dimanche 15 mai 2016

Soirées ferroviaires anaérobies

Dans le métro - février 2016

Nous avons eu une semaine de 3 jours, rappelez-vous. C'est le seul vrai week-end long de notre année bissextile.
3 jours, 3 soirées dans le train. 2 anaérobies.

Lundi : Cholet-Paris. Ambiance morose, nous sommes 3, pas très contents de notre prestation chez le client où nous allions présenter notre offre. Trois ruminants, trois mauvais perdants, trois énervés. On a refait l'histoire, envisagé des possibilités, des "ce-qu'-on-pourriat-renvoyer". Bref on a ruminé tous le trajet. Ce que je ne savais pas ce soir-là, c'est que c'était ma seule soirée ferroviaire aérobie.

Mardi : Paris-Vannes. Le dernier train au départ de Paris, celui qui arrive à Vannes un peu avant 23h. 
le train est complet, de voyageurs occasionnels : ils se repèrent facilement ce sont les seuls qui arrivent largement à avance.
Dans mon wagon, tout le monde est là ou presque. Mon voisin aussi, il s'est déja installé, côté couloir. Dans l'ordre inverse, en admettant que je sois arrivée avant lui, je ne lui aurais pas laissé la place côté fenêtre. (Anna = ventana, c'est une private joke, qui date de notre - lointain très lointain - voyage au Pérou, où pour avoir la fenêtre j'arguais du fait que mon prénom rimait avec le mot en espagnol. Tom on l'appelle Tom, et pas Thomas, tant pis pour lui, il est couloir - toujours, tout le temps).
Mon voisin gagne un point dans mon estime rien que pour ça, qu'il perd aussi vite : il a largement investit l'espace vital, c'est à dire la seule prise de courant disponible. Et pour bien montrer qu'il ne la partagera pas, il a sorti son Mac, son iPad, son iPhone, ils seront branchés à tour de rôle. 
Et d'un coup d'un seul, il est en négatif : il pue.
Et pourtant il est jeune. Il sent le renfermé, le pas-lavé, le "je-suis-allergique-à-la-douche". 
Il lit un roman, je suis en général très clémente avec les gens qui lisent dans le train. Je note le titre, je regarde par dessus leur épaule quelques phrases (je sais, ça ne se fait pas, mais je me renseigne), j'essaie de lire la quatrième de couverture quand ils vont aux toilettes. Bref je mène l'enquête.
C'est un peu décevant, il lit "Paris est une fête" d'Hemingway". Trop convenu en ce moment. C'est exactement ce qu'on attend d'un jeune, toute la génération Z a lu/est en train de lire "Paris est une fête". 
Moi je ne l'ai pas lu, ni "le vieil homme et la mer". En revanche, je bois des Mojitos en son hommage.
Mon jeune donc, pue. J'arrête de respirer. J'étouffe, une petite inspiration par la bouche, une grande expiration par le nez, et hop je recommence. Si je continue je fais faire de l'hyperventilation, ce qui fera tache, il risquerait de se pencher sur moi évanouie pour s'assurer que je vais bien. Rien que l"idée de lui au dessus de mon nez, je meure.
Solution préventive de conservation : je lui montre résolument mon dos. Je respire avec précaution et appréhension. Je ne peux pas changer de place, partout, tous les sièges sont pris.  Je crie victoire une peu vite quand je le vois se lever à l'annonce du prochain arrêt. 
Il sort fumer. Ce qu'il fera à chaque arrêt. 
Ce qui me fait un temps de récupération. c'est un peu comme une séance de fractionné en course à pied : des temps aérobie, des temps anaérobies.
A Vannes, grande respiration (comme au yoga) pour traverser la place de la gare avant d'entrer à l'hôtel. A 23h07, je suis dans mon lit, respirant à pleins poumons.

Mercredi soir : Vannes-Paris. Un peu plus tôt puisque le départ de Bretagne se fait à 16h30 (ça fait presque école buissonnière). Le train n'est pas encore plein, je suis seule sur ma banquette pour deux, étalée en toute impunité, ma veste et mon sac sur le siège vide, les deux tablettes baissées... Genre : "j'occupe l'espace" et surtout, surtout, je ne lève jamais les yeux quand les gens montent dans le train, ralentissent devant MON siège. Ne pas être accueillante, ne pas donner un signe de reconnaissance et encore moins de connivence.
Casque, concentration sur écran et siège vaquant encombré sont les conditions pour décourager les impétrants. Ceux qui n'ont pas envie de se mettre à leur place et qui en cherche une autre, ceux qui on envie de discuter, celui/celle dont c'est la place, et à qui il faut donner le signal "pas ici, je suis toxique,,mieux vaut trouver un siège plus accueillant". 
Manque de bol, ou plutôt veille de week-end long, dans je-ne-sais-quel-arrêt-de-province, où il y a plus de 10 maisons (j'adore faire la sécheuse parisienne), un troupeau monte et un mec en costume arrive droit sur moi (je le vos avec mon 3ème oeil, celui qui est au dessus de moi),  il ne peut pas s'assoir ailleurs, c'est plein.
Et horreur, il sent la sueur! 

Mais qu'est_ce que j'ai fait pour mériter ça? 

La sueur forte de l'homme qui a mariné, aigre qui rince le nez et gratte la gorge, incrusté dans les vêtements, envahissante, enivrante (dans le sens premier). 
Je meurs une deuxième fois, en moins de 24 h. 

Avec cet entrainement, je me présente au championnat du monde d'apnée.


1 commentaire:

  1. Dommage que le blog en "odorama" n'existe pas encore : on s'y croyait déjà rien qu'avec l'écrit !

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