dimanche 10 juin 2012

Histoires de femme #1


En mars, je suis allée à une soirée par le Club IAE au féminin. Une écrivain franco-canadienne était invitée pour y parler de son livre « les 50 lois des femmes qui réussissent ».
Tout un programme.
Nous y étions une trentaine intéressées par le sujet. En tout cas attirées par « la réussite des femmes ».
Plus largement, en ce qui me concerne sans parler de réussite, je m’interroge sur la place de la femme en entreprise.
Je n’ose pas le dire trop fort.
Dès qu’on introduit le débat, on se fait taxer de féministe. On se sent immédiatement à la place d’une mégère aigrie, et à la moindre revendication l’insulte suprême semble être « mal baisée ».
Etre féministe c’est quoi ?
C’est ne plus compter sur le Prince Charmant. Y croire et l’attendre pourquoi pas, mais ne pas compter dessus pour devenir ce qu’on est.
Cela s’appelle l’autonomie.
Ce n’est pas de moi, mais comme je le trouve juste, je le reprends à mon compte. J’en ferais presque l’apologie.
Si on ne doit plus compter sur le Prince Charmant, il nous faut donc une Bonne Fée, une qui se penche sur notre berceau et nous dicte les « 50 lois pour réussir ».
Que nous a donc dit Emilie Devienne ?
Elle parle bien, est agréable à écouter, déroule son exposé, le ponctue d’anecdotes et donne des exemples concrets de son vécu. Elle a raison sur tout et rien ne semble insurmontable.

Son premier lot de lois pourrait se résumer ainsi « connais-toi toi même ».
Savoir qui on est, ce qu’on veut faire, connaître nos forces et nos faiblesses. Une analyse d’opportunité sur soi-même.

Le deuxième paquet est « assume ». A l’américaine.
Si on a du mal : une petite dose de développement personnel, une thérapie brève comportementale pour se mettre le mors aux dents. Tels sont les conseils d’Emilie, rappelons ici ses origines canadiennes, ceci expliquant cela.

Et dans son 3ème et dernier lot de loi, des choses concrètes pour « on y va ».

C’est bien écrit, bien construit, pragmatique. Optimiste. Toute femme qui lit ce livre en tire quelque chose.
Une femme sur deux en le reposant se dit qu’elle a réussi. Et les autres qu’elles vont réussir.
En quoi ses lois là sont-elles particulières aux femmes ?
Pourquoi Emilie Devienne nous explique-t-elle qu’une femme qui réussit est une femme qui est bien dans sa vie ?
Que réussir n’est pas nécessairement être à la tête d’une entreprise du CAC 40 ?

La question de fond est : qui explique aux hommes que réussir n’est pas nécessairement être un grand patron ? ou un homme de pouvoir ?
Les critères de qualification de la réussite pour les hommes et les femmes sont différents. Déjà là, il n’y a plus d’égalité.
Un homme qui réussit a un bon poste dans une entreprise, genre cadre dirigeant au moins, un (très) bon salaire, et quelques signes ostentatoires de réussite : une voiture très chère, un appartement dans un beau quartier, une femme (plus) jeune et belle. Qui se pose la question de savoir s’il a des enfants et combien de temps il passe avec eux ? Si le mercredi il les emmène à la musique et au sport, le jeudi à leur rendez-vous d’orthodontie et le week-end aux anniversaires des copains ? Qui lui demande les notes de ses enfants, s’il est déjà allé aux réunions parents-profs et s’il est élu parent d’élèves ?

Une femme qui atteint le niveau de cadre dirigeant se verra systématiquement interrogée sur la conciliation entre sa vie familiale et sa vie professionnelle. Anne Lauvergeon est très connue pour sa repartie à un journaliste qui l’interrogeait sur ce sujet, auquel elle avait répondu « parlez moi d’énergie, et je vous répondrai ».
On se posera des questions sur comment elle a fait pour en arriver là, c’est un peu comme l’ascension de l’Everest, avec ou sans oxygène.
Sans enfants : « elle a sacrifié sa vie personnelle, pas mariée, sans enfants, la pôvre ! » et en chuchotant (« elle est lesbienne ? »).
Avec : « faire des enfants pour ne jamais les voir et les faire élever par une nounou, c’est pas un choix ! ».
C’est la quadrature du cercle. L’injonction paradoxale.
Quoi qu’il arrive une femme ne peut pas réussir.

Réussite pour une femme rime obligatoirement avec bon job, bonne mère, bonne épouse (et excellente amante). Plus de 3 critères pour une femme alors qu’un homme ne sera jugé que sur le premier.

Je sais messieurs que nous sommes nous savons faire plusieurs choses en même temps et être performantes sur tous les fronts.
N’empêche, il y a des jours c’est fatigant.
Et c’est injuste.
Sous couvert d’égalité, on nous en demande toujours plus, et nous fournissons toujours plus.
Je crois que c’est Françoise Giroud qui a dit que « les femmes seront vraiment l’égale de l’homme le jour où à un poste important on nommera une femme incompétente ».
Depuis la nomination de Nadine Morano je me demande si ce jour n’est pas arrivé . Ou bien le poste de ministre délégué à l’emploi et la formation n’est pas un poste important ? C’est aussi possible.

La prochaine conférence de l’IAE au féminin porte sur « pourquoi les femmes gagnent-elles moins que les hommes ? les mécanismes psycho-sociaux du plafond de verre ».
Je peux apporter mon propre témoignage sur le sujet. Dans mon conte de fée (celui de la Princesse au petit pois), mon salaire a été calé sur celui de mon collègue homme polytechnicien arrivé quelques mois avant moi et du même âge. Egalité donc.
Sauf que mon contrat stipule que je travaille à 70%, je gagne donc 30% de moins que lui.
Parce que j’ai des enfants, parce que je veux les mercredis et la moitié des vacances scolaires et que je fais une formation pour devenir coach et …
Je l’ai décidé, il est vrai.
Combien de femmes font les mêmes choix que moi ? Dans combien de famille décide-t-on de la mère pour les mercredis et la moitié des vacances scolaires?

Parfois, c’est le père, mais alors « il a moins bon job qu’elle », que ce soit vrai ou faux. CQFD : il n’a pas réussi.
Mon homme (sans en discuter avec son iPhone) n’envisage même pas de prendre un jour un temps partiel.

C’est la parentalité qu’il faut revoir, pas la place des femmes en entreprise. Ce n’est qu’une partie de la question.
On pourra envisager tous les dispositifs possibles pour briser le plafond de verre, ne pas faire du présentéisme le seul mode d’avancement, tant qu’on n’aura pas changer le regard qu’on porte sur la réussite des hommes et leur rôle dans la famille ou dans la vie sociale, l’égalité au travail sera en faveur des femmes.



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