mercredi 19 décembre 2018

Indian Creek



"Ils ne connaissaient rien à cet endroit. Ils ne savaient rien des skieurs qui faisaient demi tour une fois arrivés au col, ni des nuits à moins quarante où les étoiles sont si nettes qu'on a l'impression de pouvoir les attraper. Ils ne savaient pas qu'il y avait eu quatre pieds de neige durant des mois, que les traces de neige qu'ils voyaient dans les prairies étaient mes pistes hivernales, compactées qui résistaient au soleil. Ils verraient tout ça tel que c'était maintenant, sans savoir par quoi il avait fallu passer pour en arriver là. Cela me semblait injuste. J'avais l'impression d'avoir payé mon dû, et maintenant ces gens-là venaient profiter de ce que j'avais mérité à force d'efforts".

Indian Creek -  Pete Fromm

C'est la fin de l'hivernage, des 9 mois passés à garder des millions d'oeufs de saumon isolé par la neige de toute ville et toute vie sociale. C'est une autre histoire que celle de Sylvain Tesson dans sa cabane en Sibérie. C'est une autre écriture, moins méditative mais plus réaliste. L'homme est plus accessible, moins ténébreux, moins cynique, moins alcoolique (pas du tout en fait). 
Il parle de la vie, de la montagne, de la solitude et de la difficulté de revenir en société, il raconte son chien, ses ballades, la préoccupation d'occuper ses journées.
Il donne envie d'essayer, il est attachant.

Pete Fromm, bel homme - ce qui ne gâche rien -  a écrit d'autres livres, dont "lucy in the sky" lu cet été, dont j'ai déjà parlé. Et d'autres quand je regarde sa bio. Je cours chez mon libraire.
Hautement recommandable, sous votre sapin.

dimanche 9 décembre 2018

Ecœurement du matin

Egon Schiele - Fondation Louis Vuitton

Non, non je n'ai pas les nausées matinales de la parturiente.
C'est bien plus triste et affligeant.
Dans mon avion du matin, celui qui m'envole sur la Côte d'Azur, je me retrouve coincée entre le hublot et un couple aussi bruyant qu'envahissant. Lui grand, énorme, le verbe haut, elle la vieillesse bien conservée, très soignée, un rien vulgaire qui "ne supporte pas d'être assise au milieu, c'est maladif". Ils parlent fort, connaissent plusieurs personnes d'affilée montant dans l'avion, la bise par là, et "j'ai eu ta fille au téléphone hier soir, aussi charmante que sa mère"...  Toute la délicatesse et l'humilité des juifs du 16ème, les mêmes qu'on croise à la Fondation Louis Vuitton.
Le processus d'embarquement est sérieusement ralenti. Je comprends que ce sont des gens qui vont au même endroit, et qu'ils appartiennent au monde politique.
La Vieille dit à l'hôtesse qu'elle voudrait être à côté de "son bébé", ce qui fit glousser le Gros : le bébé est un sacré morceau. Je comprends que c'est le fils, il est presque aussi gand que le père, mais bien plus gros.
Ces yeux sont tellement enfoncés dans le gras de son visage, tellement boursouflé qu'on pourrait imaginer un choc anaphylactique, les grosses saucisses qui lui servent de doigts ont noyé ce qui lui sert d'alliance. 
Ces gens sont pénibles, j'ai oublié mes écouteurs, je me plonge dans la lecture exhaustive des Echos et systématique du Monde.
"C'est bien pour vous, vous allez avoir la rangée pour vous seule" me dit le Gros une fois que l'hôtesse leur a trouvé 3 places à côté.
"je ne sais pas si c'est bien pour moi, en tout cas ça l'est pour vous visiblement. Bon voyage" fut ma réponse, aimable, en levant à peine les yeux de mon journal.

Zut, ils sont juste derrière moi. Le Bébé entre son Pôpa et sa Môman, et j'ai droit à toute leur conversation durant la durée du vol. Ce sont des gens qui ont besoin de faire savoir qui ils sont, ils se disent leur nom entre eux, y compris leur nom de famille, et raconte leur vie.
C'est comme ça qu'ils m'ont fait savoir qu'ils étaient la descendance de Simone Veil. Le Gros était donc Pierre François Veil (le fils de Simone Veil), le Bébé : Lucas Veil marié à Nelly dont il a raconté l'agenda de son anniversaire qui occupe tout le mois - il se trouve que c'est Nelly Auteuil, la fille de Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart, et la Vieille est Barbara Rosnay.

Je suis très déçue.  Comment une femme que j'admire a pu engendrer une progéniture pareille?
Atterrée, j'aurai préféré tout ignorer de la suite de cette Dame,
Une chose est certaine, personne parmi eux ne reprendra son flambeau.
Ne pas oublier ses écouteurs peut nous éviter bien des déconvenues.


mercredi 28 novembre 2018

Encore un

Encore un fini avec mon thé du matin

Naître en1915 affublée d'une drôle de malformation qui ne se voit pas, mais qui empêche de mener une vie "normale" et sociale, c'est l'histoire de Miss Jane de Brad Watson. La chirurgie ne pourra faire quelque chose pour elle qu'à la fin de sa vie, quand elle est déjà une vieille femme, quand elle n'en a plus ni l'énergie, ni l'envie.
C'est l'histoire d'une vie, de la vie elle-même, d'ailleurs.

Encore un.
Acheté samedi, fini mercredi.
C'est grâce au collège et au lycée. Mais surtout au collège.
Le matin, je me lève, relent coupable de la "bonne mère" qui suit le petit déjeuner de sa progéniture, s'assurer qu'ils déjeunent un minimum équilibré. J'assiste à leurs départs, étalés entre 7h30 et 8h30. Je n'ai plus à sortir le(s) déposer à l'école.
Je reste immobile à ma table : je finis mon thé.
Non plus ma tasse de thé, non, ma théière, entière, pleine et chaude.
Ça prend du temps.
Que je passe avec un livre.

Encore un.
De ces écrivains américains formés à bonne école (leur creative writing), qui m'enchantent de leurs histoires savamment alambiqués et divinement écrites que je m'y crois, que je suis émue, et que parfois j'ai de l'humidité au coin des yeux.

Encore un.
Un roman écrit par un homme, que je lis avec plaisir.
Tout en m'agaçant sur Lire Magazine qui fait son show de fin d'année : les 100 livres qui ont fait 2018. Sur les 10 premiers : 3 femmes. La première est citée au bout de 6 titres, dans un petit encart au bout de 6 pages. Elles n'atteignent pas les 50% de ce qui a fait 2018.


dimanche 25 novembre 2018

Tout au Nord

A lire au coin du feu pour se sentir loin
"En attendant, je contemplais les étoiles piquées dans la nuit, froides et dures, indifférentes aux dangers que nous courions, je n'étais plus transportées par le beauté des éléments, je frémissais de leur cruauté inhumaine"
Le Grand Nord Ouest  - Anne-Marie Garat

Parcourir le Grand Nord, entre le Yukon (Canada) et l'Alaska (USA) avec l'écriture d'Anne-Marie Garat, c'est y être. 
C'est notre week end nord-américain : hier soir nous fêtions Thanksgiving chez des copains, avec des Américains. Un régal pour les papilles, une histoire moins édulcorée que celle qui nous est racontée dans les livres à propos de ce Thanksgivibg et de l'échanges de bons procédés entre Indiens et Pèlerins, avant le massacre de ces premiers. 
Passerelles à plusieurs dimensions, la fin du mythe du bon sauvage, la quête d'identité, la pugnacité, savoir où est le juste et ce qui est bon pour soi. Et les grands espaces. C'est tout ce qui a dans ce roman, avec cette écriture si soutenue, si lumineuse qu'il faut le lire au coin du feu sous peine d'avoir froid.

"C'est comme cela qu'elle a disparu de ma vue, mais pas de ma vie".

On retrouve des personnages de "La Source" son roman précédent. Je m'y suis attachée et en avançant dans l'épopée de celui-là "Le Grand Nord Ouest" j'ai bien du admettre que ces personnages avaient disparu de ma vue, mais pas de ma vie. 
En  dehors des livres, des gens ont disparu de ma vie et certains ne me manquent pas ; des personnages n'ont pas disparu de ma vie, juste de ma lecture. Tout cela est troublant, comme s'ils avaient une vie propre, là jusque à côté de moi.

"Aux fictions qu'éveillé on se fabrique taillées sur mesure pour servir de carburant à la vie moche, se donner de petits bols d'air à hauteur respirable en sachant qu'il faudra replonger en apnée ras du sol, je préfère le rêve réel même si c'est parfois un cauchemar, il convoque nos ombres et nos âmes, mon rêve ou mon voeu d'à présent a le pouvoir magique d'intervenir pour qu'au futur antérieur cela ait été. En réalité, cela aura été. Je le crois, puisque sous ma lampe je continue à écrire, même si en finir avec la mort est aussi impossible que d'en finir avec le roman".

Ainsi s'achève le roman, sans plus d'explication. 
En avons nous besoin?

samedi 17 novembre 2018

Lecture du jour

Golfe du Morbihan  - octobre 2018


Se creuser la tête 
Et finir par y enterrer toute idée

Sylvain Tesson - Aphorismes

mercredi 17 octobre 2018

Bad Feminist



"J'adopte l'étiquette de la mauvaise féministe parce que je suis un être humain (...). Je n'essaie pas d''être un exemple. Je n'essaie pas d'être parfaite. je ne suis pas en train de dire que je détiens toutes les réponses. je n'essaie pas de dire que j'ai raison. J'essaie tout simplement de dire ce en quoi je crois, d'apporter un peu de bien en ce monde...".

Roxanne Gay - Bad Feminist 

Me too. 
C'est le deuxième livre intelligente que je lis sur la féminisme. Intelligent et pragmatique comme savent le faire les Américaines, quand ils ne votent pas Trump.
Elle décrit très bien l'image des féministes telles qu'on aimerait nous le faire croire, une caricature de femme "qui ne se rase pas" aigrie qui déteste le sexe et les hommes". Trop facile.

"J'essaie de faire en sorte que mon féminisme soit simple. Je sais que le féminisme est compliqué, qu'il évolue et qu'il n'est pas parfait. Je sais qu'il ne résoudra pas tout. Je crois en l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je crois en la liberté de procréer pour les femmes, en un accès abordable et sans entraves au soins médicaux qui leur sont nécessaires. je crois qu'a travail égal es femmes doivent toucher les mêmes salaires que les hommes. Le féminisme est un choix, et lorsqu'une femme ne désire pas l'embrasser, c'est légitime mais j'ai tout de même la responsabilité de  battre pour les droits de cette femme. Je crois que le féminisme repose sur une routine au doit des femmes, même si ce sont des choix que nous en ferions pas".

Roxanne Gay - Bad Feminist 

Il s'agit juste de l'introduction du livre.
C'est un recueil de texte, écrit à différentes périodes, sur différents sujets, mais tous donnent le point de vue "féministe", une point de vue de ce qui est égalité ou ne l'est pas. Pas en terme strictement es mêmes : les hommes et les femmes sont différents, mais sur la question d'avoir les mêmes choix, les mêmes possibilités, et un traitement qui permette de s'y retrouver.

Ce qui se passe sur la reforme des retraites est un exemple assez emblématique  : une reforme pensée par un homme et son équipe, qui consultent les syndicats (comptez les femmes parmi toutes ces têtes de pont). Une reforme qui risque de pénaliser toutes les femmes qui ont eu des enfants, qui ont pris un congés de maternité ou parental, qui ont choisi le temps partiel ; soit beaucoup d'entre nous. C'est un choix qui s'est fait au sein du foyer, à un moment précis de la vie, en prenant en compte différents paramètres dont la situation économique immédiate du foyer (et pas prospective, ni  individuelle). Et même si les hommes ont tout aussi droit au temps partiel, combien sont-ils à le prendre?
Et au moment de la retraite, surtout si elle est à points en fonction de ce qu'on a cotisé, qui est l'unique comptable de ce choix du foyer?
L'entière responsabilité de ce choix du temps partiel par exemple, c'est à dire la responsabilité des impacts à long terme de son choix, porte sur la femme. Pas le foyer, pas l'homme, ou celle (si le conjoint est une femme qui ne s'est ps arrêté). La femme.



lundi 15 octobre 2018

A l'écoute

Tallin - Estonie

"Ce qu’il faut penser, ce qu’il ne faut pas penser ; ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire ; qui détester, qui admirer ; les causes à embrasser, le moment de s’en émanciper ; ce qui fait jouir, ce qui fait mourir, ce qui est digne d’éloges, ce qui ne mérite pas qu’on s’y arrête, ce qui est nuisible, ce qui est de la merde, comment garde l’âme pure. 
A croire que me parler ne pose de problème à personne Peut-être est-ce la conséquence du fait que depuis des années, mon expression suggère que j’ai besoin qu’on me parle. Qu’elle qu’en soit la raison, le livre de ma vie est un livre à plusieurs voix. Lorsque je me demande comment je suis arrivé où je suis, la réponse me surprend « en écoutant »."

Philip Roth – J’ai épousé un épousé un communiste

Il a fallu qu'il soit mort pour que je lise jusqu'au bout un livre de lui. Si j'aime son écriture, je n'aime pas ses histoires. Je ne les détestent pas non plus, elles me laissent je crois indifférente, c'en est une comme une autre. En son temps, je n'avais pas dépassée les trente premières pages de "La tâche".

Me parler ne pose aucun problème à personne, non plus. Plus jeune, je me suis retrouvée dépositaire de confidences que je n'avais jamais demandées. Des choses drôles, d'autres moins, parfois intimes, d'autres fois la narration faisait office d'introspection. 
Quelques soirées gâchées avec ça, je me revois coincée entre le mur et la table avec mon verre vide à la main, à écouter un monologue que je n'osais interrompre.
Des amitiés distendues après une série de confidences vite regrettées. Comment affrontée celle qui sait? C'est comme un miroir de ce qui a été dit une fois et qui ne peut être retiré.

En vieillissant, j'ai appris à esquiver, à contourner, et à aller chercher, c'est selon.


mercredi 10 octobre 2018

Emotion préhistorique

Arthur H - Amour chien fou


Alors nous irons vivre libre 
Dans un pays sauvage 
Et nos armes seront 
L'amour et le courage ! 
Mon ami, n'aie pas peur 
Je saurai te défendre 
Et d'un bon coup de botte 
Sonner les serpents à sonnette 

Arthur H - Est ce que tu m'aimes (2005)

Hier soir, concert de Arthur H à la salle Pleyel. 
Salle consensuelle pour ce dandy déjanté tout sauf consensuel.
Un grand moment de musique, de spectacle, de poésie, et d'émotions préhistoriques (c'est de lui).

J'avais oublié à quel point il dit des choses, plein de choses, poétiques, décalées et inspirantes.
Les mots qui se juxtaposent dans ces chansons n'avaient aucune chance de se retrouver à côté, même pas dans le dictionnaire.
Même choses pour les sons, moi qui ne suis pas musicienne, je me suis laissée enveloppée, emportée, résonnée (c'est un néologisme, ne pas chercher) par sa musique.
Comme une couverture, ou plutôt un tapis volant. Pour aller ailleurs, là où on rêve, là où tout est possible, là où on assomme les serpents à sonnettes d'un coup de bottes.
Cet homme est habité, j'aimerai avoir la moitié de son ancrage pour me déporter d'autant.

dimanche 23 septembre 2018

C'est dans l'air

Art du temps soviétique - Tallin

Cet été (qui est bien fini, soyez en sûrs), plusieurs jours de suite je n'ai pu utiliser mon scooter. Il est CRIT'AIR 4. Il a 15 ans, c'est un 2 temps ou 4 temps, je ne sais plus ; bref un vieux moteur, qui fonctionne avec un mélange d'huile et d'essence. Oui je mets de l'huile dans mon scooter, comme dans nos mobylettes quand on avait 14 ans sur nos 103 (SP ou pas).

Les CRIT'AIR 5 sont interdits depuis le 1er janvier, alors les jours de pollution, finie la circulation alternée, ce sont les CRIT'AIR 4 qui sont empêcher de rouler.
Je râle, je peste et je prends les transports. Je n'ai jamais autant circulé en le métro que ce mois de juillet à Paris.
Ce qui m'a le plus étonnée, ce sont les réactions que j'ai eu autour de moi. 
Pas une fois, mais plusieurs fois, de façon systématique en fait quand je disais que j'étais en transport en commun :

- tu n'as pas ton scooter?
- non il est CRIT'AIR 4, interdit les jours de pollutions
- tu sais, il n'y a pas tant de contrôle que ça, les flics ne peuvent pas être partout.
- oui je sais
- et puis une amende tu peux la payer, le montant n'est pas si élevé
- oui, mais ça ne change rien au problème de pollution
- ... c'est vrai (dans le meilleur des cas)

A chaque fois, le même échange. 
Avant de prendre le métro, j'avais mené le même raisonnement.
Je n'ai pas peur de me faire arrêter par la Police (je le suis régulièrement pour le contrôle du permis et de  l'assurance), payer une amende ne me mettra pas dans le rouge.
Rien de tout cela n'arrangera la question de l'air à Paris.
Et tous ces gens sont d'accord avec le fait que Paris est pollué (il n'y a pas assez d'arbres), que l'air est irrespirable (il y a trop de voitures). 
Et pourtant les jours de pollutions chacun y va de sa solution pour que je puisse prendre mon scooter.

Transgresser n'est pas la question. Prendre sa part de responsabilité l'est bien plus.
Prendre ma part m'a demandé un effort, m'a pris plus de temps et le pire est que j'ai eu à me justifier.
J'en suis satisfaite et de me dire que plein d'autres comme moi, on pris le métro, on réfléchit au delà de ce que ça nous demandait, au delà de ce que cela impliquait individuellement, et sans mettre comme condition à son action que les autres fassent pareil.  
Un petit pas, la part du colibri, be the change you want to be (pour en citer d'autres).

Entre temps, mon moteur fait un drôle de bruit, et je sais par quel modèle je vais le remplacer.
Mais j'y suis attachée à mon scooter CRIT'AIR 4, il a suivi mes tribulations toutes ces années, il a été un fidèle compagnon sous la pluie, le froid et même la neige. Je n'arrive pas à m'en séparer comme ça.
En attendant, je prends le métro.



mercredi 19 septembre 2018

Regarder passer l'été : c'est presque fini

quand c'est encore l'été (sur la Baltique)
L'été est presque fini.
Je le sais quand je ramasse devant chez moi des marrons, lisses et luisants, tout juste sortis de leur coque. Passer sous le marronnier devient un jeu dangereux : les coques tombent à l'improviste, se fracassent sur le sol en éclatant, relâchant le marron tel un Jake out of the box.
Je le sais parce que la lumière devient rasante, belle mais rasante et à 21h il fait nuit quand on finit de dîner dehors.
Je le sais parce que j'ai froid quand je pars le matin.
Je le sais car l'odeur de l'air est différente.
Je le sais car les couleurs ont changé.

J'aimerai parfois me lancer dans un périple comme Cédric Gras dans l'hiver aux trousses qui marche du Nord au Sud au fin fond de la Russie pour rester à juste avant l'hiver.
Je pense à ce livre presque à chaque automne. Un jour je me lancerai dans un périple pour rester à la limite de l'été, ne voyager que dans des endroits où il fait soleil, où la nuit recule, où la chaleur nous envahit, où la lumière nous éblouit, où la langueur nous abasourdit.
Ce temps sera probablement à la fin de l'été de ma vie. Qu'il puisse durer longtemps alors.


"Les Russes ont une idée très précise de ce qu’il faut voir ou de ce qui n’a pas d’intérêt. Cette représentation des choses est fréquemment aux antipodes de celles des baroudeurs.
Le tourisme officiel s’oppose violement à l’idée du voyage, en déniant les charmes de la vie pour se concentrer sur les supposés « curiosités ». 
L’hiver aux trousses - Cédric Gras

dimanche 16 septembre 2018

Etre attentif à ce que nous allons voir au cinéma

A l'origine - @Bechdel

Et si nous passions au crible du test de Bechdel-Wallace les derniers films que nous sommes allés voir au cinéma?

Vous connaissez Alison Bechdel, je vous en ai parlé quand j'ai lu deux de ces romans graphiques : Fun Home, et C'est toi ma maman? Que je recommande à celles et ceux qui seraient passés au travers.
Liz Wallace est une amie de Alison Bechdel, je crois que c'est une actrice.

Le test est simple, le film doit répondre à 3 exigences :

  1. il doit y avoir au moins deux femmes, avec un nom 
  2. elles ont eu droit à un dialogue d'au moins 60 secondes entre elles
  3. elles parlent d'autre chose que d'un homme
La semaine dernière j'ai vu Mary Shelley, il passe le test, mais le dernier Mission Impossible est un failed et pourtant une ode à Paris, que j'ai appréciée (si si!).
Tous les Stars Wars sont à côté de la plaque, les Harry Potter le passent (sauf un!).
Et Première année, vu aujourd'hui, non plus. C'est une histoire d'amitié entre deux gars. Pas un seul personnage fille qui ait un nom. La 1ère Promo est une fille, mais ça ne rattrape pas.

Ce qui m'étonne, c'est que je ne m'étais jamais posée la question.
Jusqu'à ces derniers temps.
Et quand je regarde, je vois.

Je m'enerve sur ce bouquin qui fait le buzz de la rentrée La saga des intellectuels français en 2 tomes s'il vous plait. Ecrit par un homme bien sûr (François Dosse). Dont on vante les mérites dans Télérama, les Inrocks, Lire Magazine. 
Dans le résumé : que des hommes. Au 20ème siècle, parmi les intellectuels français que des hommes?
Au mieux, dans l'article le plus long que j'ai lu sur le sujet est cité Beauvoir,  avec Sartre. Comme si elle ne pouvait exister qu'accoler à lui.

Parmi les albums de la rentrée cité dans les Inrock, des hommes surtout. Oui Jeanne Added fait la une, mais dans les pages, peu de femmes.

Les artistes programmés en 2018/2019 à la salle d'Art Contemporain de ma ville : 2 femmes sur 10 artistes.

Je vais m'arrêter là, car si je continue je vais encore compter beaucoup (trop) d'hommes partout!

mercredi 12 septembre 2018

L'utopie de l'isolement

Laheema - Estonie

Céder à la tentation du renoncement n’est pas malin. A un certain âge, cela peut te liquider aussi surement que n'importe quelle autre maladie. Tu veux vraiment voir ta vie rétrécir avant l’heure ? 
Prends garde à l’utopie de l’isolement. 
Prends garde à l’utopie de la bicoque dans les bois, cette oasis pour se défendre contre la rage et le chagrin. 
Cette solitude inexpugnable.

J’ai épousé un épousé un communistePhilip Roth


Il aurait fallu le mettre en face de Sylvain Tesson ou de Peter Fromm (superbe article dans America sur l'Amérique Sauvage) pour avoir une discussion endiablée sur les vertues de l'isolement.


A mon échelle, je savoure la solitude, pas encore l'isolement. 
Je savoure le mercredi matin, désormais j'y suis seule à la maison. Et c'est une vraie solitude, puisque ce matin je ne travaille pas.
Je n'ai pas de compagnie : ni de mon travail, ni mes mails ; je n'ai pas mis la radio, pas de musique. Que le bruit de la vie qui m'entoure : la cour de récré de l'école au delà parc, les gens qui parlent en passant dans la rue, l'oiseau dans le jardin, un hélicoptère au loin. 
C'est être seule au milieu du monde, sans stimulation.
C'est reposant et grisant à la fois. 

De l'autre côté du mur #7 - la vie dans les bois

Laheema - Estonie

Deux jours dans une petite maison en bois, perdue dans les bois et pourtant à 100m de la mer baltique
Une petite maison deconnectée, sauf au vent dans les arbres.
C'est sauna attenant à la salle de bains. Systématiquement.
Un jour de bruine, de gris et de frais nous l'avons allumé.
Notre sauna à nous, dans notre maison dans les bois.
Art de vivre à la scandinave.
Les Estoniens sont des scandinaves, les Lettons des slaves. Tout se joue avec le sauna!

Quand nous sommes partis, la dame qui vit dans les bois, nous a dit "see you and if we will never see again, have a good life".

C'est la même dame des bois qui
  • construit une nouvelle maison en bois à côté de la sienne, 
  • a grandi avec l'URSS, dont le grand-père est mort déporté en Sibérie (every family 's got one, ie : quelqu'un mort déporté en Sibérie)
  • sait faire beaucoup de choses parce qu'au temps de l'URSS, "il n'y avait rien, mais on ne manquait pas, car on faisait tout nous mêmes : réparer sa voiture, construire sa maison, élever ses lapins, chasser dans les bois, cultiver son jardin... et on connaît toujours quelqu'un qui connait quelqu'un qui sait faire"


jeudi 30 août 2018

Regarder passer l'été #7 - ça sent la fin

terrasse qui me tend les bras - Riga août 2018

Albert Einstein écrivait déjà il y a un demi-siècle : 
« La raison la plus motivante de travailler se trouve dans le plaisir que l'on y trouve, dans le plaisir du résultat atteint, et dans la connaissance de la valeur de ce résultat pour la communauté. »

C'est vrai que je vois mal le résultat de mes vacances sur la communauté, si ce n'est que j'ai encore plus lu que d'habitude - libraires et auteurs sont contents, que je passe plus de temps sur les terrasses de café et dans les restau, et que je me fais un nombre inconsidéré de musées et d'expos.
Peut-être qu'alors il faut que j'envisage de créer mon propre boulot en me faisant financer par un consortium ministère de la culture et agroalimentaire?
Dommage Hulot n'est plus là, en réfléchissant un peu j'en aurai fait un projet idéal pour l'Ecologie (qui aurait supplanté ses déboires glyphosate et nucléaire).


dimanche 26 août 2018

Regarder passer l'été #6 - lectures féministes

lecture de voyage

Dans mes lectures de l'été : Journal d'Irlande, Carnet de pêche et d'amour de Benoite Groult.
Citée partout, tout le temps comme une femme d'avant garde "une féministe".
Elle est probablement une pionnière, elle y a réfléchi, elle a écrit dessus et elle a beaucoup de mérite à être arrivée là où elle est arrivée avec le compagnon qu'elle a eu! Un vrai boulet, un vrai patriarche.
Pas du tout une vie de "féministe" : pas de symétrie dans le couple qu'elle formait avec Paul Guimard, pas plus avec son amant qui était dans l'excès inverse (à son service). 
C'est comme ça qu'elle atteignait l'équilibre probablement : en moyennant les deux extrêmes.

J'aime beaucoup ses romans, son carnet m'a étonné en dévoilant une femme encore "soumise" par certains aspects, en tout cas pas aussi libre que ce qu'elle écrit pour et sur les femmes dans ses livres, essais et articles.
Son écriture est concise (c'est un carnet), et relevée, directe parfois abrupte.
J'ai de nouveau envie d'aller en Irlande, j'ai presque envie d'avoir une maison là-bas après avoir lu ses pages. 
J'ai besoin de plusieurs vies pour aller m'installer partout où ce que je lis me donne envie de vivre.

Elle parle d'Elisabeth Badinter (plus jeune de 24 ans) :
" Elisabeth lit sans cesse. Ne se baigne pas avec Robert. Refuse la moindre promenade et même le moindre pas ! Reste dans sa chaise longue avec le journal de Cocteau. Je l'ai vue récemment sur TF1. Elle me réjouit : ma relève est assurée, ô combien. Elle énonce des énormités, avec des yeux si clairs et son visage si pur que les gens sont pris à contrepried. Elle est le contraire d’une sorcière : ils ne se méfient pas. Elle est pire pourtant ! Quand elle sourit, soudain elle est délicieuse. Et elle vous annonce que les femmes ont maintenant appris à se passer des hommes, pour faire des enfants et même les élever et que c’est bien plus agréable que de les supporter, quand on ne les estime plus."
Journal d’Irlande – Benoite Groult

En parallèle, je lis le numero special des Inrock "Littératures féministes", et je découvre (pardon!) les féministes américaines. Notamment Nancy Fraser, qui a déplacé le sujet du  féminisme sur le terrain de la justice sociale : son obsession est de "comprendre la société en totalité, de manière structurelle" et s'intéresse alors la reconnaissance et la rétribution.
Selon Nancy Fraser " le modèle statutaire repose sur l'idée que ce qui mérite reconnaissance ce ne sont pas les identités de groupe, mais la position égale des partenaires dans l'interaction", qu'elle nomme "parité de participation".
Point de vue passionnant, que je vais creuser de ce pas, d'abord en regardant les vidéos de Nancy Fraser (youTube, j'ai enfin fait des playlist à regarder - quelle femme connectée je deviens!) et en allant de ce pas commander son livre phare traduit en français le féminisme en mouvement.

La parité de participation, un concept qui à mon avis s'applique partout : dialogue social dans l'entreprise, démocratie sociale, ou tout lieu où il doit y avoir discussion et négociation (c'est à dire participation de plusieurs parties prenantes).
Découverte de l'été!


Avant la parité de participation

Germaine Tillon devant sa bibliothèque en 1970
Petit préalable, il me semble à la parité de participation : la politique de la conversation de Germaine Tillon

"Une politique de la conversation : s’asseoir autour d’une même table, se regarder l'un, l’autre dans les yeux, adresser la parole à l'autre pluis l’écouter, être prêt à se mettre provisoirement à sa place pour mieux la comprendre. Parier donc sur notre commun humanité  plutôt que la fidélité au groupe."

Les insoumis, la partie sur Germaine Tillion - Tzetan Todorov

On y parle aussi de la fidélité au groupe, et de l'humanité. Vivre ensemble et tous singulier, tous différents. Travailler à ce qui nous rapproche, aborder nos différences comme une complémentarité, évoquer nos intentions comme des objectifs personnels qui viseraient nous grandir sans annihiler l'autre.
Je vois une infinité de liens avec ce que toutes mes activités professionnels de médiation en entreprise, d'accompagnement, de renouvellement du dialogue social...

Vive la rentrée? 

samedi 25 août 2018

De l'autre côté du mur #6 - Beurre sur toutes les tables

Beurre sur toutes les tables - Pub soviétique
Comme les soviétiques n'en étaient pas à une contradiction près, il y a des publicités pour des produits qui ne sont pas disponibles en magasin. Avec variations de couleur et nuance du message, le tout dans une grande homogénéité du visuel.
Ah, pardon, ça s'appelle de la propagande.

Tout le monde aime le fromage - Pub soviétique

















De l'autre côté du mur #5 - Tallinn


Tallinn
Tallinn est une capitale à portée de pas.
L'Estonie est un pays tout petit, à notre échelle.

Ville du moyen-âge, riche du commerce hanseatique, elle est bien entretenue, plaisante, vivante.
Envahie par les hordes qui descendent des gros bateaux de croisières. A certaines heures, elle est indigeste et insupportable.
On a en compté 8, de ces gros bateaux ce jour là, qui stationnaient dans la baie.
Pour 6000 passagers à chaque fois, c'est 50 000 personnes qui se déversent dans la petite capitale.
Noyés dans des flots d'italiens, puis bousculés par des chinois et heurtés par des allemands, on a cru devenir dingues, impolis presque violents. Submergés et dégoûtés du tourisme de masse, auquel nous appartenons aussi à ce moment là.

Nous avons refait notre balade le soir, la ville nous appartenait à ce moment là, reconciliation immediate avec la beauté des lieux, l'esprit slave et le côté suranné des rues. A user de nouveau nos semelles et nous tordre les chevilles sur les pavés médiévaux.
On a évité le musée de l'occupation er la visite de l'ancien site du KGB (vus déjà à Riga), mais épuisé chaque facade de Guildes, chaque histoire de bâtiment, goûté au Marzipan et bu la bière de la micro brasserie.

Dans la ville de la gastronomie slave et du renouveau culinaire estonien, on s'est fait trois soirées de junk food, coincés entre le manque d'envie de chercher un restaurant, la lassitude de préparer le repas et l'envie de donner une leçon aux iTeenagers qui ont fini par réclamer des légumes!

Bouée (Buoy) sur le lac qui fait frontière avec la Russie
Superbe musée maritime : qui eu cru que je dirai ça un jour! Moi qui n'ai pas le pied marin et qui ai mal au coeur dès que ça tangue? Lennusadam Seaplane harbour. Dans d'anciens hangars pour hydravions.
Une mise en scène étonnante à la fois thématique et historique de ce qui touche à la baie de Tallinn, à l'histoire maritime et à la guerre. Fascination de mes iGars pour les armes, ils ne sont pas les seuls, tous les hommes en visite aussi. Toutes sortes d'engins de guerre  - du tank au missile sol-air ou sol-mer - étaient présentés, installés et pouvaient étre manipulés.
Mais aussi des ice-boats, et des brise-glaces... et un peu d'histoire d'occupation aussi. C'est toute leur histoire du siècle passée.

"Lait pour tous"  - Pub soviétique



Puis enfin le Kumu : le musée d'art moderne à l'autre bout de la ville.
Après le palais de la Grande Catherine, il faut passer le palais présidentiel - pas de gardes, peu de voitures, absence totale de tralala - on découvre ce bâtiment moderne, comparé dnas les guides à notre Beaubourg Parisien.
Une expo contemporaine sur le thème Archéologie de l'écran, inintéressant, le sens nous a échappé.
En revanche, tout un étage fascinant sur l'art sous l'occupation soviétique. Comment créer, s'exprimer, produire en restant libre sous la censure?
Rien à voir avec ce que font les artistes chinois (qui sont eux pour le coup perdus pour la cause artistique), un vrai sens caché par moment il me semble.





vendredi 17 août 2018

Regarder passer l'été #5 - Little america

A lire sans modération

L'été c'est aussi lire.
Encore plus que d'habitude.
Prendre plaisir (comme d'habitude) à aller chez le libraire
Faire un choix sélectif (encore plus que d'habitude)
A emporter dans la valise
En livres de poche, épais et si possible passionnants.

Little America de Henry Bromell.
Je l'ai fini très (trop) vite.
Addictif, impliquant et immersif.
C'est entre le roman d'espionnage et la quête autobiographique.
Ça ressemble à un John Le Carré qui se serait confié,
C'est une enquête recursive, le fils qui espionne le père espion.
C'est une quête celle d'un homme qui recherche l'enfant qu'il a été.
C'est une histoire de famille dans la guerre froide
Qui espionne qui,
C'est une histoire de loyauté, perdue, retrouvée, toujours éprouvée
C'est l'histoire d'une vie qui rencontre l'histoire, sans savoir qui a la majuscule Vie ou Histoire?

D'une phrase à l'autre on change de lieux, d'époques et de points de vue.
Henry Bromell revisite le Bien à l'Américaine
Doute de ce qui est Bon pour le Monde
Quand les Américains faisaient l'Histoire
Surtout par peur du communisme, qu'ils voyaient partout.

Henri Bromell a peu de livres son actif : quatre titres
Et seuls deux sont traduits en français.
Il est cependant le scénariste de Homeland
On ne lira plus rien de lui, il est mort en 2013.



jeudi 9 août 2018

De l'autre côté du mur #4

Ile de Saarema - Estonie
De l'autre côté du mur, on remplit notre frigo avec des baies : des grosses myrtilles, des petites myrtilles (qui n'ont pas le même nom), des framboises et des harengs.
De l'autre côté du mur, les plages sont vides, le sable est fin, la mer est plate et chaude.
De l'autre côté du mur, on peut manger à toute heure dans les cafés et les restaurants, et faire ses courses qu'à 22h
De l'autre côté du mur, le pain est noir, avec un léger goût de réglisse, les cornichons sont doux presque salés,
De l'autre côté du mur, on conduit avec les feux même le jour.
De l'autre côté du mur, on ne sait pas lire, on ne peut rien deviner à ce qui est écrit.
De l'autre côté du mur, tout est traduit en russe, partout, tout le temps.
De l'autre côté du mur, il y a aussi des moustiques.

Regarder passer l'été #4

Valgaudemar
Après le camping, il y a une autre expérience pour aller plus loin.
Pour mes ami(e)s parisien(ne)s.
Plus loin que les douches communes.
Plus loin que les WC collectifs avec cloisons de séparation.
Plus loin que les voisins que tu croises au saut du lit, avant ton café.

Il y a le refuge.
Le refuge : table collective, plat à partager, je passe sur WC et douches collectives ....et DORTOIRS!
  • dortoir : nom masculin, grande salle où l'on couche, garnie de plusieurs lits et qui se trouve dans les communautés religieuses, les maisons d'éducation ou dans certains hospices
    • par analogie : regroupement d'animaux qui dorment ensemble
Mais ne vous inquiétez pas, l'expérience est graduelle. On ne passe pas dire directement de "j'arrive tranquille de ma petite montée avec mon sac à dos" au " je dors à côté d'inconnus qui ronflent et puent des pieds".

Quand tu arrives au refuge, soufflant, suant, rouge et pas au meilleur de ton parfum, on ne te donne pas un numéro mais un casier. Le sac à dos reste au vestiaire, tu as un petit panier pour mettre les affaires que tu veux monter au DORTOIR. Si tu as oublié tes tatanes, il y en a disposition pour circuler dans le refuge et sur la terrasse (pas dans l'herbe, pour éviter d'introduire des punaises de lit...). Ah le concept des punaises de lit...toute une histoire (pour une autre fois!).
J'insiste : des tatanes collectives, multi-utilisateurs, enfilées par des marcheurs avant la douche...
Nous, on avait les nôtres.

La douche : à jeton, tu mets ton jeton et l'eau coule pendant 5 minutes. Tu ne règles ni la température ni le démarrage. C'est le seul endroit où il ya de l'eau chaude. 
Sinon, c'est eau froide. Faisable aussi, ça réveille, ça revigore, ça conserve, ça raffermit les chairs.
Je suis trop veille pour ça. J'ai déjà pris mon quota de douches froides sous un pommeau ou dans un lac de montagne.
L'après midi sur la terrasse te permet de jauger les gens avec qui tu vas devoir te mettre à table, passer la soirée, et peut-être aussi ta nuit. Tu évites le gars qui fait du trail et qui t'explique dans le détail ce qu'il a dans son sac (13kg plus 2 litres d'eau) et te raconte minute par minute son ascension et ce qu'il mangé ; le groupe de 4 gars qui en sont à la ... quatrième (?) bières ; le trio du mec qui parle tout le temps avec la nana aux dents de cheval qui glousse et le 3ème larron chauve, gros et asthmatique... Bref, moi j'évite tout le monde. 
Ca tombe bien, nous sommes un groupe de 7, à table on occupe TOUTE la table. 
Le hic c'est le dortoir.

L'avantage du refuge "de luxe" et gentiment bobo c'est que le repas est bon, presque bio, avec des produits locaux. Ils font eux-mêmes le truc qu'ils te servent à l'apéro... 
La soirée traîne en regardant le soleil se coucher sur les montagnes, le mec qui parle beaucoup prend une guitare et chante bien - au moins pendant ce temps il ne parle pas. A 22h, il s'arrête de chanter, pour ne pas réveiller ceux qui veulent dormir parce qu'ils se lèvent tôt pour faire une grande randonnée. 
L'autre avantage du refuge de luxe, c'est que les vrais alpinistes, ceux qui se lèvent tôt pour faire une (vraie) ascension (et qui puent des pieds) n'y viennent pas.
A 22h, nous aussi on se dit qu'il faut rejoindre notre dortoir, parce que nos compagnons de dortoir ont peut-être envie de dormir.  
Le troisième avantage du refuge de luxe, c'est que ce sont des petits dortoirs, le nôtre est de neuf lits :  nous avons donc un couple avec nous. Qui lit à la lampe de poche quand on arrive. Un couple qu'on a croisé tout l'après midi dans la montée, doublé, redoublé, dépassé, redépassé dans un sens et dans un autre. Lui barbu qui monte vite, presque en courant, avec ses batons; et qui s'arrêtent de temps en temps, fait tremper se pieds dans le ruisseau en attendant elle, qui met péniblement un pied devant 'autre, soufflant commune baleine, toute seule tout le temps. remake du lièvre et la tortue. Nous sommes la tortue dans l'affaire, arrivés bien avant eux.On s'est même demandé longtemps si c'était un couple. Des frère et soeur? Angus et Julia Stone de la montagne?

A notre entrée dans le dortoir, elle a chuchoté à son gars "on devrait leur dire qu'ils peuvent allumer la grande lumière?". On n'a pas entendu sa réponse à lui, mais on s'est déshabillé dans le noir, ce qui est finalement pratique. 
Ils n'ont pas ronflé, ils ne puaient pas de pieds. 
Nous, on en a un qui gémit quand il s'endort, un autre qui lui crie dessus parce qu'il fait trop de bruit, et une troisième qui parle dans son sommeil. 
Au petit matin, ce qu'on pense être un couple s'est réveillé en silence, habillé en silence et en moins de temps qu'il en faut pour nous réveiller ils avaient plié leurs affaires et étaient descendus déjeuner. 

Finalement la nuisance du dortoir, ce devait être nous.

refuge de Vallonpierre



mardi 7 août 2018

De l'autre côté du Mur#3

Parc de Sooma

Bog pool - for swimming
Aujourd'hui, baignade dans les tourbières.
L'eau est noire, le fond n'est pas visible.
Pas d'algues, pas de d'organismes vivants
La peau a une couleur jaunâtre pendant la nage
Pas pied, et on n'ose pas aller toucher le fond.

Boardwalk for walking
On se baigne tout nu, évidemment
On n'a prévu ni maillots de bain, ni serviette
Personne aux allant-tours, ni vus ni connus
Un rayon de soleil nous sèche ensuite.

La peau toute douce avec le pH légèrement acide
Revigorant, et troublant de se tremper là.



lundi 6 août 2018

De l'autre côté du Mur #2

En allant vers la Baltique, vue d'Estonie
Parnu

La mer baltique est noire!


Sombre
Et plane.

















Parnu



Charmante dans le soleil couchant
Elle cherche à attirer le chaland
Avec ses bancs à disposition 
Histoire de s'assoir
Regarder et profiter.




La Baltique - côté Lettonie

De l'autre côté du mur #1

Café à Riga

Pays baltes.
"Pourquoi cette destination?" nous a-t-on demandé maintes fois?
Parce qu'on ne connait pas.
Parce que je ne sais rien de ces pays, je les melange allègrement.
Je n'ai aucune image ni de villes, ni de paysages, ni d'éléments de culture. 
Aucun imaginaire associé, juste quelques stéréotypes de maffieux russes.

On commence par Riga, capitale de la Lettonie.
Moins de 3 heures de vol. Mais de l'autre côté du mur.
Je suis née avec la RDA, j'ai connu les CCCP sur le dos des gymnastes aux JO,  j'ai appris les pays satellites, et si je n'étais pas née au Printemps de Prague j'ai été  fascinée par Vaclav Havel ce poète qui a détricoté la Tchécoslovaquie dans le calme.

De l'autre côté du Mur, aujourd'hui, ça ressemble à chez nous. On y paie en euros, notre carte bancaire marche partout, y compris sans contact.
Et le voyage commence sous de bons auspices "ma valise sort en premier!" crie notre dernier près du tapis bagage à l'aéroport!.

Notre hôtel est au fond d'une cour, sur les 4 derniers étages d'un immeuble qui en compte 7. L'ascenseur ne monte que jusqu'au 5ème, le reste se fait pied. Hauteur sous plafond toute soviétique, croire qu'ils ne payaient pas le chauffage. L'hôtel est censé être Art nouveau. C'est un mélange entre soviétique et Art Nouveau : des couloirs interminables, des grands espaces collectifs inutilisés (voire inutiles?).
Notre chambre (catégorie Luxe) est très chouette : grande, dotée d'un jaccuzzi, avec un balcon et une belle vue sur la ligne des clochers et autres toits de la ville.






On déjeune à l'abri la pluie sur une terrasse de restaurant. Service nonchalant et efficace (est-ce possible?), mais surtout repas excellent et si peu cher! Filets de harengs, soupe de poisson, dessert copieux et cuisinés. L'endroit est chouette, la clientèle aisée entre banchée et installée, le moment agréable.
Longue promenade dans la ville, sans grande stratégie touristique. des terrasses de cafés accueillantes fleuries, cosy, arty, bondées, bruyantes... autant de choix selon nos humeurs, nous tendent les bras à chaque coin de rue.
La rue Art Nouveau à la hauteur de sa réputation : les façades se suivent et ne se ressemblent pas.
On croise nos stéréotypes  : des hommes patibulaires, âgés, baraqués, certains tatoués, accompagnés de jeunes femmes, blondes aux ongles roses dans d'énormes SUV noirs... On coche la case "maffieux russes". 
Deux langues se côtoient à nos oreilles : des sons qu'on ne reconnait pas, le letton, et le russe, plus familier.


Le petit-déj de notre hotel est excellent et pléthorique : des harengs marinés aux pancakes à la mode lettone (probablement cuits dans du saindoux), en passant par toutes les variantes de charcuterie, de fromages aigre-doux et de pickles.

Le 2ème jour est une visite systématique de la vielle ville et de ses façades moyenâgeuses, et de TOUTES les églises. Visiter les églises un dimanche matin a l'avantage de les voir remplies de leurs pratiquants. L'église orthodoxe est la plus stricte: j'emprunte la casquette d'un de mes fils pour me couvrir la tete et mon iFille en short reste dehors. En plein office, les gens sont debout en rond, beaucoup de femmes, jeunes et des enfants. Ils se signent trois fois en sortant. Tout ceci reflète une grande ferveur, avec moins de formalisme que dans nos cérémonies catholiques;

Puis les musées du jour : l'ancien ghetto juif et la déportation, le musée de l'occupation, et le lendemain le bâtiment de l'ancien KGB. Un voyage très gai et léger.
Un vrai travail de mémoire et d'histoire a été fait, rassembler les informations, collectés les détails de vie, les noms, les dates, les lieux. Aucune mise en scène pour en faire un musée. 
Ce pays n'a connu au 20eme siècle que l'occupation soit nazi soit russe. Choisir entre la peste et le choléra. A peine indépendant au debut du 20eme de l'Allemagne elle se retrouve sous le joug des bolcheviques, puis "libéré" par les Nazis en 1941 et à la libération de nouveau sous la coupe de l'URSS jusqu'en 1991.
Plusieurs générations qui ne savent pas à quels saints se vouer... Qui croire? Que penser? Surtout quand on est coupé du monde.

Entre les deux, pour supporter le lot des atrocités : pique nique au marché couvert, où on achète en désignant du doigt, nous sommes incapable de lire ou deviner le letton. Des zakouskis à la pomme de terre (très légers!), aux épinards, aux lard, de la choucroute froide, des carottes en saumure et des gros cornichons aigre doux. On trouve du "hamp butter", gouté hier au restau - un régal -  et du pain dense avec des graines de chanvre, tout aussi délicieux.
Pause dans la thea house d'un parc et bière dans un café branché. N'oublions pas que ce sont les vacances.

Le ciel éclate le soir. Eclairs et tonnerre, déchainement des éléments, rides de pluie que nous regardons depuis notre balcon, avec delectation.