dimanche 27 janvier 2019

L'art du dîner


"They come in,"  he said, "we take their coats. Everyone talks in a big hurry, as if we didn't have four long hours ahead of us. We self-medicate with alcohol. A lot of things are discussed, different issues. Everyone laughs a lot, but later no one can say what exactly what so witty. Compliments on the food. A couple of monologues. Then they start to yawn. They say "we should think about leaving, huh?" and we politely look away, like they 've just decided to take a crap on the dinner table. Everyone stands, one of us gets their coats, peppy goodbyes. We all say what a lovely evening, do it again soon, blah-blah-blah. And they leave and we talk about them and they hit the streets and they talk about us".

The dinner party and other stories - Joshua Ferris


Excellent recueil de nouvelles, un peu déjanté et drôle ! Drôle, que j'en ris toute seule, comme c'est suffisamment rare avec un livre, pour le signaler.

Pour en revenir au diner, on connait tous ça. Le dîner où tu va bien habillée, avec des fleurs (même les fleurs j'évite, je préfère les livres, les confitures ou un vrai bon truc que j'ai aimé), où on sait d'avance comment ça va se passer, où tu sais que tu vas un peu t'ennuyer, où il ya comme un air de déjà-vu, déjà-vécu, conventionnel où il faut aller. Où le mieux qu'il puisse arriver est une bonne surprise un moment de franche rigolage ou de franche engueulade. 
Ce qui arrive peu en vérité.
J'invite des gens parce que je sais qu'on va se marrer, qu'on a des choses à se dire, que l'échange n'est pas la comparaison de nos vies, mais qu'ils parlent de nos vies, de leurs hauts et de leurs bas, de ce qui nous anime, de ce qui nous touche, de ce qui est intime. 
Il m'arrive de refuser des invitations quand je sens le parisianisme poindre. Evidemment, ce n'est pas forcement bien accueilli et en général, ca fait vite du ménage!

J'en ai fini avec les dîners polis et mondains. La vie est trop courte pour s'imposer ça.




L'année nouvelle doit-elle obligatoirement être synonyme de renouvellement?

NYC - décembre 2019
Le rituel des voeux, comme beaucoup de rituels, me donne d'abord la migraine pour me ré-interroger chaque année sur son sens, et je finis par envoyer des voeux, de façon ciblée, contextualisée, là où ça me semble important et avec qui il me semble que c'est "juste". Pas de mail général, encore moins de SMS.
Et dans le rituel du bilan et des perspectives, j'arrive toujours à imaginer un truc qui m'amuse, ne serait ce que parce que je le pratique avec mes clients. L'exercice est vertueux.
Pourtant je peine à me l'appliquer cette année.
En relisant ce que j'ai mis l'année dernière, je me rends compte que j'ai lâché prise, et j'en constate en partie les effets : je bosse mieux tel que je le souhaite, j'arrive à avoir un rythme qui me convient mieux dans l'ensemble, avec des clients peut-être plus ciblés, que j'y mets moins d'efforts et que ça se passe bien parce que c'est plus juste.

Mais des questions demeurent, qui, si elles prennent une autre formulation, reflètent le même fond.
Est-ce que ce que j'apporte a de l'impact, dans le "bon" sens ? Est- ce que les gens en sortent plus conscients de qui ils sont, plus éclairés de ce qu'ils font et pourquoi ils le font, et plus impliqués dans leur action car porteuse de sens en soi?
Est-ce que j'opère au bon endroit? Est-ce que l'entreprise est le bon endroit? D'autres modalités auraient-elles plus d'impact?
Est ce que je me vois faire ce que je fais encore pendant 15 ans au moins?
Je n'ai pas la réponse et je doute que 2019 me le donne.

Je vois poindre les doutes de la cinquantaine approchant.
Je vois aussi qu'une forme d'équilibre est atteint, et que j'ai du mal à juste en profiter. 
Je suis confortable et que j'ai peur de m'engourdir dans mon confort.

Et pourquoi 2019 ne serait elle pas l'année du confort?
Et si je devais juste renouveler ma garde robe? ou ma bibliothèque? Et même ça. Pas utile. Much a do about nothing.
J'ai déjà renouvelé mon scooter et mon électroménager, après quinze années de bon et loyaux services. 
Ca suffit comme renouvellement.

En 2019, 
Rien de neuf
Je ne change rien.

mercredi 19 décembre 2018

Indian Creek



"Ils ne connaissaient rien à cet endroit. Ils ne savaient rien des skieurs qui faisaient demi tour une fois arrivés au col, ni des nuits à moins quarante où les étoiles sont si nettes qu'on a l'impression de pouvoir les attraper. Ils ne savaient pas qu'il y avait eu quatre pieds de neige durant des mois, que les traces de neige qu'ils voyaient dans les prairies étaient mes pistes hivernales, compactées qui résistaient au soleil. Ils verraient tout ça tel que c'était maintenant, sans savoir par quoi il avait fallu passer pour en arriver là. Cela me semblait injuste. J'avais l'impression d'avoir payé mon dû, et maintenant ces gens-là venaient profiter de ce que j'avais mérité à force d'efforts".

Indian Creek -  Pete Fromm

C'est la fin de l'hivernage, des 9 mois passés à garder des millions d'oeufs de saumon isolé par la neige de toute ville et toute vie sociale. C'est une autre histoire que celle de Sylvain Tesson dans sa cabane en Sibérie. C'est une autre écriture, moins méditative mais plus réaliste. L'homme est plus accessible, moins ténébreux, moins cynique, moins alcoolique (pas du tout en fait). 
Il parle de la vie, de la montagne, de la solitude et de la difficulté de revenir en société, il raconte son chien, ses ballades, la préoccupation d'occuper ses journées.
Il donne envie d'essayer, il est attachant.

Pete Fromm, bel homme - ce qui ne gâche rien -  a écrit d'autres livres, dont "lucy in the sky" lu cet été, dont j'ai déjà parlé. Et d'autres quand je regarde sa bio. Je cours chez mon libraire.
Hautement recommandable, sous votre sapin.

dimanche 9 décembre 2018

Ecœurement du matin

Egon Schiele - Fondation Louis Vuitton

Non, non je n'ai pas les nausées matinales de la parturiente.
C'est bien plus triste et affligeant.
Dans mon avion du matin, celui qui m'envole sur la Côte d'Azur, je me retrouve coincée entre le hublot et un couple aussi bruyant qu'envahissant. Lui grand, énorme, le verbe haut, elle la vieillesse bien conservée, très soignée, un rien vulgaire qui "ne supporte pas d'être assise au milieu, c'est maladif". Ils parlent fort, connaissent plusieurs personnes d'affilée montant dans l'avion, la bise par là, et "j'ai eu ta fille au téléphone hier soir, aussi charmante que sa mère"...  Toute la délicatesse et l'humilité des juifs du 16ème, les mêmes qu'on croise à la Fondation Louis Vuitton.
Le processus d'embarquement est sérieusement ralenti. Je comprends que ce sont des gens qui vont au même endroit, et qu'ils appartiennent au monde politique.
La Vieille dit à l'hôtesse qu'elle voudrait être à côté de "son bébé", ce qui fit glousser le Gros : le bébé est un sacré morceau. Je comprends que c'est le fils, il est presque aussi gand que le père, mais bien plus gros.
Ces yeux sont tellement enfoncés dans le gras de son visage, tellement boursouflé qu'on pourrait imaginer un choc anaphylactique, les grosses saucisses qui lui servent de doigts ont noyé ce qui lui sert d'alliance. 
Ces gens sont pénibles, j'ai oublié mes écouteurs, je me plonge dans la lecture exhaustive des Echos et systématique du Monde.
"C'est bien pour vous, vous allez avoir la rangée pour vous seule" me dit le Gros une fois que l'hôtesse leur a trouvé 3 places à côté.
"je ne sais pas si c'est bien pour moi, en tout cas ça l'est pour vous visiblement. Bon voyage" fut ma réponse, aimable, en levant à peine les yeux de mon journal.

Zut, ils sont juste derrière moi. Le Bébé entre son Pôpa et sa Môman, et j'ai droit à toute leur conversation durant la durée du vol. Ce sont des gens qui ont besoin de faire savoir qui ils sont, ils se disent leur nom entre eux, y compris leur nom de famille, et raconte leur vie.
C'est comme ça qu'ils m'ont fait savoir qu'ils étaient la descendance de Simone Veil. Le Gros était donc Pierre François Veil (le fils de Simone Veil), le Bébé : Lucas Veil marié à Nelly dont il a raconté l'agenda de son anniversaire qui occupe tout le mois - il se trouve que c'est Nelly Auteuil, la fille de Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart, et la Vieille est Barbara Rosnay.

Je suis très déçue.  Comment une femme que j'admire a pu engendrer une progéniture pareille?
Atterrée, j'aurai préféré tout ignorer de la suite de cette Dame,
Une chose est certaine, personne parmi eux ne reprendra son flambeau.
Ne pas oublier ses écouteurs peut nous éviter bien des déconvenues.


mercredi 28 novembre 2018

Encore un

Encore un fini avec mon thé du matin

Naître en1915 affublée d'une drôle de malformation qui ne se voit pas, mais qui empêche de mener une vie "normale" et sociale, c'est l'histoire de Miss Jane de Brad Watson. La chirurgie ne pourra faire quelque chose pour elle qu'à la fin de sa vie, quand elle est déjà une vieille femme, quand elle n'en a plus ni l'énergie, ni l'envie.
C'est l'histoire d'une vie, de la vie elle-même, d'ailleurs.

Encore un.
Acheté samedi, fini mercredi.
C'est grâce au collège et au lycée. Mais surtout au collège.
Le matin, je me lève, relent coupable de la "bonne mère" qui suit le petit déjeuner de sa progéniture, s'assurer qu'ils déjeunent un minimum équilibré. J'assiste à leurs départs, étalés entre 7h30 et 8h30. Je n'ai plus à sortir le(s) déposer à l'école.
Je reste immobile à ma table : je finis mon thé.
Non plus ma tasse de thé, non, ma théière, entière, pleine et chaude.
Ça prend du temps.
Que je passe avec un livre.

Encore un.
De ces écrivains américains formés à bonne école (leur creative writing), qui m'enchantent de leurs histoires savamment alambiqués et divinement écrites que je m'y crois, que je suis émue, et que parfois j'ai de l'humidité au coin des yeux.

Encore un.
Un roman écrit par un homme, que je lis avec plaisir.
Tout en m'agaçant sur Lire Magazine qui fait son show de fin d'année : les 100 livres qui ont fait 2018. Sur les 10 premiers : 3 femmes. La première est citée au bout de 6 titres, dans un petit encart au bout de 6 pages. Elles n'atteignent pas les 50% de ce qui a fait 2018.


dimanche 25 novembre 2018

Tout au Nord

A lire au coin du feu pour se sentir loin
"En attendant, je contemplais les étoiles piquées dans la nuit, froides et dures, indifférentes aux dangers que nous courions, je n'étais plus transportées par le beauté des éléments, je frémissais de leur cruauté inhumaine"
Le Grand Nord Ouest  - Anne-Marie Garat

Parcourir le Grand Nord, entre le Yukon (Canada) et l'Alaska (USA) avec l'écriture d'Anne-Marie Garat, c'est y être. 
C'est notre week end nord-américain : hier soir nous fêtions Thanksgiving chez des copains, avec des Américains. Un régal pour les papilles, une histoire moins édulcorée que celle qui nous est racontée dans les livres à propos de ce Thanksgivibg et de l'échanges de bons procédés entre Indiens et Pèlerins, avant le massacre de ces premiers. 
Passerelles à plusieurs dimensions, la fin du mythe du bon sauvage, la quête d'identité, la pugnacité, savoir où est le juste et ce qui est bon pour soi. Et les grands espaces. C'est tout ce qui a dans ce roman, avec cette écriture si soutenue, si lumineuse qu'il faut le lire au coin du feu sous peine d'avoir froid.

"C'est comme cela qu'elle a disparu de ma vue, mais pas de ma vie".

On retrouve des personnages de "La Source" son roman précédent. Je m'y suis attachée et en avançant dans l'épopée de celui-là "Le Grand Nord Ouest" j'ai bien du admettre que ces personnages avaient disparu de ma vue, mais pas de ma vie. 
En  dehors des livres, des gens ont disparu de ma vie et certains ne me manquent pas ; des personnages n'ont pas disparu de ma vie, juste de ma lecture. Tout cela est troublant, comme s'ils avaient une vie propre, là jusque à côté de moi.

"Aux fictions qu'éveillé on se fabrique taillées sur mesure pour servir de carburant à la vie moche, se donner de petits bols d'air à hauteur respirable en sachant qu'il faudra replonger en apnée ras du sol, je préfère le rêve réel même si c'est parfois un cauchemar, il convoque nos ombres et nos âmes, mon rêve ou mon voeu d'à présent a le pouvoir magique d'intervenir pour qu'au futur antérieur cela ait été. En réalité, cela aura été. Je le crois, puisque sous ma lampe je continue à écrire, même si en finir avec la mort est aussi impossible que d'en finir avec le roman".

Ainsi s'achève le roman, sans plus d'explication. 
En avons nous besoin?

samedi 17 novembre 2018

Lecture du jour

Golfe du Morbihan  - octobre 2018


Se creuser la tête 
Et finir par y enterrer toute idée

Sylvain Tesson - Aphorismes