vendredi 3 août 2018

Regarder passer l'été #3 - en haut

Vallonpierre, au petit matin

La haute montagne est un monde demeusuré qui, à la différence de la pampa ou du desert, possède à la fois l’immensité et la monumentalité. Ce monde n’est plus le nôtre et son échelle des grandeurs n’est plus la nôtre. La verticalité y a plus d’importance que les deux autres dimensions. Les mots n’ont plus le même sens : les pentes, les montées ne sont pas des horizontales imparfaites, mais des verticales adoucies. Il n’y a plus d’odeurs, plus de couleurs, le marron du rocher, le blanc de la neige dévilatisent notre palette. La voluminosité du silence amortit les fracas les plus retentissants. L’énormité de ce nouveau monde s’impose bientôt comme normal au regard, car la montagne nos transforme. Elle ne prête pas à des effusions sentimentales. Oserai-je ajouter que l’alpiniste n’est plus un être sexué ? 
Il a mieux à faire.
Les hautes montagens n’appartiennent pas à notre terre avec ses collines, ses arbres, ses autos et ses maisons. Comme ces autres mondes que sont les nuages ou la mer, elles forment un monde à part, ou plutôt un chaos ; elles sont restées figées dans l’accident originel qui les a soulevées et fracassées. Cette unifomité dans l’uniforme nie l’existence de la vie ; on s’y réfugie quand les plaines se révèlent normales et limitées.

Et dans l’éternité je ne m’ennuirai pas  - Paul Veyne

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