dimanche 23 septembre 2018

C'est dans l'air

Art du temps soviétique - Tallin

Cet été (qui est bien fini, soyez en sûrs), plusieurs jours de suite je n'ai pu utiliser mon scooter. Il est CRIT'AIR 4. Il a 15 ans, c'est un 2 temps ou 4 temps, je ne sais plus ; bref un vieux moteur, qui fonctionne avec un mélange d'huile et d'essence. Oui je mets de l'huile dans mon scooter, comme dans nos mobylettes quand on avait 14 ans sur nos 103 (SP ou pas).

Les CRIT'AIR 5 sont interdits depuis le 1er janvier, alors les jours de pollution, finie la circulation alternée, ce sont les CRIT'AIR 4 qui sont empêcher de rouler.
Je râle, je peste et je prends les transports. Je n'ai jamais autant circulé en le métro que ce mois de juillet à Paris.
Ce qui m'a le plus étonnée, ce sont les réactions que j'ai eu autour de moi. 
Pas une fois, mais plusieurs fois, de façon systématique en fait quand je disais que j'étais en transport en commun :

- tu n'as pas ton scooter?
- non il est CRIT'AIR 4, interdit les jours de pollutions
- tu sais, il n'y a pas tant de contrôle que ça, les flics ne peuvent pas être partout.
- oui je sais
- et puis une amende tu peux la payer, le montant n'est pas si élevé
- oui, mais ça ne change rien au problème de pollution
- ... c'est vrai (dans le meilleur des cas)

A chaque fois, le même échange. 
Avant de prendre le métro, j'avais mené le même raisonnement.
Je n'ai pas peur de me faire arrêter par la Police (je le suis régulièrement pour le contrôle du permis et de  l'assurance), payer une amende ne me mettra pas dans le rouge.
Rien de tout cela n'arrangera la question de l'air à Paris.
Et tous ces gens sont d'accord avec le fait que Paris est pollué (il n'y a pas assez d'arbres), que l'air est irrespirable (il y a trop de voitures). 
Et pourtant les jours de pollutions chacun y va de sa solution pour que je puisse prendre mon scooter.

Transgresser n'est pas la question. Prendre sa part de responsabilité l'est bien plus.
Prendre ma part m'a demandé un effort, m'a pris plus de temps et le pire est que j'ai eu à me justifier.
J'en suis satisfaite et de me dire que plein d'autres comme moi, on pris le métro, on réfléchit au delà de ce que ça nous demandait, au delà de ce que cela impliquait individuellement, et sans mettre comme condition à son action que les autres fassent pareil.  
Un petit pas, la part du colibri, be the change you want to be (pour en citer d'autres).

Entre temps, mon moteur fait un drôle de bruit, et je sais par quel modèle je vais le remplacer.
Mais j'y suis attachée à mon scooter CRIT'AIR 4, il a suivi mes tribulations toutes ces années, il a été un fidèle compagnon sous la pluie, le froid et même la neige. Je n'arrive pas à m'en séparer comme ça.
En attendant, je prends le métro.



mercredi 19 septembre 2018

Regarder passer l'été : c'est presque fini

quand c'est encore l'été (sur la Baltique)
L'été est presque fini.
Je le sais quand je ramasse devant chez moi des marrons, lisses et luisants, tout juste sortis de leur coque. Passer sous le marronnier devient un jeu dangereux : les coques tombent à l'improviste, se fracassent sur le sol en éclatant, relâchant le marron tel un Jake out of the box.
Je le sais parce que la lumière devient rasante, belle mais rasante et à 21h il fait nuit quand on finit de dîner dehors.
Je le sais parce que j'ai froid quand je pars le matin.
Je le sais car l'odeur de l'air est différente.
Je le sais car les couleurs ont changé.

J'aimerai parfois me lancer dans un périple comme Cédric Gras dans l'hiver aux trousses qui marche du Nord au Sud au fin fond de la Russie pour rester à juste avant l'hiver.
Je pense à ce livre presque à chaque automne. Un jour je me lancerai dans un périple pour rester à la limite de l'été, ne voyager que dans des endroits où il fait soleil, où la nuit recule, où la chaleur nous envahit, où la lumière nous éblouit, où la langueur nous abasourdit.
Ce temps sera probablement à la fin de l'été de ma vie. Qu'il puisse durer longtemps alors.


"Les Russes ont une idée très précise de ce qu’il faut voir ou de ce qui n’a pas d’intérêt. Cette représentation des choses est fréquemment aux antipodes de celles des baroudeurs.
Le tourisme officiel s’oppose violement à l’idée du voyage, en déniant les charmes de la vie pour se concentrer sur les supposés « curiosités ». 
L’hiver aux trousses - Cédric Gras

dimanche 16 septembre 2018

Etre attentif à ce que nous allons voir au cinéma

A l'origine - @Bechdel

Et si nous passions au crible du test de Bechdel-Wallace les derniers films que nous sommes allés voir au cinéma?

Vous connaissez Alison Bechdel, je vous en ai parlé quand j'ai lu deux de ces romans graphiques : Fun Home, et C'est toi ma maman? Que je recommande à celles et ceux qui seraient passés au travers.
Liz Wallace est une amie de Alison Bechdel, je crois que c'est une actrice.

Le test est simple, le film doit répondre à 3 exigences :

  1. il doit y avoir au moins deux femmes, avec un nom 
  2. elles ont eu droit à un dialogue d'au moins 60 secondes entre elles
  3. elles parlent d'autre chose que d'un homme
La semaine dernière j'ai vu Mary Shelley, il passe le test, mais le dernier Mission Impossible est un failed et pourtant une ode à Paris, que j'ai appréciée (si si!).
Tous les Stars Wars sont à côté de la plaque, les Harry Potter le passent (sauf un!).
Et Première année, vu aujourd'hui, non plus. C'est une histoire d'amitié entre deux gars. Pas un seul personnage fille qui ait un nom. La 1ère Promo est une fille, mais ça ne rattrape pas.

Ce qui m'étonne, c'est que je ne m'étais jamais posée la question.
Jusqu'à ces derniers temps.
Et quand je regarde, je vois.

Je m'enerve sur ce bouquin qui fait le buzz de la rentrée La saga des intellectuels français en 2 tomes s'il vous plait. Ecrit par un homme bien sûr (François Dosse). Dont on vante les mérites dans Télérama, les Inrocks, Lire Magazine. 
Dans le résumé : que des hommes. Au 20ème siècle, parmi les intellectuels français que des hommes?
Au mieux, dans l'article le plus long que j'ai lu sur le sujet est cité Beauvoir,  avec Sartre. Comme si elle ne pouvait exister qu'accoler à lui.

Parmi les albums de la rentrée cité dans les Inrock, des hommes surtout. Oui Jeanne Added fait la une, mais dans les pages, peu de femmes.

Les artistes programmés en 2018/2019 à la salle d'Art Contemporain de ma ville : 2 femmes sur 10 artistes.

Je vais m'arrêter là, car si je continue je vais encore compter beaucoup (trop) d'hommes partout!

mercredi 12 septembre 2018

L'utopie de l'isolement

Laheema - Estonie

Céder à la tentation du renoncement n’est pas malin. A un certain âge, cela peut te liquider aussi surement que n'importe quelle autre maladie. Tu veux vraiment voir ta vie rétrécir avant l’heure ? 
Prends garde à l’utopie de l’isolement. 
Prends garde à l’utopie de la bicoque dans les bois, cette oasis pour se défendre contre la rage et le chagrin. 
Cette solitude inexpugnable.

J’ai épousé un épousé un communistePhilip Roth


Il aurait fallu le mettre en face de Sylvain Tesson ou de Peter Fromm (superbe article dans America sur l'Amérique Sauvage) pour avoir une discussion endiablée sur les vertues de l'isolement.


A mon échelle, je savoure la solitude, pas encore l'isolement. 
Je savoure le mercredi matin, désormais j'y suis seule à la maison. Et c'est une vraie solitude, puisque ce matin je ne travaille pas.
Je n'ai pas de compagnie : ni de mon travail, ni mes mails ; je n'ai pas mis la radio, pas de musique. Que le bruit de la vie qui m'entoure : la cour de récré de l'école au delà parc, les gens qui parlent en passant dans la rue, l'oiseau dans le jardin, un hélicoptère au loin. 
C'est être seule au milieu du monde, sans stimulation.
C'est reposant et grisant à la fois. 

De l'autre côté du mur #7 - la vie dans les bois

Laheema - Estonie

Deux jours dans une petite maison en bois, perdue dans les bois et pourtant à 100m de la mer baltique
Une petite maison deconnectée, sauf au vent dans les arbres.
C'est sauna attenant à la salle de bains. Systématiquement.
Un jour de bruine, de gris et de frais nous l'avons allumé.
Notre sauna à nous, dans notre maison dans les bois.
Art de vivre à la scandinave.
Les Estoniens sont des scandinaves, les Lettons des slaves. Tout se joue avec le sauna!

Quand nous sommes partis, la dame qui vit dans les bois, nous a dit "see you and if we will never see again, have a good life".

C'est la même dame des bois qui
  • construit une nouvelle maison en bois à côté de la sienne, 
  • a grandi avec l'URSS, dont le grand-père est mort déporté en Sibérie (every family 's got one, ie : quelqu'un mort déporté en Sibérie)
  • sait faire beaucoup de choses parce qu'au temps de l'URSS, "il n'y avait rien, mais on ne manquait pas, car on faisait tout nous mêmes : réparer sa voiture, construire sa maison, élever ses lapins, chasser dans les bois, cultiver son jardin... et on connaît toujours quelqu'un qui connait quelqu'un qui sait faire"