lundi 11 mai 2015

Week-end de mai, faisons ce qu'il nous plait


La Baie de Somme entre deux nuages
La baie de Somme, personne n'en a rêvé, nous y sommes allés.
Trop au Nord, trop gris, trop de pauvres, trop triste, trop Ch'ti.
Et bien c'est encore un coin sans parisien, sans hypster même dans une version Ch'nord, sans femme à serre-tête, sans famille à 5 têtes blondes impeccablement bleu marine, sans mari avec un pull sur les épaules et chevalière à l'auriculaire.
C'est encore un endroit où la splendeur est au passé, où la frite est au présent et la bien-séance au futur. J'aime cette conjugaison, elle invite à la spontanéité, à un retour aux choses simples, à la vraie vie. Moules ou crevettes ce soir? Blanc de Loire ou blanc de Mayenne? 
C'est aussi un endroit où on peut s'y prendre 4 jours à l'avance pour réserver. L"hébergement et les promenades. Tout n'est pas booké 6 mois à l'avance par le must-to-be there et le  must-to-be-seen.  
Et où il y a un poissonnier par habitant.

Nous étions logé chez Violette.
La maison au fond du jardin
Violette a 87 ans. Sa grande maison est sur la place principale, face à la Baie. Violette est retraitée, elle a été prof au siècle dernier. Et elle gère seule ses chambres d'hôtes, et la maison au fond de son  jardin. 
Elle s'occupe des réservations au téléphone, elle n'a pas de mail mais juste une page Web.
Elle s'occupe du linge de ses chambres
Elle fait elle même les croissants pour ses hôtes en se levant à 6 heures pour qu'ils soient frais.
Elle monte plusieurs fois par jour les 2 étages que compte sa maison.
Sa maison est propre, figée dans le temps. sa télé est cathodique, la pendule indique la même heure depuis longtemps et le calendrier s'est arrêté il y a plus de 10 ans.
Mais Violette a encore toute sa tête et recevoir des gens chez elle est une activité qui la tient en forme et en éveil.
Figée, dans les années 70
Violette ne m'a pas demandé mon nom quand j'ai appelé pour réserver, ni mon numéro de téléphone, ni d'envoyer un chèque d'arrhes. Elle m'a demandé de rappeler dans deux jours, car elle voulait réfléchir à un arrangement. Nous arrivions avec 4 enfants (les nôtres plus une nièce) et nous installer dans 2 chambres séparées ne lui convenait pas.
Elle nous a loué la maison au fond du jardin, mais était embêtée car on n'avait plus la vue sur la Baie "ben vous irez vous promener après tout".
La maison n'avait pas bougé depuis les années 70. Elle me rappelait mon enfance, et les meubles ont beaucoup plû aux enfants, comme quoi les modes sont vraiment cycliques (et donc affaire de mode).
Au bout de quelques minutes Violette m'appelait "mon p'tiot" et nous avait raconté une partie de sa vie tout en nous posant plein de questions sur nos enfants "oh ben, une famille avec 4 gosses, c'est pas courant". Puis elle m'a tutoyée, et le lendemain m'a fait la bise en partant.

Nous nous sommes coulés dans une ambiance Ch'nord. 
Pizza dégueu sur la plage, moules et crevettes le soir, moules frites le lendemain, et bière à toutes les étapes (Triple Sec des Moines en autres).
Nous avons marché des heures dans le parc de Marquenterre pour observer des oiseaux. 
Vous avez bien lu : observer des oiseaux. 
Avec des jumelles. Pendant plus de 2 heures de balade. J'avoue, j'ai fait semblant, presque tout le long. Pas de marcher, mais de m'intéresser aux oiseaux. Rien de ressemble plus à un oiseau qu'un autre oiseau :  le bec varie, plus ou moins long, les pattes aussi, et les couleurs. Mais il me semble que ce sont à peu près les mêmes qu'au parc Montsouris non? (ah, je fais ma parisienne!).
Les noms sont chouettes : avocette élégante, chevalier gambette, chevalier guignette, échasse blanche, aigrette gazette, ... Tous dignes d'être des personnages héroïques des histoires de "J'aime lire".
Et le lendemain, traversée de la Baie à pied. Avec un guide, utile pour cause de marée et de passage à trouver entre les marigots et les bras de mers. Qui dit guide, dit groupe. Mmmmh, joie du collectif. Avec toujours, celui qui sait tout, celui qui pose des questions très agressives, celui qui ne sait pas marcher dans la gadoue,...
Et les jeux de mots du guide - très sympa par ailleurs -, seuls les lecteurs assidus de "J'aime lire" les comprennent du premier coup et s'en délectent. Il me faut plus de 10 mn par jeu de mots pour en comprendre le sens, ce qui me fait perdre le fil de la suite et en louper autant... J'ai rapidement cessé d'écouter les explications. Trop de CPU demandée alors que j'étais en week-end. Et je n'avais pas acheté Elle Magazine (trop de poissonniers pas assez de maison de la presse).
Comprendre "l'éponge à bulots", se marrer sur "la nature est bien faite car on dit nu comm un ver et le vert à poils", ... c'est trop pour moi. 

Le retour sur l'autre rive se fait en train en vapeur. Les locomotives et les wagons viennent des 4 coins de monde. Dans notre wagon, nous avions le synoptique d'un itinéraire en Autriche avec des sommets qui culminent à plus de 4000m, pour un trajet au niveau de la mer c'est dépaysant. 
Les cheminots sont des vrais, et pas forcement des vieux : des jeunes en bleu de travail, noir de charbon jusque dans les plis sous les yeux, et qui prennent leur temps avec leur loco comme j'en ai connu avec leur mobylette quand j'avais quatorze ans (mais eux ont passé l'âge).

Nous sommes rentrés fatigués de nos marches successives, rouges de plein air, de vent et de soleil, enrichis de vocabulaire :  "un ch'tio" cacahouette avec la bière, un p'tiot de soleil entre les nuages, et tout un tas de mots techniques sur la mer et les marais (pas les oiseaux), plein de frites et de moules.

La baie de Somme donc un bon endroit où ne pas aller, pour le préserver.
Je crois que j'y retournerai un ch'tio.

Chercher les oiseaux
Avant de traversée
Là où on va
Là où on est
Là où on arrive
Retourner à son point de départ