samedi 2 décembre 2017

Embarquer avec élégance et dignité

Promenade des anglais - juste après le Bandol
Je prends l'avion régulièrement par aller à Nice. Je ne m'endors pas à chaque vol avec mon genou contre celui de Raymond, mais j'ai à chaque fois l'impression d'arriver en vacances quand j'atterris et de quitter une sorte parenthèse lumineuse quand j'en repars. Ce sont des missions professionnelles, je tiens à le préciser.

Hier, au passage des contrôles devant moi, deux maitresses femmes. Une grande black, longues jambes dans un pantalon en cuir, perchée sur des plateformes noires, gainées en dessous du genou. Des talons qu'une règle d'écolier aurait du mal à prendre la mesure. Une femme qui approche la cinquantaine, qui s'entretient, se sape pour aller bosser, ne sourit pas parce que ça creuse les rides. Tu n'as ni envie de lui sourire, ni envie de plaisanter. 
Derrière elle, son opposée. Une petite blonde décolorée, qui lutte contre les rondeurs de la ménopause avec moins de succès (ou plus de volupté), moulée dans une robe de style Chanel, parfaitement maquillée, le sac à main assorti aux chaussures. Les chaussures : leur seul point commun. Talons démesurément hauts. Je me suis perdue dans la contemplation de leurs talons en faisant la queue avant les contrôles.
Comme j'avais bu du vin à midi (mes clients niçoises sont des bonnes vivantes: déjeuner en terrasse au soleil et vin de Bandol), j'ai même essayé de marcher comme elles. J'ai eu le vertige, j'ai vite arrêté.
J'ai eu mes quelques minutes d'envie, vous savez ces moments où on contemple ce qu'on n'atteindra jamais : the perfect make-up, the perfect match dress, et les talons... . 
Je me suis vue avec mon jean, mon (éternel comme dit mon iFille) pull noir , mes bottines à plat (oui des Pete Soresen, mais à plat, pas une centimètre de surplomb), rien sur la figure, et mon indéfectible brushing naturel que même le mistral ne parvient pas à foutre en l'air.
Le vin blanc faisant son office, je me suis sentie petite et désordre....
.... jusqu'au passage des rayons X. 

Là, le monsieur qui contrôle les papiers, vous fait ranger votre portable dans un bac et votre manteau dans l'autre, vous fait sortir votre tube de dentifrice du sac, vous dit "enlevez votre bonnet pour passer le portique " (oui j'ai un bonnet, on est en hiver, j'ai froid), vous demande trois fois de suite si vous n'avez pas de liquide dans votre sac (oups, il me reste de l'eau alors que j'ai dit trois fois non!), a fait enlever aux deux maitresses femmes devant moi leurs si belles montures...
Fini la vue en plongée, fini la prise de hauteur, revenues sur terre en chaussettes dans le hall. 
Celle qui a l'habitude s'est assise pour enfiler les jolis sacs plastiques bleu censés protéger les chaussettes, la blondinette dans ses collants tout fins ne les a pas trouvés.
Soudain prise d'un accès de gentillesse (l'autre effet du Bandol), je lui ai montré où étaient les magnifiques surchaussettes bleu électrique, d'un geste naturel, sans enlever mes écouteurs (The National, à fond). Comme si moi aussi j'avais l'habitude d'enlever les hautes talons au passage des contrôles.
Et l'une après l'autre, elles sont passées, pieds bleus, rase moquettes couleur du ciel, bien modestes tout à coup. On se sent un peu plus vulnérable en chaussettes dans un lieu publique.

J'ai gagné en superbe ce qu'elles ont perdu en talons. Fièrement, d'un pas décidé et conquérant, j'ai fait claquer mon talon à plat pour passer le portique sans sonner (et sans mon bonnet).
J'ai récupéré mes affaires pendant qu'elles remettaient leurs chaussures si hautes. 
J'ai levé le menton, étiré ma colonne et suis partie sans les regarder, avec quelques centimètres de plus dans mon dos.

Ah ce vin de Bandol à midi!


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