'ai fait la vaisselle parce que je ne sais pas faire à manger, je me suis retourné plusieurs fois dans ma couchette en me disant "non je n'ai pas envie de faire pipi..."...et j'ai fini par sortir de mon sac de couchage et affronter le froid de la nuit.
Je ne suis pas allée jusqu'à la cabane en bois, trop loin à 2h du matin, en chaussettes. Dans la pente, au coin de la terrasse, sous les étoiles, avec une presque pleine lune, ça avait quelque chose de magique. 
En tendant les mains, j'aurai pu (si si) toucher la Grande Ourse, caresser la lune. Et comme par magie, le vent était tombé il faisait presque doux, en chaussette dans l'herbe en pleine nuit.
Revenir à l'essentiel, sous un ciel étoilé.



jeudi 2 novembre 2017

Once again : "Moi, j'y vais"

Le Sud des Hautes Alpes

J'ai croisé plusieurs "instants", ces derniers temps. Les choses qui nous échappent et qui se font malgré tout, parfois malgré nous. Malgré moi, surtout
Je suis coutumière de ces faits qui m'échappent.
Ca me déculpabilise je crois, de lire que cela ne m'arrive pas qu'à moi, que ce qui doit arriver arrive, même quand c'est moi qui suit aux manettes.

"Quand il l'embrassa, ce fut sans préméditation aucune. Cela n'arriva pas parce qu'il s'était trop rapproché d'elle, ou avait glissé un bras autour de sa taille. Cela évoqua plutôt la descente en piqué d'un puffin dans la houle, une attraction magnétique, comme si la gravité, en même temps qu'elle le précipitait  contre la jeune fille, attirait vers lui son visage".
Sans oublier la baleine - John Ironmonger

"Petit fils d’horlogier, il en appelle à la clémence du dieu qui décide du point de non retour sur l’axe du temps. La seconde où la flèche quitte l’arc, l’instant où l’orgasme devient inexorable, le moment où le poète devient la proie de l’inspiration."
La vaine attente – Nadeem Aslam

Le moment où je me lève et je dis "moi j'y vais".
Ca m'est arrivé dans un dîner il y a quelques années. Je l'ai raconté ici. Mes hôtes m'en parlent encore, lui ne me l'a pas vraiment pardonné (et je n'ai plus été invitée).
Ca m'est de nouveau arrivé. Il y a quelques jours. 
Pas dans un dîner. Dans une de mes réunions hebdomadaires avec mes chers associés.
Je n'aime pas les joutes verbales.
Je suis sous-équipée pour les concours de bites.
Je suis concise dans mon expression, presque chirurgicale
J'ai horreur de me répéter.
A la 4ème fois où ce jour-là je me suis faite couper la parole, j'ai fermé mon iMac et je me suis levée en disant "moi, j'y vais".
Once again. 
C'est la gravité, l'instant, le moment...
Je me suis (encore) vue debout. Puis retrouvée dehors de la salle de réunion.

bon, ben moi j'y vais...


mercredi 1 novembre 2017

Un monde de brutes


Du col de Moissière - Champsaur

Nous sommes allés nous balader en montagne. Petite balade, petite montagne à vaches (pardon moutons), départ l'après midi, après le café,  juste une gourde et un pull, pas de pique nique. Une petite entreprise facile, à dix minutes en voiture de la maison.
Couleurs d'automne sur les pentes : les mélèzes flamboyants, les sapins insolents de leur vert sombre, et les feuillus retenant leurs dernières feuilles, pour quelques jours encore en attendant les premiers gels.
Montée facile, chemins creux, marches de pierre.
Les enfants courent, sautent, chantent, crient, s'expriment, et croisent un trio de baleines suant, haletant, soutenues par des bâtons de marche. Trois baleines, presque échouées, plus larges que hautes.
La plus vieille d'entre elles a soufflé un long "scchhhhut" une première fois.
On a pris ça pour son souffle d'asthmatique, de vielle obèse au bord de l'apoplexie
Au deuxième "scchhhhut", on a compris que ce n'était pas sa locomotive à vapeur qui rendait l'âme, mais le fait de croiser nos trois enfants chantant.
Et pourtant, ils courraient à la descente, les baleines se hissaient à grand peine dans la montée, la croisée fut de courte durée.
Suffisamment pénible pour que le Leviathan lance une insulte dans une autre langue que son français que nous avions entendu jusqu'alors.
Elle les a traité "d'enfants de merde".
En espagnol, il semble.
Je ne sais dire que "poulet frites s'il vous plait" dans cette langue, voire "une bière" quand j'ai très soif.
Mais j'ai très bien compris l'insulte.
Mais je n'ai pas compris. Pas les mots, mais l'intention. Encore moins la raison.
Une si belle journée, de si belles couleurs, un instant si court de chansons des enfants.
Et cette insulte. A peine assumée, dans une autre langue.
J'aurai bien shooté dans sa canne de marche, elle aurait roulé-boulé dans la pente et c'en était fini d'elle.
Je suis restée civilisée et polie tout en poursuivant ma descente tandis qu'elle agonisait dans sa montée.
Prise dans le paysage, seule "veille chouette" m'est venue.
Trop gentil comme retour. Mais qui s'accordait avec l'environnement.
J'espère qu'elle n'est pas arrivée en haut, j'espère qu'elle s'est asphyxiée de son aigreur.


Lectures entropiques

Tofino - Vancouver Island, BC, Canada

" (...) envahie de la même nostalgie qu'on a en finissant de lire un livre, quand au nombre limité de pages s'annonce qu'il nous faudra bientôt le fermer, être quitté par le monde qu'il charrie, duquel nous sommes encore captifs mais déjà revenus qu'il faudra bientôt renoncer aux êtres et aux lieux, à leur existence fictive, c'est un deuil que de lire, me disais-je, le deuil de ce que nous fûmes en imaginaire; mais non. De cette expérience rien ne s'oublie ni ne se perd, à point nommé le souvenir en revient et s'ordonne de nouvelle manière (...)"
La source - Anne-Marie Garat

J'aime cette similitude de la thermodynamique et de la lecture, deux de mes matières préférées. Je comprends mieux ma fascination pour la thermo avec ce rapprochement explicité par Anne-Marie Garat* : les livres sont une entropie chez moi, vous dirait mon iMari, rattrapée aujourd'hui par celle de notre iFille. 
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme... y compris ce que nous lisons. J'apprends le monde aussi par la lecture, même si chaque fin de livre est un deuil et une renaissance. 
Je suis alors un Phenix à l'infini!


* pour ceux qui ne connaissent pas je recommande vivement la trilogie : Dans la main du diable, L'enfant des ténèbres et Pense à demain.