jeudi 22 octobre 2020

"S'affirmer" disait-elle ... et si ce n'était pas toujours la bonne option?

 

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Elle pense bien faire, certainement, en disant "lean in". 
Je parle de Sheryl Sandberg, Mme Google et maintenant chez Facebook, cette femme qui a tant de pouvoir et qui nous dit "en avant toutes" dans son livre. Je n'ai pas lu le livre, je n'apprécie que peu la dame pour qui je n'ai aucune curiosité, jusqu'à ce que je lise la 1ère phrase de sa page Wikipédia : "...une femme d'affaires et une militante féministe américaine". Elle se dit/se vit comme une militante féministe. Et c'est avec cette étiquette qu'elle nous conseille de "nous affirmer", que les barrières sont intérieures, et qu'être plus confiante, plus ambitieuse et plus comme un homme, les femmes y arrivent (sous entendu au pouvoir). 

Ce qui suscite en moi deux questions :
  • Quelle preuve on a que ça marche, à part son (unique) expérience personnelle? Est-ce que être confiante ambitieuse et "act like a man" permet d'obtenir des postes où on a le pouvoir d'agir? Avec pour conséquences de perpétuer ce système basé sur l'excès de confiance et l'ambition.
  • Y a-t-il d'autres manières de faire que celle-là? Une autre manière d'agir plus centrée sur "qui on est" plutôt que "faire comme attendu"? Ce qui potentiellement multiplie alors les façons de penser et d'agir, et d'autant, les réponses à apporter aux sujets complexes qui sont les nôtres ?
Heureusement, Leonoroa Risse, professeure d'économie à RMIT University (Melbourne, Australia) s'est penchée sur la première question, elle a cherché des preuves et ... a juste prouvé le contraire. Etudes et chiffres à l'appui. 
Dans son article sur The Conversation, en toute transparence, elle explicite sa méthode et ses sources, en bonne universitaire, ou juste parce qu'elle a l'habitue d'être contestée et que plutôt que de s'affirmer en parlant plus fort, elle préfère démontrer et justifier tout ce qu'elle énonce.
Elle a cherché à corréler la confiance en soi avec la promotion professionnelle pour les hommes et les femmes.
Les résultats sont surprenants : 
  • pour les hommes, la confiance en soi est effectivement un critère pour obtenir un meilleur job
  • pour les femmes, ce lien n'est pas établi, la confiance ne soi ne permet pas une ascension professionnelle.
Elle va même plus loin dans son étude : l'audace (voire l'effronterie et l'impudence), le charisme et le fait d'être très extraverti sont des facteurs qui favorisent la promotion des hommes. Des hommes uniquement. 
Pas des femmes. Agir en dehors des attendus de leur genre nuit à ces dernières. 
Par ailleurs, si l'excès de confiance est un critère de promotion professionnelle, ça veut  dire qu'à la tête de nos entreprises (et institutions) il n'y a que des gens sûrs d'eux (hommes ou femmes dans une moindre mesure), soit des gens en excès de confiance poussés à prendre des risques, pas toujours considérés. OOn peut légitimement se demander si c'est vraiment ce qui est voulu/attendu/nécessaire?
Elle conclut en disant que la promotion professionnelle devrait plutôt être basée sur les compétences et les capacités (que du bon sens non?) plutôt que sur la confiance en soi et le charisme. Ce qui revient à dire que confiance en soi et charisme n'en sont pas et donc que le système de recrutement mériterait d'être revu et objectivé. S'il faut revoir le système de recrutement, il semble aussi nécessaire de revoir nos milieux professionnels en permettant plus de diversité en entreprise, par exemple.

La question de l'égalité professionnelle n'est pas la question de la place des femmes en entreprise et comment elles doivent s'y prendre pour réussir,  mais bien la question du milieu professionnel et son organisation pour assurer plus de diversité (ie d'autres critères que confiance en soi, charisme et impudence). 

Ce qui m'amène à ma deuxième question, quelles sont les autres façons de faire?
Là, merci encore à une femme, à Arwa Mahdawi, journaliste au Guardian, qui publie toutes les semaines sa newsletter "a week in patriarchy". 
Elle va plus loin : non seulement elle dit que les femmes doivent arrêter de copier les hommes, mais qu'il serait temps que les hommes se mettent (un peu) à agir comme les  femmes. Ici la newsletter en question.
Elle nous parle d'une (sérieuse) étude de deux professeures d'économie l'une à l'Université de Liverpool (Supriya Garikipati) et l'autre l'Université de Reading (Uma Kambhampati) qui ont établi que
  • le nombre de cas de Covid19 est lié au genre du leader du pays (une femme implique moins de morts)
  • les résultats de la crise sont considérablement meilleurs quand une femme dirige le pays
  • les confinements ont été déclarés plus tôt dans les pays où une femme dirige
Preuves à l'appui évidemment, pas uniquement en se basant que les cas de l'Allemagne et de la Nouvelle Zélande mais en comparant des pays similaires en termes socio-demogrpahiques et économiques. C'est ainsi qu'il ressort que les 19 pays dirigés par des femmes s'en sortent bien mieux que ceux qui leur sont proches (rappel : proche économiquement et socio-démorgraphiquement) et dirigé par  des hommes. C'est valable pour le plus proche et pour les 5 autres plus proches.
Plusieurs raisons évoquées par les chercheuses, notamment liées à ce que les femmes ont appris ou introjectées au fil du temps (ie ce qui est attendu d'elles)
  • les femmes ont appris à craindre plus le risque, ou dit autrement à éviter les risques inconsidérés. Les pays dirigés par les femmes ont donc imposé le confinement plus tôt, et ainsi évité la propagation du virus et réduit le nombre de morts
  • les femmes ont aussi appris à privilégier un leadership plus ouvert et plus démocratique : dit autrement elles prennent l'avis d'autres, elles écoutent et se forgent une opinion.
Ce qui est vaguement agaçant là dedans ce sont les caractéristiques prêtées aux femmes et que ceci expliquerait cela. Mais en s'arrêtant juste aux caractéristiques, sans les genrer, il y a matière.

D'où les conclusions que je préfère tirer : 
  • d'abord que l'excès de confiance en soi est un handicap et que la prudence face au risque est un avantage dans la situation sanitaire qu'on connait, c'est à dire dans toutes les situations d'incertitude qui engagent d'autres que nous, en particulier quand la vie est en jeu. Douter, se poser des  questions est une qualité (presque une compétence alors?)
  • ensuite que diriger ne peut pas être un exercice solitaire. S'entourer, consulter, discuter, confronter des points de vues sont certainement un moyen d'aboutir à des solutions ou des décisions plus pertinentes. Encore une fois la diversité des points de vues avant d'agir au nom de tous, même en pensant le faire pour leur bien, est certainement porteuse d'actions plus adaptées.
Des premières pistes pour (re)penser les organisations dans les entreprises, donc.




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