dimanche 3 décembre 2017

Cher Professeur d'Histoire



Cher Professeur d'Histoire de 3ème,

Vos élèves vous vénèrent.
Vous les captivez avec votre façon d'aborder l'Histoire, la Grande, la Petite, celle des gens qui l'ont vécue. Vous la rendez vivante en leur donnant des livres à lire, des images pour prouver, des films pour se rendre compte, des documentaires pour comprendre...
Vous les nourrissez abondamment, et ma fille absorbe. 
C'est une éponge. Elle écoute chaque mot que vous dites, chaque idée que vous formulez. En plus, vous êtes jeune, et pour peu que vous soyez beau gosse, votre impact sur ces jeunes filles n'en est que plus important.

Monsieur le Professeur, je vais vous raconter la soirée de mardi, chez nous.
Mardi après-midi, vous avez comme tous les mardis votre classe de 3ème. Vous finissez la période de la seconde guerre mondiale : vous leur avez déjà parlé de la déportation, des camps de concentration, de Staline et de son régime totalitaire, de l'endoctrinement des Hitler Jugend ... 
Savez-vous qu'elle a lu tout ce que vous avez évoqué? Et regardé tout ce que vous avez conseillé? 
Ces derniers temps nous baignons dans une ambiance de régime totalitaire, d'endoctrinement, de mise à mort collective,  sans compter ce que conseille votre collègue professeur en français.
Et ce jour là, vous abordez le procès de Nuremberg et vous décidez de montrer en classe des images qui ont servi pour les inculpés. 
Des images insoutenables, des images pour faire réagir les tortionnaires, pour les mettre en face de leurs crimes.

Monsieur le Professeur, vous avez en face vous des jeunes de 14 ans. 
Vous les avez prevenus que ce qu'ils allaient voir était des images difficiles, mais que se sont ils imaginés?  Ont-ils eu le choix de pouvoir sortir de la salle? De dire "c'est intolérable arrêtez!" ? De ne pas regarder?
Comment avez-vous fait votre introduction ? Quels échappatoires ont-ils eu?
Comment en avez-vous parlé ensuite?
La mienne, curieuse et concernée, a décidé de regarder jusqu'au bout, sans distance, avec compassion, en s'immergeant, en se concentrant...
Ma fille, qui est emphatique est sortie du collège dans un état second. Elle m'a appelée, chose qu'elle ne fait jamais, et quand j'ai décroché, en pleine réunion, elle a éclaté en sanglot. 
Sa compassion débordait : "j'ai vu des chose horribles, j'ai vu des gens morts de faim, abandonnés sur le trottoir du ghetto, j'ai vu des corps qu'on déchargeait, j'ai vu... comment on a pu faire ça?".
J'ai écouté, j'ai expliqué pourquoi vous aviez montré cela, à quoi cela servait de se rendre compte.

Je vous en ai voulu. 
Je vous en ai voulu de ne pas vous rendre compte de l'impact. 
Je vous en ai voulu de la violence que vous infligiez à ma fille.
Je vous en ai voulu de ne pas avoir pris plus de précautions.
Je vous en ai voulu de les avoir laissés quitter votre cours sans en parler collectivement.

Notre soirée a été consacrée au sujet.
Elle a beaucoup pleuré de douleur et de mal être pour ces gens qui sont morts, qui ont tout perdu jusqu'à leur Humanité. Elle a du décrire les images qu'elle avait vues pour se les sortir de la tête. 
Nous en avons parlé jusqu'à une heure avancée. De cela je ne vous en ai pas voulu.

Monsieur le Professeur, je les ai regardé, moi, ensuite ces images. 
Elles donnent la nausée, elles troublent, elles sont indicibles et intolérables, mêmes pour des adultes avertis.
Vous avez raison de les leur montrer. faites le juste avec plus de mots, avant et après.
Pour que ce ne soit pas une agression, pour qu'ils le digèrent, pour qu'ils s'indignent.
Pour que ce soit une leçon.
Pour nous tous, pour les générations de demain.

Vous avez ensuite attaqué la Résistance, et j'appréhende un peu ce que vous allez encore leur demander de regarder et de comprendre...
Même moi, j'ai du mal avec le Programme de 3ème.

Monsieur Le Professeur, je vous souhaite néanmoins une bonne soirée, il me semble que vous abordez de front des sujets graves, je voudrai juste un peu plus de douceur dans ce monde de brutes.

bien à vous,











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