jeudi 1 juin 2017

Dormir aux côtés de Raymond

un peu plus vieux encore
La navette pour Nice décolle tôt, du moins la première. Il faut être à 6h à Orly.Je déjeune sur place pour grappiller quelques minutes de sommeil dans mon lit. Inutile de préciser que je monte dans l'avion et que je m'y endors souvent avant le décollage.
La semaine dernière, même scénario. Au détail près que l'enregistrement automatique m'avait collée sur le siège B, celui du milieu.
A gauche un monsieur, à droite un vieux monsieur. Pas un business man. Un vieux monsieur, un peu rondouillet sans plus, des vêtements confortables gentiment froissés, gaiement défraîchis, se moquant de la mode. Un monsieur avec des gestes ralentis, un regard doux et des taches de vieillesse sur les mains.
Un monsieur qui occupe tout l'accoudoir, comme le business man de droite qui lui relit ses slides (de la sécurité informatique des réseaux, ça fait rêver de bon matin)
Je me suis donc endormie, recroquevillée sur mon siège du milieu, sans aucun accoudoir et en rentrant les épaules parce que le monsieur de droite prenait un peu plus que l'accoudoir.
J'ai dormi tout le vol, et je me suis réveillée mon genou contre celui du monsieur de droite. 
Je l'ai trouvé un peu gonflé, après les accoudoirs, de poser sa jambe contre la mienne. Je me suis encore plus repliée, croisant les jambes, me sentant vaguement envahie, mais avec bienveillance.
Il a récupéré ses affaires calmement sans lenteur inefficace, avec des gestes précis qui m'ont rappelé mon fils, celui qui est toujours dernier à être prêt et qui pourtant ne lambine pas. 
J'ai pu l'observer : sa veste un peu déformée, en feutre bleu marine avec un liseré rouge, un pantalon trop large aux jambes pour entourer son ventre, un sac à dos en cuir patiné par le temps, une tête vaguement familière : celle d'un grand-père.
Evidemment je l'ai doublé sur la passerelle, moi pressée, lui ayant tout son temps.

En traversant la salle des bagages, une personne attendait avec une pancarte : "Raymond Depardon".
J'ai soudain été très émue. 
Je me suis arrêtée, retournée, et moi qui était si pressée j'ai attendu de le voir déboucher de la passerelle.
C'était lui, c'était mon voisin de droite.
La journée s'annonçait bien. 

Si j'avais su, je crois que j'aurai laissé mon genou contre le sien.





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