dimanche 21 décembre 2014

Chère Marie-Aude

Claudine Doury, série 'Peuples"


Chère Marie-Aude,
Un de vos livres m’a été offert l’année dernière à Noel, il est gros, lourd encombrant pas facile à transporter. J’ai donc mis du temps pour l’entamer, il fallait que les conditions soient réunies : du temps et pas de déplacement ni de voyage. Les vacances de la Toussaint tombaient bien.
Je l’ai ouvert.
Et je ne l’ai plus lâché.
Du matin au soir, d’affilée sur deux journées, je l’ai terminé.
Un page turner, comme disent les anglo saxons.

Vous êtes un écrivain pour la jeunesse. Je ne suis plus si jeune, et si je ne suis pas encore abonnée à « Notre Temps », je tire rarement mes lectures du rayon jeunesse. Que fait donc ce livre entre les « Hunger Games » et « Nos étoiles contraires » ?

Oui, vous y avez mis des illustrations, à la Beatrix Potter - d’ailleurs votre livre  pourrait être une biographie romancée, cela n’en fait pas pour autant un livre pour enfant, ni même adolescent. Le fond, la leçon, l’enseignement, ce qui fait le sel de cette histoire, là où elle nous parle, nous touche, nous bouleverse,…il n’y a que les adultes qui l’ont (du moins je l’espère).
Vous vous adressez à notre part adulte. A la part de nous qui a grandi, qui est capable de regarder avec tendresse, sans mélancolie l’enfant que nous avons été et les stratégies que nous avons mises en œuvre pour vivre - ou tout simplement survivre.
Vous nous racontez si bien le désarroi que c’est parfois d’être un enfant, la difficulté d’être soi sans offenser ceux qu’on aime (ou qu’on respecte tout simplement), et l’énergie qu’il est possible de déployer pour s’en sortir, pour grandir sans se renier, pour devenir un adulte sans perdre l’enfant qu’on a été.

Vous avez écrit tant de livres avant, que celui ci me fait penser à un aboutissement qui résumerait tout ce que vous avez voulu dire avant. Il vous aurait fallu attendre toutes ces années, vous aviez 58 ans quand il a eté publié pour arriver à dire cela, à l’écrire comme vous l’avez fait.
Je vous suis reconnaissante de l’avoir fait avant mes 58 ans à moi. Je grandirai mieux maintenant, non que j’eusse encore l’espoir de gagner quelques centimètres mais mon âme s’en trouve plus riche.

Tout ce que vous racontez est d’une justesse remarquable.
Comment les besoins d’attention et d’affection peuvent amener à faire des mauvais choix pour de bonnes raisons et comment on en prend conscience ou pas, pour se réveiller (ou pas) au bon moment.

Et vous êtes drôle. J’ai ri à plusieurs reprises. Il y a peu de livres qui me font rire tout haut, il y a peu de choses en réalité qui me font rire tout rire tout court : mon iMari en premier lieu, et je crois que nous serons d’accord là-dessus, c’est vital dans une relation de se marrer un peu, beaucoup, passionnément et toujours.

J’aime beaucoup votre recette du pique-nique : « pour réussir un bon pique nique, il faut prévoir six homards, un roulé de tête de veau, des feuilletés à la confiture, beaucoup de bière, des jeunes gens, une vieille fille pour les surveiller, trois ou quatre enfants faciles, quelques messieurs mûrs, des ruines à visiter (rien à voir avec les messieurs mûrs), des fraises à cueillir, un orage en fin de journée ».
Ses ingrédients en font la singularité, et si on les trouve facilement encore de nos jours, le miracle est de les réunir en une unité de lieu et de temps.

Vous ne parlez que de trouver sa propre finalité et ce pour quoi nous sommes faits et vous commencez par :

« MAMAN 
quelle est la principale fin de la vie humaine ?

MOI, récitant
 c’est de connaître Dieu ».

Juste pour l’évacuer peut être ?

Je suis prête à partager cette réflexion avec ma fille qui a tant à dire sur l’existence de Dieu et je gage que ce genre de débat pourrait la rendre croyante à défaut de la mettre en référence circulaire. Je me souviens très bien de ce cours de philo en terminale où nous avait été exposée la démonstration de la pensée de Descartes : le passage de « Je pense donc je suis » à l’existence de Dieu m’avais ébranlée à l’époque. Et j’étais prête à y croire.
Mais avant Dieu il y a soi.

Je pense donc je suis, et la finalité de ma vie c’est de me connaitre et de devenir qui je suis. Vous avez trouvé les mots pour nous dire ça.

Je vais vous citer une dernière fois, car il faut que ce livre sorte du rayon jeunesse et embrasse plus de lecteurs.
« je faisais cette expérience étrange qu’une joie qu’on ne peut pas partager devient presque une chagrin ».

Enfin, il me reste juste à vous dire merci.

Miss Charity
de Marie Aude Murail



1 commentaire:

  1. Hello, joli billet, merci. J'ai lu Miss Charity un peu vite, j'avais bien aimé mais tu m'as donné envie de le relire, pour de bon cette fois. Ce sera quand j'aurai fini ma bio de Jean Moulin ; j'ai dans l'idée que cela va mal finir... Joyeux Noël à vous 5.

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